Face à la vulnérabilité des réseaux, les sénateurs appellent à renforcer l'enfouissement

Les événements climatiques extrêmes de ces derniers mois ont mis en évidence la fragilité des réseaux électriques et télécoms. A l'occasion d'une table ronde au Sénat, les élus ont appelé à un renforcement des financements, notamment pour enfouir les réseaux, et à mieux appréhender l'interdépendance de ces derniers.

150.000 foyers privés d'électricité La Réunion à la suite du cyclone Belal, soit 35% de la population. 10.000 dans les Hauts-de-France du fait des récentes inondations. Ces chiffres ont été rappelés par les sénateurs de ces territoires à l'occasion d'une table ronde organisée au Sénat le 15 mai 2024 sur "la résilience des réseaux face aux aléas climatiques". Les élus ont également souligné le caractère "essentiel" du réseau électrique puisque sans électricité il n'y a plus ni eau, ni téléphone, ni services publics. Les élus observent enfin une corrélation entre intensité des événements climatiques, importance des dégâts et temps de retour à la normale. Dans le Finistère, il a par exemple fallu 12 jours pour que certains abonnés retrouvent le téléphone à la suite de la tempête Ciarán de novembre 2023. 

Viser 70% d'enfouissement 

Face à la multiplication prévisible des événements extrêmes du fait du changement climatique, les élus ont été nombreux à demander d'accélérer l'enfouissement des réseaux. Car comme l'ont rappelé plusieurs sénateurs, la France affiche un retard sur les autres pays européens avec 50% des réseaux enfouis contre 63% en Grande-Bretagne et 70% en Allemagne. 70% est du reste l'objectif que demande d'atteindre la Fédération nationale des collectivités concédantes (FNCCR). Les représentants des gestionnaires de réseau auditionnés ont cependant rappelé que "l'enfouissement n'est pas la martingale". "La particularité des territoires situés dans la zone tropicale est d'être sujets aux glissements de terrain et aux submersions marines. Dans ce cas l'enfouissement, cela complique le rétablissement du réseau", a souligné Antoine Jourdain, directeur des systèmes électriques insulaires à EDF, une entité qui gère les réseaux des territoires ultra marins mais aussi la Corse et les îles bretonnes non raccordées au continent. Son homologue d'Enedis a abondé dans le même sens en plaidant pour une approche tenant compte des "particularités locales", les réseaux aériens étant par exemple fragiles dans les territoires littoraux mais inadaptés aux zones inondables. 

Le plan résilience d'Enedis

Les deux gestionnaires de réseau ont ensuite détaillé les mesures mises en place pour atténuer les effets du changement climatique sur leurs infrastructures. Chez Enedis, "la stratégie de résilience s'inscrit dans une vision de long terme", a rappelé Hervé Champenois, son directeur technique, avec un plan d'investissement de 96 milliards d'euros d'ici 2040 dont "plus d'un quart sont fléchés sur la résilience des réseaux". L'enfouissement sera ainsi privilégié dans les zones forestières (50.000 km) et les zones littorales. Le gestionnaire de réseau a aussi pour objectif "d'éradiquer" les 20.000 km de réseaux en "fil nu" qui comptent 10 à 20 fois plus d'incidents lors d'événements climatiques. Les zones urbaines sont par ailleurs concernées par un autre risque, imputable aux épisodes caniculaires. Pour ces zones, Enedis va progressivement éliminer les "câbles papier imprégnés" beaucoup moins résistants à la chaleur que les câbles synthétiques. Côté EDF insulaires, 250 millions d'investissement sont consacrés chaque année à la modernisation des réseaux, avec comme particularité de devoir faire face à des équipements à la durée de vie plus courte qu'en France métropolitaine du fait de la chaleur et de l'humidité. EDF s'attend par ailleurs à davantage de cyclones de catégories 4 à 5, alors que les installations sont calibrées aujourd'hui pour résister à des cyclones de catégories 3. EDF va dans cette perspective stocker davantage de matériels de secours.

Le Facé pas abondé depuis 2012

Les sénateurs et le représentant de la FNCCR ont ensuite pointé les financements insuffisants affectés par l'Etat à la résilience des réseaux alors qu'une étude Infranum-Banque des Territoires évalue le besoin de financement du chantier de la résilience des réseaux à une fourchette de 7 à 17 milliards (notre article du 3 juillet 2023). Concrètement la FNCCR, qui a rappelé que les collectivités étaient propriétaires des réseaux de distribution d'électricité, demande une augmentation du Fonds d'amortissement des charges d'électrification (Facé), dont "les crédits n'ont pas évolué depuis 2012" a souligné Charles-Antoine Gautier, directeur général de la FNCCR. La fédération souhaite aussi la mobilisation du Fonds vert et une revalorisation du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe) pour financer l'adaptation des réseaux face au changement climatique. La fédération a également mis en avant l'intérêt des installations locales d'énergies renouvelables, qui contribuent à la résilience des réseaux en créant des "boucles locales" de production/consommation. 

Nécessité d'une approche globale

Le sénateur de l'Ain Patrick Chaize - également président de l'Avicca et vice-président de la FNCCR - a pour sa part rappelé "l'interdépendance des réseaux énergétiques et de communications électroniques", ce dernier constituant la véritable "colonne vertébrale des réseaux" utilisé par les secours comme par l'ensemble des services publics. Il a plaidé pour une approche "globale" du sujet de la résilience des réseaux et fait valoir l'urgence à agir dans le contexte de la fin du réseau cuivre. Car en l'état, les abonnés à la fibre privés d'électricité risquent d'être coupés du monde alors même qu'un vieux téléphone RTC pouvait continuer de fonctionner en cas de panne. Pour financer la résilience des réseaux télécoms, le sénateur a souhaité que le fonds de péréquation numérique, dont l'idée remonte à 2009, voit enfin le jour. Il a rappelé que la résilience passait aussi par de petites mesures comme le fait d'imposer aux fabricants de box internet l'intégration d'une batterie de secours pour prendre le relais en cas de panne d'électricité.

 

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