Planification écologique : où iront les 10 milliards d'investissements supplémentaires prévus par l'Etat ?

Rénovation des logements, agriculture et biodiversité en tête, le gouvernement a détaillé ce 19 septembre devant le Conseil national de la refondation (CNR) la répartition des plus de 10 milliards d'euros supplémentaires engagés dans la transition écologique, dont 7 milliards seront dépensés en 2024.

Au lendemain de sa rencontre avec les chefs de partis politiques (lire notre article) et en attendant la prise de parole d'Emmanuel Macon prévue lundi 25 septembre, Elisabeth Borne, accompagnée de cinq ministres, a présenté ce mardi 19 septembre les grandes lignes de la planification écologique dont elle est chargée aux différents acteurs du Conseil national de la refondation (CNR) - représentants d'organisations patronales, syndicales, d'élus locaux, de chambres consulaires, d'associations environnementales ou de lutte contre la pauvreté.

Alors que le projet de budget pour 2024 sera présenté en conseil des ministres mercredi prochain, la Première ministre a détaillé les dépenses destinées à la transition écologique. Au total, l'Etat engagera plus de 10 milliards d'euros d'"investissements supplémentaires", dont 7 milliards seront effectivement "décaissés" l'an prochain (lire notre article). Ces plus de 10 milliards s'ajoutent aux 34 milliards d'euros du "budget vert" de l'Etat en 2023, qui comprend toutes les dépenses de l'Etat favorables à l'environnement, y compris des projets de l'Agence française de développement ou d'autres frais, selon Matignon. Selon le centre de réflexion I4CE, le budget 2023 comprenait environ 28 milliards d'euros de dépenses pour la planification écologique.

Dans le détail, cette nouvelle enveloppe de plus de 10 milliards d'euros sera répartie de la manière suivante :

- Ressources naturelles : +2,3 milliards d'euros dont 500 millions pour la forêt (reboisement et aval forestier) ; 500 millions pour le plan eau ; 500 millions pour le diagnostic carbone ou les haies ; 400 millions pour la biodiversité ; 300 millions pour le plan phytosanitaire (hors France 2030, un plan, annoncé en 2021, qui vise à développer la compétitivité industrielle et les technologies d'avenir) ; 100 millions pour le plan protéines ;

- Rénovation des bâtiments : +2,2 milliards d'euros dont 1,6 milliard pour la rénovation énergétique des logements et 600 millions pour celle des bâtiments de l'Etat ;

- Energie : +1,8 milliard dont 800 millions de soutien à l'injection de biogaz, 700 millions de soutien à l'hydrogène et 300 millions pour d'autres projets dans les territoires d'outre-mer ;

- Mobilités : +1,6 milliard dont 1,4 milliard pour les infrastructures ferroviaires, fluviales et maritimes et 200 millions pour le verdissement des flottes de véhicules ;

- Industrie : +1,8 milliard d'euros dont 1,5 milliard de crédits débloqués via France 2030 et d'autres acteurs (BPI, notamment) et 300 millions pour d'autres projets ;

- Soutien aux collectivités : +800 millions d'euros dont 500 millions pour le Fonds vert (porté à 2,5 milliards) et 300 millions pour le verdissement des dotations.

Six grandes priorités

Sur la base de ce budget, Matignon met en avant six grandes priorités. La première vise l'accélération de la rénovation des logements et des bâtiments de l'Etat. Près de 5 milliards d'euros d'engagements sont prévus en 2024 pour la rénovation des logements et la hausse de 1,6 milliard d'euros devra notamment soutenir la montée en charge des rénovations performantes aidées et accompagnées par MaPrimeRénov', avec un objectif de 200.000 rénovations l'an prochain.

Autre grand axe, la décarbonation des mobilités.  Avec 1,6 milliard d’euros supplémentaires en 2024, il s'agit de financer le plan d’avenir des transports présenté par la Première ministre le 24 février dernier, donnant la priorité aux investissements dans le réseau ferroviaire. Ces moyens doivent aussi permettre de renforcer le verdissement des flottes de véhicules (voitures, poids-lourds, vélos, bornes de recharge) pour les déplacements quotidiens et le transport de marchandise.

Matignon insiste aussi sur le soutien à la transition écologique des filières agricoles (1 milliard d’euros d’autorisations d’engagement supplémentaires). "Ces moyens seront attribués notamment à l’accompagnement dans le développement et le déploiement d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques – 'Plan Ecophyto 2030' - 250 millions d’euros d’autorisation d’engagement, en complément d’un soutien à l’innovation à hauteur de 250 millions d’euros) et à d’autres mesures (+600 millions d’euros) telles que la stratégie protéines, le plan de développement des haies et le soutien aux diagnostics carbone, indique le communiqué de la Première ministre.  Le secteur agricole bénéficiera aussi de moyens additionnels pour optimiser la gestion de l’eau en quantité et en qualité, conformément au Plan Eau annoncé par le président de la République." La hausse des moyens dédiés à la préservation de la forêt - 500 millions d’euros d’autorisations d’engagement supplémentaires - vise notamment à favoriser le renouvellement forestier (+250 millions d’euros d’autorisations d’engagement) et la structuration de la filière aval (+200 millions d’euros).

La préservation de la biodiversité bénéficiera d’un soutien additionnel de plus d’1 milliard d’euros en 2024, dont 400 millions d’euros supplémentaires prévus pour la mise en œuvre de la "Stratégie nationale biodiversité", notamment pour l’entretien ou la création d’aires protégées et la préservation des écosystèmes et des espèces. "Ces moyens supplémentaires sont complétés par les crédits consacrés au recyclage des friches et à la renaturation au sein du Fonds vert et 500 millions d’euros en faveur des agences de l’eau pour l’amélioration de la gestion quantitative et qualitative de l’eau, conformément au plan eau annoncé en mars dernier", précise encore Matignon.

L’Etat entend aussi encourager les investissements dans l’"innovation verte des entreprises", notamment via les financements de France 2030. 1,5 milliard d’euros de moyens supplémentaires seront consacrés à ces investissements en 2024, pour financer la filière des batteries de voitures électriques, le développement de l’hydrogène et la décarbonation des sites industriels. Ils seront complétés par le crédit d’impôt et les garanties vertes, prévus dans le cadre du projet de loi industrie verte. Les engagements du Fonds chaleur de l’Ademe seront, par ailleurs, augmentés de 300 millions d’euros en 2024, soit un niveau total de 800 millions d’euros. La transition énergétique disposera d'1,8 milliard d’euros d’autorisations d’engagements supplémentaires, notamment pour le soutien à l’hydrogène (+700 millions d’euros), à l’injection biométhane (+800 millions d’euros) et à d’autres mesures (+300 millions d’euros) telles que le soutien à la transition dans les zones non interconnectées.

Pour soutenir le déploiement de la planification écologique dans les territoires, les engagements du Fonds vert s’élèvent désormais à 2,5 milliards d’euros en 2024, soit une hausse de 500 millions d’euros par rapport à 2023, rappelle enfin Matignon. Parmi les priorités, la rénovation des écoles annoncée par le Président de la République, pour lesquelles 500 millions d’euros sont fléchés sur le Fonds vert, avec un objectif de 2.000 écoles rénovées dès 2024 "pour répondre au cap collectif de 40.000 établissements scolaires rénovés en 10 ans". En fonction des projets présentés par les collectivités, le Fonds vert financera à la fois des actions renforçant la performance environnementale (rénovation des bâtiments publics), l’adaptation (prévention des inondations/recul du trait de côte) ou encore l’amélioration du cadre de vie (recyclage des friches).