Handicap : 18 mesures concrètes pour "fluidifier les parcours MDPH"

Au terme de son "Tour de France des solutions" en faveur des personnes handicapées, la ministre déléguée Charlotte Parmentier-Lecocq a présenté ce 10 juillet une série de mesures visant principalement à simplifier et alléger les démarches auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ces mesures concernent notamment les droits à vie, la facilitation des renouvellements, l'instauration d'un rendez-vous pour les primo-demandeurs et la simplification des formulaires et des notifications. En outre, certains dossiers ne passeront plus nécessairement par les MDPH, ce qui contribuera à les désengorger.

En mars dernier, Charlotte Parmentier-Lecocq, la ministre déléguée chargée de l’Autonomie et du Handicap, se lençait dans ce qui a été appelé le "Tour de France des solutions". Un parcours qui l'a conduite dans dix départements, où elle a visité les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et échangé avec leurs agents, organisé des ateliers participatifs avec des bénéficiaires et leurs familles, rencontré les associations et les élus… Le tout afin de recueillir la parole du terrain et des propositions permettant de faire évoluer le fonctionnement des MDPH et des aides ou des droits que celles-ci accordent. Ceci, en partant d'un constat qui unanimement partagé, à savoir principalement la complexité administrative liée aux dossiers MDPH. Les mots d'ordre, donc : alléger, simplifier, humaniser… "Il ne s'agit pas de taper sur les MDPH", précise d'emblée l'entourage de la ministre, en soulignant que leurs agents pâtissent eux-mêmes des difficultés actuelles.

Ce sont au final 18 mesures, organisées autour de quatre "axes", que Charlotte Parmentier-Lecocq a présentées ce 10 juillet au ministère devant les acteurs du secteur. Avec, indique le ministère, "un calendrier précis" et "un tableau de bord de suivi" qui permettra leur évaluation. Certaines mesures devraient d'ailleurs être mises en œuvre très rapidement, dès ce mois de juillet.

"Alléger les démarches"

"Appliquer partout les droits dans limitation de durée" - Certains droits (AAH, PCH, CMI) peuvent aujourd'hui être acquis sans limitation de durée (autrement dit à vie) pour les personnes ayant un taux d'incapacité supérieur à 80% et dont le handicap ne peut évoluer favorablement. Sauf que l'on constate que ce principe n'est pas toujours appliqué, du moins pas dans tous les départements. Le gouvernement entend remédier à cela. Un courrier cosigné par la ministre et par François Sauvadet, le président de Départements de France, va être adressé à toutes les MDPH, et une instruction leur sera adressée par la CNSA. Laquelle mènera ensuite des audits de contrôle pour s'assurer que toutes les MDPH respectent bien la consigne.

Enfants : l'AEEH de base jusqu'aux 20 ans - Dans le même esprit, pour les enfants dont le handicap ne peut évoluer favorablement (et désormais quel que soit leur taux d'incapacité), l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) de base sera attribuée jusqu'à leurs 20 ans, sans avoir à renouveler la demande tous les deux ou trois ans. Un décret est prévu, pour mise en œuvre en avril 2026.

Enfants : moins de dossiers à constituer - Autre disposition concernant, cette fois, l'ensemble des enfants bénéficiant de droits ou compensations : alléger la charge des parents en leur évitant d'avoir à "refaire des dossiers MDPH trop souvent" – une charge d'autant plus compliquée que les dates de renouvellement pour les divers aménagements et aides ne sont parfois pas les mêmes… L'idée est donc d'aligner les choses sur les cycles scolaires (maternelle, primaire, collège, lycée). Ce sera aussi une charge moindre pour les MDPH.

Réduire les renouvellements - La même logique va prévaloir pour tous les bénéficiaires, adultes compris : "harmoniser les dates pour les différents droits" (leur donner un "cycle de vie commun") pour rendre les choses plus lisibles et plus simples et donc éviter toute rupture. Un décret est prévu.

Continuité des droits - Pour là aussi éviter toute rupture, dès lors qu'un dossier de renouvellement (PCH et AEEH notamment) aura été déposé dans les temps, les versements se poursuivront même si la décision de la MDPH arrive après la fin des droits à renouveler.

Passage à la retraite - Afin de "mieux accompagner le passage à la retraite" pour les bénéficiaires de l'allocation adultes handicapés (AAH), le lien entre la Cnaf et la Cnav sera renforcé, permettant une transmission automatique du RIB et donc une continuité des versements.

"Ecouter, orienter, accompagner"

De vrais rendez-vous - C'était une demande du Conseil national du handicap : systématiser la possibilité d'un rendez-vous d'accueil et d'information en présentiel (individuel ou collectif) pour les primo-demandeurs. Sachant qu'aujourd'hui, tout se passe parfois de façon dématérialisée et se limite à des échanges administratifs… Un budget de la CNSA y sera dédié. "Cela coûtera 26 millions d'euros, pour le recrutement de personnels supplémentaires", indique-ton au ministère.

Des relais de terrain - Au-delà de l'élaboration de nouveaux outils (guides, tutoriels…) pour aider au remplissage des dossiers, le ministère espère que de plus en plus de maisons France Services pourront offrir un accompagnement des demandeurs. Une expérimentation est en cours en vue d'une généralisation.

