Grâce au « commodat », Saint-Péray relance l’agriculture (07)

Pour relancer l’agriculture de proximité et favoriser le commerce de centre-ville, la commune de Saint-Péray a transformé une plaine constructible en terres agricoles. Au programme de cette expérience concluante : révision du PLU et recours à un dispositif oublié, le « commodat ».

Malgré une forte pression foncière, la ville de Saint-Péray a fait le choix de transformer cent hectares de terrains constructibles en zone agricole. Cette démarche audacieuse, lancée à partir de 2014, a non seulement poussé des agriculteurs à s’installer près du village, mais elle a aussi permis aux commerces de proximité de se développer, sans le risque de voir poindre des géants de la grande distribution en périphérie.

« Saint-Péray s’étend sur 2 400 hectares, qui vont du Rhône jusqu’au premier plateau ardéchois, à environ 500 mètres d’altitude, décrit Jacques Dubay, maire et président de la communauté de communes Rhône Crussol. Entre le cœur de ville et le Rhône, nous avons une plaine d’un peu plus de 100 hectares qui, historiquement, était vouée à l’agriculture. Or, dans le Plan local d’urbanisme précédent, une partie de cette plaine a été rendue constructible et destinée à de l'habitat et à une zone commerciale. Dans ce cadre, environ 35 hectares avaient été achetés par la ville durant le précédent mandat. »

Lancée en 2014, l’initiative de révision du PLU semble alors à contre-courant et suscite quelques contestations. « Ce n’était pas évident, poursuit l’élu. À l’époque, il n’y avait pas encore la loi Zéro Artificialisation Nette. Et puis, ça n’a pas fait que des heureux. » Pour ajouter à la difficulté, la zone compte près de 300 propriétaires. Malgré les obstacles apparents, le projet est adopté : en l’espace de 24 mois le PLU est en effet révisé et entériné, « sans aucun recours », se félicite le maire.

Les ingrédients du succès ? La création d’un comité consultatif urbanisme et le recrutement d’un chargé de mission spécialiste de l'aménagement et de l’urbanisme, qui dispose d’une bonne expérience et qui a en charge ce dossier. Autre facteur de réussite : la réserve foncière dont la ville disposait, soit près d’un tiers de la zone. De quoi permettre à la ville de commencer à lancer son expérimentation, sans racheter de parcelles, en attirant des exploitants exclusivement orientés vers une agriculture biologique. À terme, l’objectif est clair : accueillir des agriculteurs bios et favoriser les circuits courts, et notamment alimenter les cantines.

Un travail partenarial

Après la révision du PLU, l’étape suivante a consisté, pour la ville, à rechercher des porteurs de projets et à s’entourer de partenaires compétents – la chambre d’Agriculture et la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) – pour juger de la viabilité des projets et se charger des accompagnements des candidats. Cela s’est traduit par des conventions d'accompagnement, signées au niveau intercommunal. Ce qui a permis d’élargir le périmètre de l’opération.

Pour aller plus loin encore, depuis 2018, la mairie met à disposition ses propres terrains (qu’elle a équipés) à ces jeunes agriculteurs, en signant des « commodats », un dispositif oublié qui remonte à l’époque napoléonienne. Ces contrats dits de « prêt à usage » ont la particularité d’offrir une absence de loyer pendant deux ans.

« On s’est d’abord demandé s’il fallait passer par du fermage, se souvient Jacques Dubay. Mais, comme nous avions beaucoup de demandes de personnes en reconversion professionnelle, nous avons opté pour des commodats d’une durée d’un an, renouvelables trois fois maximum. » Ce dispositif offre un double intérêt. D’une part, l’exploitant dispose gratuitement de terrains pendant sa phase de test. D’autre part, la mairie conserve une flexibilité pour gérer ses parcelles. « Nous n’avons pas besoin de signer un bail agricole, avec toutes les contraintes que cela suppose, explique le maire. Cela permet aux exploitants de se tester et à la collectivité de voir leur façon de travailler. » Mais la situation reste transitoire. Il s’agit, à terme, de transformer ces contrats en baux agricoles qui permettent aux exploitants de bénéficier d’aides à l’installation ad hoc et à la mairie d’encaisser des loyers.

Une démarche « cantine durable »

Au bout de quelques années, les résultats sont là. Sur les 35 hectares détenus par la mairie, neuf exploitants sont désormais installés : un boulanger paysan, un producteur de pâtes bio, un producteur de fruits rouges, un autre de plants pour les maraîchers en bio, cinq maraîchers et des éleveurs (qui tournent sur plusieurs zones d’exploitation, pas uniquement sur Saint-Péray). La phase d’essai est dépassée pour la plupart, si bien que plus des deux tiers d’entre eux ont signé un bail.

Pour la commune, la transformation de la plaine est donc bien amorcée. Longtemps restée en friche, elle retrouve sa vocation initiale, celle de nourrir les habitants du territoire (grâce à un petit marché de producteurs). Et mieux encore : les cantines en bénéficient, notamment dans le cadre de l’opération « Cantines durables » (un appel à projet auquel Saint-Péray a répondu avec Mouans Sartoux qui avait de l’avance sur ce sujet). À cela s’ajoute une dynamique qui semble prendre plus largement, en témoigne le Plan d’action pour l’agriculture locale 2021 – 2026 au niveau intercommunal, voté par la communauté de communes Rhône Crussol. Et le coût pour la mairie ? « L’irrigation essentiellement, commente Jacques Dubay. Mais cela se récupère aujourd’hui par les loyers. » En somme, le pari est gagnant. « Il reste encore une difficulté, reconnaît le maire. Nous n’avons pas encore réussi à permettre aux agriculteurs de vivre décemment de leurs métiers. Les niveaux de rémunération ne sont pas encore suffisants, tout juste au SMIC ou légèrement en dessous. Certains sont trop petits, d’autres doivent encore amortir leurs investissements. Mais globalement ça tient. »

Perspectives encourageantes

La dynamique se montre attractive. À tel point qu’un porteur de projet venu d’Annecy a sollicité la collectivité en vue de créer un espace test agricole. Marché conclu ! En janvier 2021, la ville a ouvert un terrain de 5 000 m2 et l’a équipé d’une serre et d’un système d’irrigation (pour un coût de quelques milliers d’euros). Ce lieu accueille, pour un à deux ans, des porteurs de projets qui doivent ensuite céder la place. En contrepartie, ces derniers assurent un programme pédagogique à destination des scolaires. Sur site, se trouve notamment une vigne pédagogique où les élèves peuvent découvrir toutes les étapes de la vinification (sauf la dégustation !). De quoi créer un réseau d’exploitants, permettre aux novices de se tester et de susciter des vocations autour du maraîchage. Le premier porteur de projet finira bientôt son cycle. Reste, maintenant à lui trouver du foncier, car il espère bien pérenniser son activité sur le territoire de Saint-Péray.

Le projet en quelques chiffres

  • 100 hectares de plaine rendus à l’agriculture, dont 35 appartenant à la ville de Saint-Péray
  • 9 exploitants installés sur 30 hectares, après avoir signé un commodat avec la mairie
  • 1 espace test de 5 000 m2 créé en janvier 2021
  • 1 plan d’action pour l’agriculture locale 2021 – 2026 au niveau intercommunal

Communauté de communes Rhône Crussol

Nombre d'habitants :

33809

Nombre de communes :

13
1 278 rue Henri Dunant – BP 249
07 502 Guilherand-Granges

Jacques Dubay

Président

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