Face au fléau de l’habitat indigne, la lutte s’intensifie

La capitale a été le théâtre, ce mardi 8 juillet, d’une journée nationale de mobilisation exceptionnelle dédiée à la lutte contre l'habitat dégradé et indigne. Organisée par le ministère du Logement, cette journée a été marquée par plusieurs temps forts réunissant la ministre Valérie Létard, des élus, des partenaires institutionnels et des acteurs de terrain, dans le but affirmé de renforcer la cohérence des politiques publiques et d’accélérer l’action contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées. L'enjeu est de taille : améliorer les conditions de vie de plus d'un million de Français affectés par ce phénomène.

L'habitat indigne n'est pas une problématique marginale. Comme l'a souligné la ministre Valérie Létard, mardi 8 juillet à Paris dans le cadre d’une journée de mobilisation, c'est "une réalité douloureuse qui traverse l’ensemble des territoires" : "Des métropoles sous forte tension jusqu’aux zones rurales en déprise, ce phénomène est l’un des visages les plus visibles de la crise du logement. Et ce sont toujours les plus vulnérables – familles modestes, personnes isolées, ménages précaires – qui en subissent les conséquences les plus lourdes."

Les chiffres témoignent de l'ampleur du défi : 420.000 logements sont actuellement considérés comme indignes en France. Parmi les 10 millions de logements en copropriété, 1,5 million sont jugés fragiles ou dégradés, avec 150.000 en difficulté avérée et 215.000 affichant un taux d'impayés supérieur à 20%. Valérie Létard a rappelé que "l'habitat indigne est le corollaire de la crise du logement que nous connaissons”, avant d’insister sur la nécessité d'une "vision globale" des interventions sur le bâti existant, intégrant la lutte contre l'habitat indigne, la rénovation énergétique, l'intervention sur les copropriétés en difficulté mais aussi l'aménagement des quartiers dans le cadre du renouvellement urbain.

Regards croisés et défis futurs

La journée a débuté au ministère de la Cohésion des territoires avec le comité de pilotage du plan Initiative copropriétés (PIC), en présence de Valérie Létard. Lancé en 2018 pour une durée de 10 ans et piloté par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), ce plan vise à aider les copropriétés à anticiper les difficultés via des diagnostics et travaux préventifs, à les soutenir financièrement et à mener des interventions ambitieuses (réhabilitation, changement d'usage, requalification urbaine) pour les copropriétés les plus dégradées. En 2025, plus de 2,7 milliards d'euros ont ainsi été mobilisés pour la rénovation et la réhabilitation de ces copropriétés en difficulté. Le PIC a déjà accompagné 684 copropriétés, soit près de 90.000 logements. Au total, 188.694 logements ont été rénovés depuis 2018, avec 1,86 milliard d'euros de subventions, dont 1,58 milliard d'euros d'aide de l'Anah. 

La ministre du Logement s’est ensuite rendue dans l’Essonne pour une visite emblématique de Grigny 2, l’une des plus grandes copropriétés de France, qui fut un symbole de dégradation. Le site est d’ailleurs inscrit dans le dispositif Orcod IN (opérations de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national) et le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Valérie Létard a salué cette réalisation, déclarant que "Grigny 2 incarne la réussite d’une action publique volontariste et partenariale sur une copropriété particulièrement dégradée. C’est un exemple de ce que nous devons reproduire partout où cela est nécessaire". Lors de cette visite, la ministre a signé les huit premiers "plans de sauvegarde" pour Grigny 2, permettant la rénovation de 1.154 logements et un investissement de 67 millions d’euros cofinancé par l’Anah et l’établissement public foncier d’Île-de-France (Epfif).

L’après-midi, dans les locaux de l’avenue de Ségur (7e arrondissement), la conférence annuelle du Pôle national de lutte contre l’habitat indigne (PNLHI) a réuni 300 participants (services de l’État, collectivités, opérateurs…) et mis en lumière l'importance de partager les solutions concrètes qui émergent des territoires. Deux thématiques centrales ont été abordées : la prévention des effondrements du bâti, un sujet d'actualité suite aux événements de Marseille, Toulouse, Bordeaux et Lille, et l'intervention sur les copropriétés dégradées. Hasard du calendrier, le tribunal correctionnel de Marseille rendait justement son jugement, la veille, dans le procès des effondrements de la rue d’Aubagne – un drame devenu emblématique.

En clôture de la conférence, Valérie Létard a réaffirmé sa résolution à lutter contre le fléau : "Je suis plus que jamais déterminée à poursuivre et amplifier nos politiques de traitement de l'habitat dégradé et indigne. Le logement doit être un lieu de vie digne et sécurisée." Elle a également évoqué les défis à venir, notamment la poursuite du PIC au-delà de 2028. "J’ai demandé à l'Anah et à la DHUP de me remettre des propositions d'ici la fin de l'année pour poursuivre cette politique publique et avec une attention renforcée sur les petites copropriétés en secteur diffus dont j'ai bien en tête qu'elles sont un vrai sujet de préoccupation." Celles-ci représenteraient en effet 80% des copropriétés fragiles. 

› Loi Habitat dégradé de 2024, plan Initiative copropriétés : un arsenal juridique renforcé

Adoptée en avril 2024, la loi sur l’habitat dégradé représente une avancée majeure, visant à accélérer et simplifier la rénovation. Elle apporte des solutions concrètes pour traiter les copropriétés dégradées et renforcer la lutte contre l'habitat indigne, en facilitant par exemple le vote et le financement des travaux pour des prises de décision plus rapides en assemblée générale, en instaurant une nouvelle procédure d’expropriation des immeubles indignes, ou encore en renforçant les sanctions contre les marchands de sommeil. Sur ce point, Valérie Létard a été claire : "Les marchands de sommeil, c'est bien le cœur du sujet à traiter". Publié au Journal officiel du 8 juillet, un décret prévu dans le cadre de cette loi sur l’habitat dégradé établit en outre les modalités de l'expérimentation du bail à réhabilitation dans le but de faciliter la rénovation des logements très dégradés (lire notre article). Auparavent, en mai, un autre décret d'application de cette loi était venu préciser la nouvelle procédure d'expropriation ad hoc pour les immeubles en état de dégradation remédiable (voir notre article).

 

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