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Infrastructures routières : des lacunes "significatives" dans les études d'impact

Dans une note rendue publique le 7 février, l'Autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) constate des "lacunes significatives persistantes" dans les évaluations des impacts des projets d'infrastructures routières ou sur des projets impliquant des aménagements routiers. Ces faiblesses concernent aussi bien la qualité des études d'impact que la prise en compte de l'environnement par le projet.

Depuis sa création en 2009, l'Autorité environnementale (Ae) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a rendu 104 avis sur les évaluations des impacts des projets d'infrastructures routières ou sur des projets impliquant des aménagements routiers. Dans une note rendue publique ce 7 février, elle estime que ces dossiers ont connu des améliorations récentes mais présentent toujours des "lacunes significatives persistantes" concernant aussi bien la qualité des études d'impact que la prise en compte de l'environnement par le projet.

Absence de mesures d'évitement ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre

"Les études de trafic sont très importantes car elles alimentent la justification du projet et conditionnent le calcul de nombreux impacts comme le bruit, la pollution atmosphérique ou les émissions de gaz à effet de serre, relève l'Ae. Or, leurs résultats sont présentés de manière trop succincte et les études elles-mêmes ne prennent presque jamais en compte les trafics induits par la création ou la transformation de l'infrastructure, ni les reports modaux possibles."
L'Ae dit avoir également constaté qu'il n'était presque jamais proposé de mesures d'évitement, de réduction ou de compensation des émissions de gaz à effet de serre, "malgré les engagement pris par la France d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon de 2050 et en dépit du constat récent que les émissions du secteur des transports [qui représente à lui seul 30% des émissions, ndlr] se remettent à augmenter". Il en est de même, souligne encore l'Ae, pour l'évitement ou la réduction des émissions de polluants toxiques pour la santé humaine, qui, dans les agglomérations, sont dues de façon prépondérante à la pollution automobile.

Prise en compte insuffisante des milieux naturels

Par leur emprise et par les coupures et morcellements de l'espace qu'elles génèrent, les infrastructures ont aussi des effets sur les milieux naturels. Or, note l'Ae, "la prise en compte de ces derniers reste souvent focalisée sur les espèces protégées, sans une analyse suffisante des effets sur la fonctionnalité des écosystèmes et sur les habitats remarquables, y compris les zones humides". Elle fait par ailleurs état de "lacunes" en matière de prise en compte des continuités écologiques.
Autre point sujet à critique de la part de l'Ae : "le choix de recourir à la concession pour la création de certaines infrastructures à deux fois deux voies et pour leur élargissement conduit le plus souvent à reporter les étapes critiques de l'évaluation environnementale du projet (en particulier le choix de l'option retenue) à des phases trop tardives, après la désignation du concessionnaire. De même, la plupart des caractéristiques de l'infrastructure sont déjà imposées dans le cahier des charges, ce qui ne permet pas toujours de donner tout son sens à l'évitement, ni de mettre en place des mesures de réduction et de compensation à la hauteur des enjeux d'environnement et de santé humaine."

Appréciation des impacts : réfléchir à la "bonne échelle"

L'Ae estime aussi que la notion de projet (ou celle de programme de travaux lorsque celle-ci était encore applicable) reste "trop souvent mal interprétée par les maîtres d'ouvrage". Elle rappelle à ce propos que le périmètre retenu pour le projet "a vocation à être justifié, notamment au regard des liens fonctionnels et des interférences entre différents aménagements, dans la mesure où ils sont susceptibles de prédéterminer les conclusions de l'évaluation des impacts environnementaux". Au-delà de la définition du projet ou du programme, elle invite les maîtres d'ouvrage "à réfléchir 'à la bonne échelle' d'appréciation des impacts, nombre de ceux-ci ne pouvant être appréciés à l'échelle des seules infrastructures considérées".

Mieux réfléchir aux alternatives à la route

A partir de l'analyse d'un nombre conséquent de projets, l'Ae constate qu'elle a eu trop souvent à se prononcer sur des projets "dont les alternatives étaient figées alors qu'elles auraient mérité d'être révisées", ces variantes étant "fondées sur des partis d'aménagement ou des options définies parfois plusieurs décennies avant l'étude d'impact". La prise en compte de l'environnement intervient ainsi de fait après les choix les plus structurants alors que ces choix devraient être plus souvent fondés sur "une analyse des variantes tenant compte de l'ensemble des modes de déplacement possibles pour satisfaire les besoins de mobilité, au lieu de reposer sur des options relevant du seul mode routier." Autre constat : "les améliorations attendues en matière de vitesse et de gain de temps pour l'usager, pourtant souvent limitées, représentent une part prépondérante dans la motivation des constructions ou aménagements d'infrastructures."
L'Ae conclut sa note en insistant sur la nécessité de prendre en compte les enjeux environnementaux en amont des grands choix d'aménagement et au sein de la planification des programmes d'infrastructures pour respecter les engagements du pays en faveur de la transition écologique et énergétique car cette dimension ne peut selon elle être uniquement abordée par des études environnementales au niveau de chaque projet.

 

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