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Finances des départements : recul "historique" de la capacité d'autofinancement en 2020

En raison de la crise, l'épargne dont les départements disposent pour financer leurs investissements devrait reculer de 41% en 2020, estiment l'Assemblée des départements de France et la Banque postale collectivités locales, dans une étude. En cause : de mauvaises rentrées de recettes (-1,6%) et une croissance plus forte des dépenses (+ 2,5%).

 

La crise du Covid-19 entraîne un retournement brutal de la situation financière des départements. Le révélateur de cet affaiblissement de leur budget : leur niveau d'épargne nette, c'est-à-dire leur autofinancement disponible pour financer les investissements. À 3,4 milliards d'euros, ce dernier chuterait de 41% cette année par rapport à 2019, selon une étude réalisée conjointement par l’Assemblée des départements de France (ADF) et la Banque postale collectivités locales. Cela représenterait une réduction de 2,4 milliards d'euros de l'épargne nette des départements. "Historique", un tel plongeon survient après une année 2019, qui au contraire, avait conforté la santé financière des départements : en hausse de plus de 20%, l'épargne nette des départements avait atteint 5,8 milliards d'euros.
En s'élevant à 6,7 milliards d'euros en 2020, l'épargne brute des départements - qui prend en compte le remboursement en capital de la dette - retrouverait "un niveau proche de 2015". Cette année-là, les finances départementales se trouvaient dans le rouge du fait du recul des dotations de l'État, pour la deuxième année consécutive.

Dépenses tirées vers le haut

Le soudain affaiblissement de la santé financière des départements en 2020 résulte d'un "effet de ciseaux" marqué. Si la crise entraîne des économies, elle occasionne cependant de nombreuses dépenses de fonctionnement supplémentaires. Supérieures à 58 milliards d'euros, celles-ci augmenteraient de 2,5% cette année (contre une hausse de 1,7% en 2019), notamment sous l'effet de l'évolution (+2,2%) des charges de personnel. Le versement de primes aux personnels, notamment ceux des établissements médico-sociaux et des services d’aide à domicile n'est pris en charge que "partiellement" par l’État, souligne l'étude. En outre, l’achat par les départements des matériels de protection, notamment pour les établissements médico-sociaux et les collégiens, entraînerait une augmentation de 7% des charges à caractère général (au total 4 milliards d'euros).
Par ailleurs, les dépenses liées au RSA "augmenteraient sensiblement dès 2020". Mais, globalement, les dépenses d'aide sociale (32 milliards d'euros) connaîtraient un rythme de croissance comparable à celui de 2019. Là encore, pourtant, la situation s'est dégradée du fait de la crise, car, comme le rappelle l'étude, "c’est un ralentissement" de la croissance de ces dépenses "qui était à l’origine anticipé".
Ce surcroît de dépenses intervient alors que les recettes des départements (65 milliards d'euros) devraient enregistrer un repli d'1,6%, en particulier du fait d'une probable réduction de 10% des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Ces chiffres moyens masquent des situations assez hétérogènes, que l'ADF et la Banque postale tentent de mettre en évidence. Il apparaît par exemple que les départements de moins de 250.000 habitants affichent globalement le niveau médian d'épargne brute le plus élevé (plus de 200 euros par habitant, contre 128 à 152 euros pour les autres).

Soutien aux communes et à leurs groupements

Dans ce contexte difficile, les dépenses d'investissement des départements seraient quand même en hausse de 6,3% (après une progression de 13,5% l'an dernier). Ce serait, cependant, davantage "sous l’impulsion des subventions versées" que du fait de l'engagement de nouvelles dépenses d’équipement.
Ces subventions ont un poids élevé : à 4,4 milliards d'euros en 2019, elles ont représenté un peu plus du tiers des dépenses d’investissement hors dette des départements, indique l'étude dans un "focus" sur ce sujet. Le bloc communal en est le principal bénéficiaire, mais son poids est moindre en 2019 (42%) qu’en 2015 (45%). Mais là encore, la diversité prévaut : ce sont les départements ruraux de moins de 250.000 habitants, qui versent au bloc communal les subventions les plus importantes rapportées au nombre d’habitants (33,5 euros par habitant en 2016, contre 25 euros en moyenne pour les autres départements). On retiendra encore que ces subventions d'équipement sont allouées pour 55 % à seulement deux domaines : l'aménagement et l'environnement, d'une part et les réseaux et les infrastructures, d'autre part.
Enfin, selon l'étude, les départements parviendraient en 2020 à réduire leur endettement (31 milliards), mais moins qu'en 2019 (-1% contre -2,5%).

La Seine-Saint-Denis pourrait expérimenter une recentralisation du RSA... abandonnée il y a quatre ans

L'Etat a décidé d'ouvrir la porte à l'expérimentation d'une "renationalisation du financement du RSA" en Seine-Saint-Denis, une décision saluée comme une "grande victoire après des années de bataille" par le département le plus pauvre de métropole.