"Simplifier, réduire les délais"

Un formulaire plus simple - Aujourd'hui, un formulaire MDPH, c'est 20 pages. Tout le monde le dit : c'est trop. L'objectif est de le diminuer de moitié d'ici cet automne. De le rendre plus clair, plus adapté à chaque situation. Ainsi, trois formats seront proposés selon les cas.

Certificat de santé ouvert à d'autres professionnels - Une expérimentation est en cours en Seine-Maritime et sera étendue à d'autres départements puis évaluée avant généralisation. Elle porte sur l'ouverture du dossier médical à d'autres professionnels (infirmière, kinésithérapeute…) au-delà du seul médecin, afin d'avoir "un dossier plus complet", sachant que certains professionnels qui accompagnent les personnes handicapées sont souvent mieux placées que le médecin pour renseigner les éléments liés, notamment, à la vie quotidienne.

Harmonisation des pièces justificatives - Actuellement, la nature et la durée de validité des pièces administratives exigées diffèrent entre MDPH. L’idée est donc d'avoir une liste-socle de documents commune à tous les départements. Celle-ci est en cours de construction. Le tout en limitant le nombre de pièces complémentaires exigibles.

Des notifications plus lisibles - "Les notifications des droits sont aujourd'hui souvent illisibles et incompréhensibles, ont va les revoir complètement", résume-t-on au ministère. Il s'agit notamment de les rendre plus explicites quant à leurs implications (droits ouverts ou refusés, durée, motifs…) et aux recours possibles.

Personnes âgées : la CMI ne passera plus par la MDPH - "Aujourd'hui, environ 25% des demandes adultes faites aux MDPH concernent uniquement la carte mobilité inclusion (CMI) pour les plus de 60 ans", ce qui concourt à l'engorgement, constate le ministère, qui prévoit donc d'automatiser au maximum le traitement de ces demandes-là et de les confier à d'autres professionnels, notamment aux équipes en charge de l'APA. Dans ce cas, "au lieu d'avoir deux flux et deux dossiers différents, un pour la CMI et l'autre pour l'APA, il n'y en aura plus qu'un seul", explique-t-on.

Elèves : de la MDPH aux PAS - Autres demandes dont les MDPH pourront être déchargées : celles qui concernent le matériel et les aides pédagogiques des enfants scolarisés. Au fil du déploiement des pôles d'appui à la scolarités (PAS), ceux-ci pourront se voir confier l'attribution de ce matériel, sans qu'il soit nécessaire de passer par la MDPH. Ce sera plus rapide pour les enfants et leurs familles et cela allègera, ici aussi, la charge de travail des MDPH, sachant que 25% des dossiers liés aux enfants concernent uniquement ce type d'aide (ordinateur, outil spécifique standard…). En cas de difficulté, il restera possible de se tourner vers la MDPH.

RQTH facilitée - La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) peut aujourd'hui déjà être proposée à un jeune de 15 ou 16 ans. Cette possibilité reste toutefois mal connue. Une instruction va donc être diffusée pour automatiser cette RQTH pour les jeunes bénéficiaires de l'AEEH ou de la PCH. Le gouvernement envisage par ailleurs d'ouvrir la possibilité de délivrance de la RQTH aux médecins du travail.

"Soutenir les agents des MDPH"

Renforcer la formation - Un plan de formation consacré aux handicaps invisibles va être déployé, incluant une formation spécifique à la communication alternative et améliorée (CAA).

IA - Le déploiement d'outils d'intelligence artificielle sera expérimenté dans dix départements, notamment pour accélérer la phase de recevabilité des dossiers, et un chatbot sera mis à disposition des agents en charge de l'évaluation.

Un système d'information national - Ce sera un chantier important et lourd, qui se fera en plusieurs étapes : celui de la mise en place d'un SI unique, national, donc commun à toutes les MDPH. Il concernera d'abord uniquement l'évaluation des droits (2026), puis le dépôt et l'instruction (2027) puis les décisions. Ce qui doit garantir une continuité des droits, notamment en cas de déménagement. Ainsi qu'une "meilleure coordination entre les MDPH, les partenaires sociaux, les CAF, les services de l’Éducation nationale ou de la santé". Jusqu'ici, diverses passerelles entre MDPH ont certes été développées, mais jamais jusqu'à viser un tel "coffre-fort numérique unique" impliquant, souligne le ministère, que "les départements se sépareront de leurs propres systèmes d'information".

Le Collectif handicaps, qui regroupe 54 associations, a qualifié ce jeudi de "mesures de bon sens" les annonces du gouvernement : ces mesures "ne révolutionneront pas la vie des personnes en situation de handicap, mais simplifieront certainement leurs démarches si elles sont appliquées en temps voulu", a-t-il réagi dans un communiqué. "La plupart de ces dispositions répondent à des demandes de longue date, en particulier l'application des droits à vie et la mise en place de rendez-vous pour les primo-demandeurs", poursuit le collectif. Les associations qui représentent les personnes handicapées et leurs aidants "soutiennent l'objectif" de "mettre fin aux disparités territoriales dans l'examen des dossiers et l'ouverture des droits" et "veilleront à ce qu'il ne se transforme pas en voeu pieu". "Nous aurions pu aller plus loin sur beaucoup de points", tempère toutefois le collectif, listant des demandes "qui demandaient un investissement financier" et n'ont pas été retenues en raison des "restrictions budgétaires actuelles".

 

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