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Sport - Le partenariat public-privé, solution idéale pour les équipements sportifs ?

Les partenariats public-privé (PPP) sont-ils l'avenir exclusif des équipements sportifs de grande taille ? On pourrait le croire à entendre les participants des troisièmes Rencontres parlementaires sur le sport, qui se sont déroulées le 7 juin à l'Assemblée nationale. Ce rendez-vous se voulait provocateur par son intitulé – "Infrastructures sportives, la France en 2e division" – mais encore par les mots introductifs de son président, Bernard Depierre, député de la Côte-d'Or et rapporteur de la mission d'information parlementaire sur les grandes infrastructures sportives : "Les échecs successifs des candidatures françaises à l'organisation de plusieurs grandes compétitions internationales en salle constituent un signal alarmant du déficit de notre pays en grandes infrastructures sportives couvertes."
En ouverture de la table ronde "Financement des stades et des salles : la mutation d'un modèle", Henri Nayrou a rappelé que l'avènement du sport spectacle professionnel avait entraîné la transformation d'un investissement "forcément municipal, dont le rendement est maigrelet" en un "outil de développement multifonction, gisement économique, privatisé bien entendu". A lire entre les lignes de cette intervention du député de l'Ariège, on pourrait apercevoir un tableau défavorable aux acteurs publics. Les orateurs suivants sont venus nuancer, voire infirmer, cette impression... sans toujours convaincre.

Le PPP, un outil "adapté" aux équipements sportifs

Christophe Baulinet, président de la mission d'appui aux contrats de partenariats public- privé (Mappp) du ministère de l'Economie, a tout d'abord mis en avant le fait que "le PPP est tout à fait adapté et d'ailleurs utilisé pour le développement des équipements sportifs". "L'ensemble culture et sport représente entre 15 et 20% des PPP qui nous sont soumis. Il y a actuellement 45 projets de ce type en cours", a-t-il précisé. Pour lui, le PPP est un contrat "capable de gérer la complexité d'une manière particulièrement efficace y compris dans l'urgence". Il voit ensuite dans la répartition des risques entre les partenaires un élément important. Il insiste encore sur la durabilité des investissements : "Le fait que le PPP fige les moyens budgétaires dans le temps permet de s'assurer que les investissements ne vont pas dépérir. La maintenance comprise dans ces contrats la plupart du temps permet d'optimiser la qualité de l'investissement. Ce sont des points importants quand on voit dans quel état on retrouve, quelques dizaines d'années après, certains équipements publics, en particulier dans le sport." Enfin, Christophe Baulinet a noté que "le PPP est un contrat qui permet de contractualiser la performance. Un PPP ne pourra être pleinement réussi que si le besoin est clairement évalué et pris en compte lorsqu'on a fait le choix du partenaire privé. Cela nécessite que la collectivité s'organise pour le faire. Je ne vous dirai jamais que le PPP consiste à reporter toutes les responsabilités sur le partenaire privé".

La maintenance par le privé, une garantie pour la collectivité ?

Xavier Lapeyrague, directeur général du MMArena du Mans, dernier stade construit en France, issu d'un PPP et exploité via une concession de service public, (voir notre article ci-contre) a apporté un témoignage de terrain allant dans le sens de tous ces arguments théoriques. Sur la mutualisation des moyens entre partenaires public et privé, il a précisé : "Les matchs de football représentent 80% de notre activité. Il est donc essentiel de développer de l'événementiel, à la seule condition qu'il s'agisse d'opérations rentables, ce qui est compliqué dans un stade de 25.000 places avec une capacité d'accueil VIP limitée. C'est là que nous, concessionnaires, nous avons besoin des collectivités locales, pour nous aider et nous appuyer dans le développement de ces activités." Avantage au privé sur ce point. Pour faire pencher la balance de nouveau en faveur de l'acteur public, il a souligné l'importance de la maintenance : "Au titre de notre contrat de concession, on doit rendre à la collectivité un stade en parfait état de fonctionnement. C'est une garantie pour la ville. On a déjà prévu un certain nombre de renouvellements de matériel pour des montants importants. Au terme des trente trois ans de l'exploitation, on aura remis plus de 50% du coût du stade." L'entraide entre les partenaires du MMArena est enfin très présente en ce qui concerne le partage des risques, et notamment des risques financiers liés aux fluctuations de recettes dues à l'incontournable aléa sportif : "Le Mans reste en Ligue 2 la saison prochaine, ce qui pour la société concessionnaire a des conséquences importantes, car il existe une recette variable liée à la billetterie. Sans la collectivité à nos côtés dans des périodes plus difficiles, le partenariat n'est pas équilibré. Au même titre qu'il est prévu un partage de la sur-valeur en faveur de la collectivité lors de périodes meilleures que celles que nous avons prévues." Et Xavier Lapeyrague de conclure : "Notre concession permet au Mans d'avoir un équipement ultramoderne sans grever les finances publiques, et la ville récupère aussi la taxe sur les spectacles."

L'acteur privé motivé par le seul profit ?

Alors le PPP, une formule magique pour tous les équipements sportifs d'envergure ? Vincent Chaudel, expert sport au cabinet de conseil Kurt Salmon, n'y croit pas. "L'ensemble des besoins est supérieur à ce que peut financer le secteur public. D'une manière ou d'une autre, la participation du privé va donc être nécessaire. Mais il n'y a pas de recette miracle. L'acteur privé ne viendra pas s'il n'y a pas un intérêt." Pour lui, le privé ne viendra que si le projet peut générer des profits. Et l'expert d'établir une corrélation directe entre performance sportive et performance économique à travers les affluences : "Quand un club est capable de rassembler de nombreux spectateurs, il attirera des acteurs économiques et enclenchera un cercle vertueux. Chaque millier de spectateurs génère un million d'euros dans le budget d'un club." Mais ce cercle vertueux se heurtera toujours à l'aléa sportif. Ce qui fait dire à Vincent Chaudel : "Il est important pour l'acteur privé de partager la prise de risques avec l'acteur public. Si celui-ci met de l'argent, il peut obtenir un retour sur investissements en termes d'animation de la cité et de communication." Une autre manière de dire que ce qu'il y a à gagner dans un PPP n'est pas de même nature, entre d'un côté un partenaire privé qui cherche la rentabilité économique, et de l'autre un partenaire public qui serait bon à mettre la main à la poche contre des retombées politico-médiatiques… Henri Nayrou, lui, ne s'embarrasse pas de ces calculs. Pour lui, le compte est vite fait : "A la fin, c'est toujours le privé qui gagne. C'est dans la nature de ces partenariats."

Jean Damien Lesay

10 candidates pour le grand stade de rugby
Dix collectivités locales sont candidates pour accueillir le projet de stade de la Fédération française de rugby (FFR). Elles se situent essentiellement en Ile-de-France, à l'exception d'Auxerre. Les sites seront rendus publics en juillet prochain et une présélection de deux à trois sites sera connue en septembre 2011. Le choix définitif ne sera pas effectué avant juin 2012 pour une livraison du stade prévue en 2017.
La FFR, liée par une convention avec le consortium du Stade de France jusqu'en 2013, envisage la construction de son propre stade de 80.000 places avec toit et pelouse rétractables pour accueillir les matches du XV de France ainsi que des manifestations sportives et culturelles diverses.