Inégalités territoriales de santé : les maires ruraux dénoncent un "désastre sanitaire français"

Réunis à partir de ce 30 septembre 2022 en Dordogne pour leur congrès, les maires ruraux présentent de nouvelles données sur les inégalités territoriales d’accès à la santé. En référence à la moyenne nationale de 0,83 médecin généraliste pour 1.000 habitants, il manquerait notamment près de 3.400 médecins généralistes en milieu rural, alors que des bassins de vie urbains sont excédentaires. Les déserts médicaux seront au cœur du Conseil national de la refondation Santé dont la première réunion se tiendra au Mans le 3 octobre 2022.

A l’occasion de son congrès annuel qui démarrait ce 30 septembre 2022 à Eymet (Dordogne), l’Association des maires ruraux de France (AMRF) publie une nouvelle étude sur le manque de médecins en milieu rural. Réalisée par le géographe spécialiste des questions sanitaires Emmanuel Vigneron, l’analyse porte sur la répartition des médecins à l’échelle des bassins de vie. "Pour viser un objectif souhaitable de 1 médecin généraliste pour 1.000 habitants, il manque plus de 6.000 médecins généralistes dans les bassins de vie ruraux", met en avant l’association.

Médecins généralistes : deux bassins de vie ruraux sur trois sont déficitaires

Par rapport à la moyenne nationale de 0,83 médecin généraliste (MG) pour 1.000 habitants, deux bassins de vie ruraux sur trois sont déficitaires (soit un manque de 3.388 MG) et, à l’inverse, des bassins de vie urbains sont excédentaires (au total de 2.266 MG), selon les données de l’étude. Sur une carte représentant la densité de MG par bassin de vie, on perçoit une nette différence entre une moitié nord de la France davantage déficitaire et une moitié sud comptant de nombreux bassins de vie excédentaires – notamment dans le quart sud-est. Un zoom sur la région Nouvelle-Aquitaine puis sur le département de la Dordogne met l’accent sur les différences intra-territoriales, liées notamment à la concentration urbaine des médecins.       

L’écart se creuse encore si l’on considère la densité de médecins au km2, un médecin généraliste couvrant en moyenne 30 km en milieu rural contre 5 km en milieu urbain. L’AMRF rappelle en outre deux chiffres : "10 millions de Français vivent dans un territoire où l’accès aux soins est de qualité inférieure à celle de la moyenne du pays" et "6 millions d’entre eux résident à plus de 30 minutes d’un service d’urgence". L’étude analyse également les écarts de répartition de médecins dans 11 spécialités les plus fréquentes, pour lesquelles l’excédent est par exemple de 976 médecins dans les Bouches-du-Rhône et le déficit de 109 médecins en Dordogne.    

Pour François Braun, les solutions viendront de la coopération plus que de la coercition

Face à ce "désastre sanitaire français", l’AMRF rappelle les propositions qu’elle avait portées en mars dernier avec 34 autres organisations (voir notre article). La première d’entre elles – "donner les moyens" aux étudiants en santé de faire des stages hors du lieu de formation initiale – devrait être débattue lors du Conseil national de la refondation (CNR) santé qui sera inauguré au Mans (Sarthe) ce 3 octobre 2022. Avec une centaine de personnes autour de la table (professionnels de santé, élus, citoyens…), l’exercice consistera non pas à poser un diagnostic qui est déjà connu mais à "faire émerger les solutions imaginées et attendues localement", a précisé François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, dans une interview au journal Le Monde publiée ce 30 septembre. Et cela autour de quatre "figures imposées" : "un médecin traitant pour tous, l’impératif de la permanence des soins, l’attractivité médicale et la prévention".

Confirmant son opposition à "la coercition à l’installation", le ministre dit vouloir favoriser "des solutions de bon sens portées collectivement" et "la coopération entre les acteurs". "Tous les territoires seront incités à ouvrir des ‘guichets uniques’ permettant de répondre aux questions qui se posent à l’installation", illustre-t-il, citant une mesure figurant dans le projet de loi de finances pour la sécurité sociale (voir notre article). Concernant la création d’une quatrième année de spécialité pour les internes en médecine générale, "la seule obligation sera de faire ce stage en ambulatoire", précise François Braun, ajoutant que "le reste relèvera de l’incitation" via notamment des aides au logement et au transport. Le ministre se déclare également favorable à la possibilité pour les internes de réaliser dès leur troisième année leurs stages en ambulatoire et partout sur le territoire. Il insiste enfin sur la nécessité de miser sur les médecins et futurs médecins issus des territoires sous-dotés, et donc de susciter des vocations et de soutenir l’ambition des jeunes de ces territoires dès le lycée.

 

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