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Transports - LGV Lyon-Turin : les travaux d'accès déclarés d'utilité publique

Un décret publié au Journal officiel le 25 août 2013 déclare "d'utilité publique et urgents" des travaux destinés à créer un itinéraire d'accès au chantier du tunnel de la future ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) Lyon-Turin sur plusieurs communes françaises du Rhône et de Savoie. Les travaux d'accès à l'ouvrage interviendront entre Colombier-Saugnieu (Rhône) et Chambéry (Savoie). Des aménagements localisés dans les communes savoyardes de Montmélian et Francin, et entre Avressieux et Saint-Jean-de-Maurienne seront également réalisés, précise le décret. Par conséquent, dans ces zones, les expropriations nécessaires devront être réalisées dans un délai de quinze ans maximum, indique-t-il. "Le maître d'ouvrage devra, s'il y a lieu, remédier aux dommages causés aux exploitations agricoles", ajoute le texte. Par ailleurs les documents d'urbanisme d'un certain nombre de communes du Rhône, d'Isère et de Savoie ont été mis "en compatibilité" avec ce projet d'utilité publique, détaille le décret. Les maires de ces communes devront donc procéder "aux mesures de publicité prévues".
Imaginé dans les années 1990, le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin, qui a été maintes fois ajourné avant d'être relancé lors du sommet franco-italien du 3 décembre dernier consiste en la construction de 145 kilomètres de lignes nouvelles, dont 80 kilomètres de tunnel, franchissant les Alpes et Préalpes françaises. Cette "autoroute ferroviaire", combinant fret et trafic de voyageurs, doit permettre de ramener le trajet Paris-Milan à un peu plus de 4 heures, contre 7 actuellement avec au minimum 7 arrêts. La construction d'une première galerie de reconnaissance en territoire italien a débuté en novembre 2012 et la mise en service de la LGV est prévue pour 2028-2029.
La parution du décret constitue une "très bonne nouvelle" pour la région Rhône-Alpes, a réagi son président (PS) Jean-Jack Queyranne. "La réalisation des accès français permettra d'améliorer les liaisons entre la partie rhodanienne de la région, le sillon alpin et la Savoie" et le projet "rendra possible un report des camions sur les trains, moins de trafic routier et de pollution dans nos vallées alpines", affirme-t-il dans un communiqué. "Ce chantier participe du développement économique de Rhône-Alpes et de ses territoires. La circulation des personnes et les échanges commerciaux entre la France et l'Italie seront favorisés par cette liaison ferroviaire", souligne encore le président de Rhône-Alpes.
Mais pour la coordination d'opposants au Lyon-Turin, cette signature de DUP par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault est "un mauvais coup porté à la démocratie et aux finances publiques". Elle considère qu'elle est en contradiction avec les orientations du Plan Investir pour la France présenté le 9 juillet et avec les préconisations de la la commission "Mobilités 21", misant sur la modernisation des réseaux existants. Les opposants s'appuient également sur un référé de la Cour des comptes de novembre 2012. L'estimation du coût global du projet est passée de 12 milliards d'euros en 2002 à 26,1 milliards d'euros en 2012, écrivait alors la Cour qui recommandait de ne pas abandonner "trop rapidement" la possibilité d'améliorer les infrastructures existantes.
Les agriculteurs voient aussi le projet d'un très mauvais oeil. Dans un communiqué diffusé le 27 août, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) et les Jeunes agriculteurs de Savoie ont qualifié de "coup de Jarnac" la publication de la déclaration d'utilité publique des travaux de la LGV et appelé à une "riposte citoyenne". Ils estiment que "cette décision, en catimini (…) sonne le glas d'un dialogue constructif". La FDSEA des Savoies souligne "qu'un certain nombre de réserves émises par le Commissaire enquêteur n'ont à ce jour toujours pas été levées" et déplore que la commission de concertation qui devait se rencontrer notamment sur les questions des impacts a été "nommée mais ne s'est jamais réunie". La FDSEA et les Jeunes agriculteurs de Savoie indiquent qu'ils se "réservent la possibilité d'attaquer la déclaration d'utilité publique devant les juridictions compétentes" et menacent le gouvernement de "recours nombreux et fastidieux".

Anne Lenormand

Référence : décret du 23 août 2013 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de l'itinéraire d'accès au tunnel franco-italien de la liaison ferroviaire Lyon―Turin entre Colombier-Saugnieu (Rhône) et Chambéry (Savoie) ainsi que des aménagements localisés à Montmélian et Francin, d'une part, et entre Avressieux (Savoie) et Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie), d'autre part, et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme de la commune de Colombier-Saugnieu dans le département du Rhône, des communes d'Aoste, Bourgoin-Jallieu, Cessieu, Chamagnieu, Chapareillan, Fitilieu, Frontonas, Grenay, La Tour-du-Pin, La Verpillière, L'Isle-d'Abeau, Romagnieu, Ruy-Montceau, Saint-Didier-de-la-Tour, Saint-Jean-de-Soudain, Saint-Marcel-Bel-Accueil, Saint-Victor-de-Cessieu, Satolas-et-Bonce, Sérézin-de-la-Tour, Vaulx-Milieu, Villefontaine et des zones d'aménagement concerté de Chesnes Nord et de Chesnes Ouest dans le département de l'Isère et des communes d'Avressieux, Belmont-Tramonet, Chambéry, Détrier, Laissaud, La Motte-Servolex, Les Marches, Les Mollettes, Sainte-Hélène-du-Lac, Saint-Etienne-de-Cuines, Saint-Genix-sur-Guiers, Saint-Jean-de-Maurienne, Saint-Rémy-de-Maurienne, Saint-Thibaud-de-Couz, Verel-de-Montbel et Voglans dans le département de la Savoie. JO n°0197 du 25 août 2013 page 14455.