Dans un courrier envoyé le 23 octobre aux élus de Seine-Saint-Denis, consulté par l'AFP, le Premier ministre estime que la Seine-Saint-Denis est un "excellent candidat" à la renationalisation du financement du RSA, reconnaissant "les difficultés sociales exceptionnelles auxquelles est confronté le département".  "Je considère que l'on ne peut pas continuer à faire peser sur le contribuable local une dépense de solidarité nationale", souligne Jean Castex, qui s'était rendu le 25 septembre dans le département pour y présenter la mise en oeuvre du plan "L'Etat plus fort en Seine-Saint-Denis", une visite interrompue par l'attentat visant les anciens locaux de Charlie Hebdo à Paris. La Seine-Saint-Denis deviendrait alors le premier département métropolitain à voir le versement du RSA pris en charge par l'Etat. En sachant que c'est déjà le cas depuis 2019 à Mayotte et en Guyane, et depuis le début de l'année à la Réunion.

"Même si cela ne règle pas les difficultés pour 2021, c'est un soulagement pour l'avenir alors que l'Etat nous faisait toujours plus payer le RSA à sa place", a réagi le président PS du département, Stéphane Troussel sur Twitter.

Cette expérimentation pourrait se faire dans le cadre du projet de loi organique sur les expérimentations en cours de navette parlementaire (adopté par le Sénat le 3 novembre en première lecture - voir notre article) ou du projet de loi 3D, a indiqué Matignon à l'AFP. En réalité, cela devrait théoriquement être dans le cadre… des deux textes. C'est en effet bien la loi organique qui pourra fournir le cadre requis. Mais c'est ensuite bien la loi 3D qui fournira une première liste des expérimentations possibles. Et on sait que Jacqueline Gourault a déjà eu l'occasion de mentionner qu'une forme de recentralisation du RSA pour les départements "volontaires" pourrait figurer dans cette liste.

Selon Stéphane Troussel, l'expérimentation pourrait entrer en vigueur à partir de janvier 2022 et "donne mandat à la direction générale du département pour y travailler avec les services de l'Etat". Elle doit maintenant "être précisée dans ses modalités", souligne le conseil départemental dans un communiqué, citant "l'année de référence pour calculer le montant de la ressource à transférer, le traitement du mois de retard sur les acomptes versés à la CAF, le recouvrement des indus, les modalités de calcul des frais de gestion de l'allocation, ou encore les modalités de gouvernance du parcours de l'allocataire, de son orientation à sa sortie".

"L'année de référence"… Cela vous rappelle vaguement quelque chose ? C'est normal. C'était en 2016. Le gouvernement de Manuel Valls avait alors engagé des discussions avec l'Assemblée des départements de France pour envisager une recentralisation du RSA, qui était demandée par certains présidents. Le processus n'a jamais abouti, entre autres faute d'accord sur les modalités. Faute aussi d'une unanimité du côté des élus (voir notamment notre article de juillet 2016, "RSA : la recentralisation n'aura pas lieu").

Qu'en est-il aujourd'hui ? Les présidents de départements seraient "majoritairement hostiles à une recentralisation", selon le président de l'ADF. Seuls "quelques départements y sont favorables", indiquait-il à la presse le 21 octobre, citant justement la Seine-Saint-Denis, ainsi que la Gironde. Dominique Bussereau se disant personnellement "favorable à une expérimentation", sans que celle-ci ne débouche sur une généralisation (ce qui est bien l'esprit du projet de loi organique).

"La crise du covid-19 a mis en exergue" la "décorrélation entre la dynamique de la dépense, alimentée par la progression du nombre de bénéficiaires, et l’atonie de la recette allouée aux départements" pointent aujourd'hui plusieurs députés, dont Jean-René Cazeneuve, Christine Pires Beaune ou Charles de Courson dans l'exposé sommaire d'un amendement qu'ils défendront d'ici peu en séance dans le cadre de l'examen du PLF pour 2021. Ils évoquent plus précisément une "corrélation négative entre la répartition des produits et des charges, particulièrement visible en rapportant le produit des DMTO aux dépenses de RSA dans chaque département". Et soulignent "qu’à une extrémité du spectre on trouve des départements qui ont de fortes ressources de DMTO et un faible nombre d’allocataires de RSA (Alpes-Maritimes, Hauts-de-Seine, Savoie, Yvelines) et à l’autre extrémité les départements aux faibles ressources de DMTO pour un nombre important d’allocataires du RSA (Seine-Saint-Denis, Aude, Nord, Ardennes)". Leur amendement se contente pour l'heure de "demander au gouvernement d’établir un rapport, dans un délai d’un an, sur l’opportunité de recentraliser la gestion du RSA".

Claire Mallet