Commerce - Fin du périmètre de protection des marchés d'intérêt national : une prime à la grande distribution ?
Les députés ont adopté le 29 avril, l'article 11 du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services. Un article très controversé qui vise à transposer la directive Services en mettant fin aux périmètres de protection des marchés d'intérêt national (MIN). Ce périmètre dit "de référence" qui empêchait tout grossiste d'un marché concurrent d'un MIN de s'installer, sauf dérogation préfectorale exceptionnelle, a tout simplement disparu. Selon Catherine Vautrin, auteur de l'amendement qui a supprimé ce périmètre et rapporteur du projet de loi, cette mesure répond à une véritable attente d'ouverture des marchés, comme le souhaite la directive. Pourtant, tous les élus n'en sont pas convaincus. Yves Durand, député-maire de Lomme et président de la Fédération française des MIN (FFMIN), interrogé par Localtis, pense que "cet argument est fallacieux. Il s'agit en réalité de satisfaire le lobby de la grande distribution". "D'ailleurs, Catherine Vautrin a elle-même prononcé le nom de Metro devant la commission des affaires économiques", tance le député. Il regrette donc le texte initial proposé par le gouvernement "qui considérait les MIN comme des plateformes d'intérêt général qui devaient être sorties de la directive Bolkestein". Le secrétaire d'Etat au Commerce, Hervé Novelli avait même donné un avis défavorable à l'amendement de Catherine Vautrin, en commission. "Le projet du gouvernement ne remettait pas en cause la concurrence", selon le président de la FFMIN pour qui "ce sont justement les marchés de gros qui organisent la concurrence pour qu'elle soit libre et non faussée. Sur les marchés, chacun peut choisir ses produits en fonction de leurs prix, de leurs qualités…" Et, s'il reconnaît que ce périmètre de référence est une spécificité française qui n'existe pas dans les autres pays européens, le secrétaire général de la FFMIN, Michel Escoffier, rappelle tout de même que "la France est le seul pays où la grande distribution est aussi développée". Ce dernier souhaite avant tout maintenir "l'équilibre qui s'est établi depuis quelques années avec les grossistes qui se démarquent de la grande distribution par rapport aux détaillants". Pour Yves Durand, "tous les investissements réalisés par les collectivités territoriales pour aménager les MIN, soit environ 40 millions d'euros depuis 2004 si on exclut Rungis, ne serviraient à rien si la suppression était votée". Pour sa part, le marché de Rungis serait menacé par la grande distribution qui pourrait s'installer où elle le souhaite et "sans aucune contrainte alors même que la grande distribution au niveau du détail est soumise à une réglementation", comme le rappelle Michel Escoffier.
Yves Durand est donc sans appel : "Cet article 11, s'il était confirmé par le Sénat, aurait comme conséquence immédiate d'affaiblir les MIN et à moyen terme, il supprimerait l'idée même du marché d'intérêt national." La fédération et ses représentants, de tous bords politiques, va donc se battre et tenter de convaincre un maximum d'élus de rejeter ce texte avant son examen en première lecture au Sénat le 9 juin.
Muriel Weiss
Les marchés d'intérêt national
Créés en 1962, les MIN ont pour vocation de regrouper dans un même lieu les grossistes, producteurs, prestataires de services et acheteurs dans les secteurs de l'alimentaire et de l'horticulture. Les 19 marchés français affichaient, en 2006, un chiffre d'affaires de 12 milliards d'euros et employaient 26.000 personnes. Le premier d'entre eux est le marché de Rungis avec un chiffre d'affaires de 7,7 milliards d'euros et 1.200 entreprises qui y travaillent quotidiennement.