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Economie sociale et solidaire - Innovation sociale : Christophe Itier lance son "Appel aux territoires"

Devant des élus réunis par le Réseau des territoires pour une économie solidaire, le 4 juillet, le haut-commissaire à l'ESS et à l'innovation sociale a présenté l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) "Le French impact" qui vise à promouvoir des "écosystèmes locaux" dans le domaine de l'innovation sociale (décrochage scolaire, fracture numérique, insertion professionnelle, handicap...). La clôture de remise des dossiers est fixée au 22 octobre 2018 pour les premières labellisations fin 2018.

"Nous avons lancé hier à Romans-sur-Isère l'Appel aux territoires." Christophe Itier, haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire et à l'innovation sociale, s'adressait le 4 juillet aux élus réunis par le Réseau des territoires pour une économie solidaire (RTES) pour sa rencontre annuelle. Ceux-là mêmes qui avaient lancé en 2015 un "appel des élus locaux pour une économie sociale et solidaire".
Composante de la démarche d'accélérateur d'innovations sociales French impact, cet Appel aux territoires prend la forme d'un appel à manifestation d’intérêt (AMI). Il "permettra de labelliser des territoires qui souhaitent renforcer leur écosystème par l’animation et la mise en synergie des accompagnateurs et financeurs de l’innovation sociale", peut-on lire sur le site du ministère de la Transition écologique et solidaire. Le type de territoire n'est "pas défini", il s'agit de "démontrer qu'il y a du sens, une dynamique", avec une gouvernance "la plus large possible", a détaillé Christophe Itier. "Et on va demander à ces territoires de se mettre en tension" autour de plusieurs défis : le décrochage scolaire, la fracture numérique, l'insertion professionnelle, le handicap...

Les régions s'organisent pour aller chercher les projets "au plus près"

La date limite de dépôt des dossiers des territoires est fixée au 22 octobre 2018. Sur le cahier des charges de l'AMI, on peut lire également : "La candidature du territoire devra être portée par un collectif d’acteurs de l’innovation sociale, soutenus par les collectivités locales et les acteurs privés". Qu'est-ce qu'un territoire favorable à l'innovation sociale ? Les élus présents à la septième rencontre du RTES se sont justement intéressés au sujet : "Innovations sociales au service des besoins des territoires : que font les collectivités ?" Avec un terme récurrent et relativement nouveau du côté des collectivités : celui d'écosystème. Et l'idée que les collectivités désireuses de soutenir l'ESS et l'innovation sociale devraient avant tout se mettre "à l'écoute" des territoires et au service des projets qui émergeraient.
En Bretagne, il s'agit ainsi de "développer un écosystème complet d'acteurs et de territoires pour accompagner la montée en puissance" de l'ESS, a illustré Anne Patault, vice-présidente chargée de l’innovation sociale. "La région travaille en 'décentralisation' avec 21 pays, dotés de pôles de l'ESS construits à initiative et à l'image des territoires", a-t-elle poursuivi. Pour encourager l'entrepreneuriat dans l'ESS, rien ne vaut donc la proximité. Les idées, les porteurs de projets, les emplois, "on va les chercher au plus près des territoires", a également témoigné Marie Meunier, conseillère régionale déléguée à l’ESS d’Occitanie. Même approche dans le Grand Est, avec une "région en proximité" s'appuyant sur 12 "agences de territoires".

Des conventions régions-intercommunalités

"Il faut que l'on mette l'ensemble des partenaires d'un territoire ensemble, qu'on s'appuie beaucoup plus sur les intercommunalités, qu'on aille plus loin dans la décentralisation à un moment où on assiste plutôt à une recentralisation", a énuméré plus globalement Denis Hameau, vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté et président de la commission ESS de Régions de France. A noter que les conventions entre régions et intercommunalités sur l'ESS, et parfois plus globalement sur le développement économique, semblent se multiplier : Bretagne, Grand Est, Paca…
Quant aux élus départementaux, si la région s'y met, eux peuvent bien le dire, à l'instar de Bénédicte Messeanne, vice-présidente du Pas-de-Calais : "Nous sommes des élus de proximité." Dans son département, un "budget participatif citoyen" a été monté pour accompagner, labelliser et financer des projets de toute sorte "innovants socialement, coopérants et portant les marques de l'ESS".

Souplesse des règlements d'intervention et changement de posture de l'élu

Les collectivités favorables à l'ESS s'attachent donc à détecter les bonnes idées et à soutenir en ingénierie et en financement des projets à différentes étapes. Et, si possible, elles font évoluer par la même occasion leur propre manière de fonctionner. Outre les efforts bien connus pour travailler en transversalité, plusieurs s'efforcent d'éviter un cadre trop rigide, comme en Nouvelle-Aquitaine où, selon Pascal Duforestel, conseiller régional délégué à l’ESS, "des règlements d'intervention très souples" ont été mis en place. Cela "pour être en veille et accompagner" des projets très divers. Sur la constitution de pôles dédiés à l'émergence, "libres aux territoires d'agir, nous on est prêt à les aider", affirme quant à elle Catherine Zuber, conseillère régionale déléguée à l’ESS de la région Grand Est.
L'étape d'après, pour les collectivités, c'est de n'être plus un financeur quelque peu externe du projet, mais de rejoindre la dynamique. Quand la ville de Lille rentre au capital de la société coopérative d'intérêt collectif (Scic) d'une crèche, au même titre que des entreprises privées, des épargnants ou des parents, la "posture de l'élu" change, de l'avis de Christiane Bouchart, conseillère municipale déléguée à l’ESS à la ville de Lille et présidente du RTES. Autre exemple : quand la ville de Villeurbanne s'engage dans l'expérimentation "zéro chômeur de longue durée", elle "n'est pas décisionnaire de tout", elle est "juste un parmi d'autres au sein du comité local", observe Agnès Thouvenot, conseillère municipale. Pour la collectivité, comme pour les services de l'Etat, ce glissement est d'ailleurs "compliqué", estime-t-elle.

Le "changement d'échelle" de l'ESS n'est pas que financier 

Tant au niveau national que local, l'"Etat pépinière" que le Mouvement des entrepreneurs sociaux appelait de ses voeux il y a trois ans (voir notre article du 23 février 2015) semble en tout cas bien prendre une certaine forme aujourd'hui. 
Les dix premiers territoires "French impact" seront labellisés d'ici fin 2018. D'ici là, Christophe Itier aura lancé un premier fonds d'amorçage – de fonds publics et privés, "20 millions d'euros en octobre, pour aller à 50 millions à la fin de année. Il promet, enfin, de révéler en septembre son "pacte de croissance pour l'ESS". Une "centaine de mesures" qui permettra de dessiner une "stratégie à cinq ou dix ans" et abordera de nombreux domaines – meilleure prise en compte de l'ESS dans les autres politiques et le champ économique, freins réglementaires et fiscaux, formation…
Des annonces qui seront surveillées de près par Christiane Bouchart, qui se dit "dans l'attente d'une démarche politique globale". Pour la présidente du RTES qui répondait à Localtis, les financements sont importants, mais "le changement d'échelle, c'est aussi comment on infuse et fait bouger le modèle dominant". Plus spécifiquement, pour les collectivités, des ajustements législatifs sont toujours demandés, "pour que l'ESS puisse être portée par tous les niveaux de collectivités, puisqu'elle traverse toutes les politiques publiques".
En amont de l'AMI, un premier appel à projets lancé avec la Caisse des Dépôts a permis de sélectionner "22 projets pionniers" au mois de juin.