Lyon-Turin - Feu vert définitif du Parlement à l'accord franco-italien
Après le vote du Sénat, le 26 janvier, le Parlement a définitivement validé l'accord entre la France et l'Italie pour lancer les travaux de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. Seuls les sénateurs écologistes s'y sont opposés, remettant en cause l'utilité et le coût du projet.
Par un ultime vote du Sénat jeudi 26 janvier, le Parlement a donné son feu vert à la ratification de l'accord entre la France et l'Italie pour lancer les travaux définitifs de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, au grand dam des opposants à ce chantier. Censé lever les derniers obstacles à un chantier colossal de douze ans, l'accord avait été signé en février 2015, puis complété en mars 2016 par Matteo Renzi, alors président du Conseil italien, et François Hollande. Avec l'adoption de l'accord, les appels d'offres pour les marchés de travaux pourront être lancés cette année, pour un démarrage des chantiers en 2018.
Un tunnel international de 57 km constituera l'ouvrage majeur de la ligne, entre Saint-Jean-de-Maurienne (en France) et Suse (en Italie). Soutenu par les deux pays, par la ville de Lyon et, jusqu'à récemment par Turin, ce projet est contesté depuis des années par des écologistes, tant du côté italien que français. La chambre des députés italienne avait approuvé le même document en décembre, après le Sénat italien en novembre. L'Assemblée nationale l'avait adopté le 22 décembre.
"Rapprocher deux grandes régions européennes", pour Harlem Désir
"Ce projet répond à un risque de transfert de flux de la Grande-Bretagne et du Benelux vers l'Italie via la Suisse et l'Autriche, après la mise en service du tunnel du Saint-Gothard et dans la perspective de celle du Brenner, en construction, a déclaré le secrétaire d'État aux Affaires européennes, Harlem Désir. Ce tunnel confortera la place de la France au coeur de l'Europe et sera bon pour la compétitivité de notre économie. Il ne s'agit pas seulement de relier Lyon et Turin ou Paris et Milan, mais de rapprocher deux grandes régions européennes. C'est aussi une grande infrastructure européenne entre péninsule ibérique et Slovénie vers l'Europe centrale, mettant la France au coeur des flux." "Chaque année, 2,7 millions de poids lourds traversent les Alpes, occasionnant une pollution grave, a-t-il poursuivi. Nous croyons à l'avenir du transport ferroviaire, y compris par le fret, en accord avec nos engagements à la Convention alpine de 1991 et à la COP21. Le report modal, pour les voyageurs comme pour le fret, renforce également la sécurité".
Mêmes arguments du côté du rapporteur du Sénat, Yves Pozzo di Borgo (UDI-UC). Selon lui, le report modal de la route vers le rail permis par la nouvelle ligne ferroviaire profitera à l'environnement et améliorera la sécurité routière. Au nom du groupe communiste, républicain et citoyen, Bernard Vera s'est aussi fait l'avocat du projet. "L'Union européenne ne s'y est pas trompée en 1994, quand elle a mis cette ligne dans sa liste des infrastructures prioritaires. Il s'agit d'une dynamique européenne, un investissement économiquement, socialement et écologiquement utile. Cette ligne diminuera le temps de transport pour les voyageurs, diminuera les pollutions locales, améliorera la desserte locale et créera de l'emploi", a-t-il déclaré.
"Le Lyon-Turin est le signe d'une Europe unie capable d'améliorer la vie de ses citoyens, a estimé Jean-Noël Guérini au nom du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE). Ce projet assurera une desserte plus efficace des zones alpines, tant pour les voyageurs que pour le fret ; il facilitera les échanges commerciaux, y compris locaux, en déchargeant les autres infrastructures dans des conditions de sécurité accrues ; il permettra un report modal qui aidera la France à tenir ses engagements de réduction des gaz à effet de serre."
Une "aberration économique et financière", pour les écologistes
Les sénateurs écologistes remettent en cause quant à eux l'utilité du projet et dénoncent de ce fait une "aberration économique et financière". "La voie ferroviaire existante est utilisée à moins de 20% de sa capacité, a pointé Leila Aïchi. Alors que de nombreuses lignes sont encore en voie unique, le doublement des voies et leur sécurisation pourraient suffire pour absorber une grande partie du trafic routier dans la région." Pour la sénatrice de Paris, les prévisions initiales de "désengorgement des axes routiers" se sont révélées "très largement surévaluées", et le coût a explosé, "évalué à 26,1 milliards d'euros en 2012 par la Direction du Trésor contre 2,1 milliards initialement prévus".
Le coût total de la ligne, à la mise en service prévue vers 2030, sera partagé entre l'Union européenne, La France et l'Italie. Harlem Désir a rappelé que sur le budget du seul tunnel (fixé à 8,3 milliards d'euros), "l'Europe y contribuera à hauteur de 40%, le maximum autorisé, débloquant 813 millions d'euros sur la période 2014-2019, l'Italie à hauteur de 35%, la France 25%". "Au total, notre contribution s'élèvera à 2,21 milliards d'euros (valeur 2012)", a-t-il souligné.
Après le vote définitif du Parlement, la société franco-italienne (Telt) chargée de la construction et de l'exploitation de la nouvelle ligne a exprimé son satisfecit d'entrer "dans la phase de construction", "dernier chapitre d'une histoire de vingt ans", selon Mario Virano, directeur général cité dans un communiqué. En Italie, le tunnelier excavant les derniers mètres de la galerie de reconnaissance devait dépasser la frontière ce 27 janvier, selon Telt.
Côté français, "l'excavation de la galerie de reconnaissance se poursuit", a ajouté la société dans un communiqué. Interrogée par l'AFP, Telt a précisé qu'"à ce stade, près de 310 mètres ont été réalisés sur les 9 km prévus" sur le site de Saint-Martin-la-Porte. "Actuellement, nous rencontrons des terrains déconsolidés, très friables, constitués de schistes noirs et de charbon", et provoquant "des éboulis qui doivent être traités pour permettre au tunnelier Federica de poursuivre", mais cela n'entraîne "à ce stade aucun délai ni coûts supplémentaires", a-t-on indiqué de même source.