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Future PAC, contrats de plan, projet de loi "3D"… les présidents de région haussent le ton

Boudées par le ministre de l'Agriculture, mardi 25 février, lors du salon de l'agriculture, les régions - encore échaudées par la réforme de l'apprentissage - haussent le ton sur les sujets de friction avec le gouvernement : future politique agricole commune, contrats de plan, future loi "3D". Le "retour d'un climat de confiance" n'est pas pour tout de suite.

Se faire poser un lapin en plein salon de l'agriculture, voilà qui est cocasse. C'est pourtant ce qui est arrivé aux présidents de région qui attendaient, mardi 25 février, pour un débat, la venue du ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, qui aurait dû pour l'occasion être accompagné du commissaire européen à l'Agriculture, Janusz Wojciechowski. Mais ni ministre ni commissaire, présents sur le salon, ne sont apparus. "Une occasion ratée supplémentaire", a soupiré le président de Régions de France, Renaud Muselier, lors d'une conférence de presse, dans l'après-midi, en présence de six autres présidents de région. D'autant que les sujets de discussions ne manquent pas, que ce soit le futur budget de la politique agricole commune (PAC) ou la gestion du fonds de développement rural Feader géré en grande partie par les régions, qui recouvre notamment les aides au bio, les aides à l'installation, à la modernisation ou les mesures agro-environnementales et climatiques.

Angle mort du Feader

Le ministre aurait pu s'expliquer sur le couac survenu le 21 février, alors que les Vingt-Sept ont échoué à se mettre d'accord sur le cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027. Didier Guillaume avait déclaré dans la matinée que la France avait obtenu un maintien du budget de la PAC, avant d'être rapidement démenti par son ministère précisant qu'il n'y avait "aucun accord définitif".

"L'échec du conseil européen donne un angle mort sur notre capacité à projeter sur le second pilier (le Feader, ndlr). Nous ne demandons pas à l'État d'inventer une solution européenne mais d'associer les régions aux discussions sur la PAC pour leur permettre de pouvoir agir avec les agriculteurs sur les sujets actuels de transition, qualité de l'alimentation, énergie… Tous les domaines sur lesquels les régions sont attendues mais n'ont pas de visibilité", a protesté François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire, insistant sur la nécessité de se réunir - État, région et Europe -, pour en discuter. "Nos échanges ont été fructueux, a-t-il souligné, mais quand il n'y a ni l'État ni l'Europe, les propos ne sont pas totalement constructifs", a-t-il regretté.

Contrats de plan : liste à la Prévert, enveloppes insuffisantes et délais trop serrés

La PAC n'est pas la seule cause de contrariété des régions. Il y a aussi les contrats de plan État-région (CPER) 2021-2027 en cours d'élaboration. "Une nouvelle fois, le gouvernement ne tient pas sa parole : il y a huit mois le Premier ministre nous a présenté une nouvelle méthode 'bottom up', basée sur un dialogue entre les collectivités, y compris infrarégionales, et le préfet, partant des priorités des territoires. Finalement on nous présente une liste à la Prévert où chaque ministère déploie ses priorités", a affirmé Hervé Morin, président de la région Normandie. Autre problème : le calendrier. Les régions voient d'un mauvais oeil le fait de s'être vu imposer une date buttoir. "Les contrats de plan doivent être approuvés en juin, a détaillé Carole Delga, présidente de la région Occitanie, mais les conseils municipaux et communautaires, du fait des élections municipales, ne seront installés que fin avril, ils n'auront donc qu'un mois, le mois de mai, pour prendre connaissance des contrats. Il y a un vrai problème de méthode. Nous ne l'accepterons pas." Les enveloppes financières ne sont pas à la hauteur des attentes des régions. Exemple avec l'Occitanie, qui perd 20% de budget, passant de 725 millions d'euros lors du précédent contrat, à 600 millions d'euros, le tout à périmètre constant et en voyant sa population augmenter de 250.000 habitants, d'après la présidente. Enfin, dernière source de mécontentement : le volet transport que le gouvernement a souhaité négocier séparément du reste - on parle d'"encapsulant" - pendant deux ans afin de régler les grandes difficultés de financement des contrats en cours. "Nous ne savons pas comment la question des routes et du rail va être traitée dans les six prochaines années", a déploré Carole Delga.

Pas de discussion sur le projet de loi 3D sans "retour de la confiance"

Récemment échaudées par la réforme de l'apprentissage, qui a fait passer la compétence des régions aux branches professionnelles, les régions se montrent sceptiques sur la capacité à travailler avec l'État sur le projet de loi "décentralisation, différenciation, déconcentration". "Aujourd'hui, il faut à chaque fois arracher les décisions, a déploré François Bonneau. Nous ne pouvons aborder cette étape sans un retour d'abord à un climat de confiance." La visite de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, augurait pourtant de relations apaisées.