Financement des investissements locaux pour le climat : une étude présente quatre scénarios à horizon 2030

Une étude inédite publiée ce 7 novembre par I4CE et la Banque postale présente quatre scénarios prospectifs de financement des investissements climat par les collectivités territoriales à horizon 2030. Partant du principe que pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, les collectivités doivent plus que doubler leurs investissements en la matière, chaque scénario s'appuie sur un levier prioritaire – dette, redirection d'autres investissements vers le climat, augmentation du soutien de l'État ou ressources propres. Dans tous les cas, ils débouchent sur une augmentation importante du recours à l'emprunt.

"Ni exercice de prévision, ni document 'prêt à l’emploi' cherchant à documenter une trajectoire crédible de financement", l'étude publiée ce 7 novembre par I4CE (Institut de l'économie pour le climat) et la Banque postale décrivant quatre scénarios à horizon 2030 destinés à financer l'accélération des investissements climat des collectivités a pour objectif "d’analyser les effets de chacun des scénarios et d’ouvrir ainsi la discussion sur leurs vertus, leurs limites et leurs conditions de mise en œuvre", affirment ses auteurs. Cet exercice de prospective part du postulat que pour atteindre la neutralité carbone, les collectivités territoriales auront à doubler leurs investissements climat. En 2022, I4CE avait estimé cet effort à 12 milliards d'euros minimum par an à l'horizon 2030, soit plus du double de ce qu'elles dépensaient en 2020 (voir notre article du 17 octobre 2022).

Un levier de financement prioritaire pour chaque scénario

Les quatre scénarios de l'étude s’appuient chacun sur un levier de financement prioritaire. Dans le cas du scénario "Dette", tout le besoin de financement additionnel est financé par de l’emprunt. Dans le scénario "Redirection", les investissements climat additionnels sont réalisés à la place ou en reportant les autres investissements non consacrés au climat. Le scénario "État" se fonde sur une augmentation du soutien de ce dernier par une indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation et par la pérennisation du fonds vert au-delà de 2024, à 2,5 milliards d'euros par an sur la période, "le reste du besoin de financement additionnel étant couvert par de l’endettement", précise l'étude. Quant au scénario "Ressources propres", il suppose une augmentation des taux de fiscalité locale et des tarifs, un niveau élevé de cessions d’actifs et un prélèvement sur le fonds de roulement, avec là encore un recours à l'endettement pour financer la part restante du besoin de financement additionnel.

Point haut historique d'investissement de 80 milliards d'euros en 2030

Pour les auteurs de l'étude, le "mur d'investissement à consacrer au climat dans les collectivités locales conduit à un changement structurel de l'équilibre financier issu de la décentralisation qui nécessitera plus que des ajustements structurels". Dans trois scénarios sur quatre, le niveau total d’investissement (hors dette) des collectivités atteint un point haut historique (80 milliards d'euros en 2030 contre près de 55 milliards d'euros en 2022) et tous les scénarios débouchent sur une augmentation importante du recours à l’emprunt (près de 40 milliards d'euros en 2030 dans le scénario "Dette", contre 21 milliards d'euros en 2022), soulignent-ils. "Des tabous devront donc être brisés aux deux échelles nationale et locale pour créer les conditions de l'accélération d'une action pour le climat à la hauteur des enjeux", préviennent les auteurs de l'étude.

Premier "tabou à briser" : l'endettement

Le premier de ces "tabous" est l'endettement des collectivités locales, l'encours de dette augmentant dans tous les scénarios entre 2022 et 2030, avec une hausse minimale de 25 milliards d'euros courants dans le scénario "Redirection" et un maximum de 100 milliards d'euros pour le scénario "Dette".

Or, le levier de l'endettement "ne pourra pas être mobilisé par toutes les collectivités locales à égalité selon leur situation de départ ", note l'étude qui insiste sur la nécessité de procéder à une analyse "collectivité par collectivité, avec des solutions différentes à trouver pour chacune". Ainsi, les départements, et plus encore les régions, "sur lesquelles reposent notamment de très lourds investissements ferroviaires", font en particulier "très vite face à d’importantes difficultés : le délai de désendettement de ces dernières s’établit ainsi selon les scénarios entre plus de huit ans et plus de douze ans en 2030, contre moins de six ans aujourd’hui", souligne l'étude. Pousser les collectivités à s'endetter davantage suppose par ailleurs "que les élus le veuillent", mais aussi que les banques et l'Etat le permettent, poursuit-elle. Autre constat, les économies générées par la baisse des consommations d'énergie "ne contribueront que marginalement au financement de la marche d'investissement à conduire pour la neutralité carbone".

De plus, le scénario qui produit "les effets les plus importants en termes de soutenabilité des finances locales" est celui d'une mobilisation des ressources propres, via notamment une hausse de la fiscalité, mais c'est aussi "le plus difficile à mettre en oeuvre politiquement" du fait d’"un appel accru au contribuable et/ou au bénéficiaire de services publics". Enfin, le scénario d'un soutien accru de l'État "ne suffit pas à résoudre l'équation du financement de la transition", estime l'étude qui évalue dans ce cas l'augmentation de l'encours de dette des collectivités à +77 milliards d'euros en 2030 par rapport à 2022.

Nécessaire "changement de méthode"

Il n'existe pas aujourd'hui "de stratégie partagée entre l'État et les collectivités sur les moyens de faire accélérer l'investissement climatique à l'échelle locale", constatent les auteurs de l'étude, qui appellent à un "changement de méthode". Selon eux, trois grands principes pourraient gouverner l'"amélioration indispensable de la qualité du débat sur les finances locales".

Il faudrait d'abord "mieux connaître la hauteur du mur de dépenses pour le climat reposant sur les collectivités locales", ce qui suppose une évaluation reposant "sur des données publiques actualisées et transparentes" qui découlent des documents de planification écologique de l'État et portant à la fois sur l'investissement et le fonctionnement. Deuxième préconisation : inscrire les besoins "dans une stratégie pluriannuelle des financements publics pour le climat, intégrant de façon explicite les besoins des collectivités locales par échelon, et les leviers de financement associés". L'étude recommande ainsi aux collectivités de réaliser des plans pluriannuels d'investissement (PPI) de mi-mandat "pour lancer davantage de projets" et "veiller au maintien d'un niveau élevé d'investissement jusqu'à 2030 au moins".

Enfin, ses auteurs conseillent de "renforcer les instances de pilotage entre État et collectivités locales" afin de "lier de façon systématique les discussions sur la transition qui doivent comporter un volet 'financement' et celles sur les finances locales, qui doivent tenir compte de l'urgence climatique".

 

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