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Sport - Face à David Douillet, l'Andes plaide pour une régulation du sport professionnel européen

Le nouveau ministre des Sports a rencontré de nombreux acteurs institutionnels. Dont Jacques Thouroude, président de l'Association nationale des élus en charge du sport. L'occasion pour l'élu de sensibiliser David Douillet aux préoccupations des collectivités.

David Douillet, ministre des Sports depuis le 27 septembre, en remplacement de Chantal Jouanno, élue au Sénat, a rencontré de nombreux acteurs institutionnels du sport en France durant le mois d'octobre. Après les principaux présidents de fédérations, c'était au tour de Jacques Thouroude, président de l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), d'être reçu par le nouveau ministre, lundi 31 octobre. Une occasion pour l'élu de sensibiliser David Douillet aux préoccupations des collectivités en matière de sport. La discussion a surtout porté sur la nécessaire régulation du sport professionnel au niveau européen.
"Aujourd'hui, on ne peut pas uniquement travailler sur une base nationale. Il faut que nous ayons une organisation européenne", a rapporté à Localtis Jacques Thouroude après son entrevue. Et le président de l'Andes de citer le 1,3 milliard d'euros de déficit des clubs de football européens, une situation "insupportable", selon lui. Si la France est l'une des rares à disposer d'une direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), celle-ci ne parvient pas à endiguer les pertes des clubs (180 millions d'euros en 2010). En cause, des dépenses toujours plus importantes qui pèsent particulièrement sur les charges des collectivités locales françaises. "Chez nos voisins, il n'y a pas autant d'argent public dans le sport que chez nous. Chez eux, les clubs sont souvent propriétaires des installations. Aujourd'hui, les clubs français souhaitent tous avoir des loges pour développer l'offre de réceptions lors des matchs, pour augmenter leurs recettes, c'est quelque chose qui n'existait pas il y a dix ans."
Autre problème récurrent du sport professionnel en Europe et en France : la télévision qui fournit une part toujours plus importante du budget des clubs tout en imposant ses volontés. "Les clubs commencent à être télédépendants, réagit Jacques Thouroude. Cela pose des problèmes d'organisation quand par exemple des concerts sont prévus dans la salle où doit jouer un club professionnel. Dans la mutualisation des équipements, il existe le risque de confrontation entre les priorités des uns et des autres."
L'Andes estime donc que la fuite en avant du sport professionnel en Europe a un fort impact sur les collectivités… et pourrait même toucher les futurs moyens du sport amateur, compte tenu de l'évolution de l'Union européenne dans son approche du domaine (lire notre article du 1er août ci-contre). "Des enveloppes de subventions communautaires devraient arriver pour les équipements sportifs. On a tout intérêt à avoir une règlementation bien assise si on ne veut pas que cette manne parte dans le sport professionnel", plaide Jacques Thouroude.

Le sport professionnel, un risque pour les collectivités

Les pistes de travail avancées par l'Andes sur la question sont nombreuses. Tout d'abord un rapprochement avec les ligues professionnelles pour travailler à la gestion des arénas. "Aujourd'hui, on nous demande de construire des arénas, de construire des stades mais on ne s'occupe pas du fonctionnement", explique Jacques Thouroude. Or ce fonctionnement coûte cher aux collectivités, quel que soit le type de gestion. "Même avec des partenariats public-privé [PPP], cela coûte plus cher à terme que ce qu'on veut bien présenter. Il y a une participation des collectivités dans l'investissement mais surtout dans le fonctionnement. Quand on fait le total, cela revient plus cher que si la commune avait construit l'équipement. On peut se retrouver dans des cas où la ville prend tous les risques alors que le secteur privé n'en prend pas", déclare Jacques Thouroude, avant de pointer du doigt une particularité du sport professionnel : "Quand il s'agit d'un parking, un PPP peut être intéressant car il y a des rentrées régulières sur la durée. Dans le sport professionnel, rien ne vous garantit des retombées financières car on n'est pas dans le cas de ligues fermées [où les clubs seraient assurés de participer aux compétitions année après année, ndlr]." En effet, le statut professionnel d'un club est éphémère, il dépend de ses résultats, et les équipements peuvent se retrouver vides, sans recettes, du jour au lendemain en cas de relégation dans une division inférieure. A titre d'exemple, le Stade des Alpes de Grenoble, inauguré en 2008, n'a plus de club résident après le dépôt de bilan du Grenoble Foot 38… et continue de coûter des centaines de milliers d'euros chaque année à la communauté d'agglomération. Pour le président de l'Andes, le sport professionnel fait courir un risque considérable aux collectivités locales. Il plaide donc pour que les clubs deviennent propriétaires des installations qu'ils utilisent… et en assument les conséquences.
Enfin, l'Andes est favorable à un examen en amont des règlements des ligues professionnelles par la Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres) (lire notre article du 26 octobre ci-contre). Selon lui, si cette solution n'était pas retenue, la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) pourrait s'emparer de ces règlements et le couperet n'en serait que plus tranchant. "Il faut éviter, à force de ne pas intervenir, d'arriver au moment où les collectivités arrêteront de financer et mettront tout le monde dans l'embarras", conclut Jacques Thouroude.

Jean Damien Lesay


L'Andes à Toulouse en 2012
L'Association nationale des élus en charge du sport a prévu de déménager à Toulouse au premier semestre 2012. Basée à Castres depuis son origine, l'Andes entend, à travers cette installation dans une capitale régionale, être plus près des élus, augmenter sa capacité d'accueil de stagiaires et développer ses actions en faveur des collectivités. L'Andes constitue aujourd'hui un réseau réunissant quelque 3.000 collectivités à travers la France.