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Habitat - Intégrer la GRL nouvelle formule dans les politiques locales de l'habitat ?

Le 11 décembre 2007, lors de son discours de Vandoeuvre-lès-Nancy, le président de la République avait affirmé : "Je souhaite que soit mise en œuvre une assurance contre les risques d'impayés de loyers qui concernent l'ensemble des propriétaires et des locataires. En mutualisant les risques pour tous, on en réduira le coût pour chacun. La caution pourra disparaître, elle n'aura plus de raison d'être." Deux ans après ce discours, et après la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion (Molle) du 25 mars 2009 qui lui a donné un fondement législatif, deux décrets (2009-1620 et 2009-1621), parus le 23 décembre 2009, mettent en œuvre une version rénovée du dispositif de garantie des risques locatifs (GRL).

 

Un contrat d'assurance réglementé, distribué par les assureurs, à des bailleurs privés 

Ce nouveau système va permettre d'assurer à tous les bailleurs privés le versement des loyers et le remboursement des frais occasionnés soit par les procédures de recouvrement, soit par les dégradations locatives. Jusque-là, rien de bien différent des contrats d'assurance "garantie de loyers impayés" classiques que distribuent habituellement les assureurs. La nouveauté est dans le public cible : les contrats d'assurance classique posent comme condition que le locataire ait des ressources trois fois supérieures au loyer. Dans la nouvelle GRL, les propriétaires pourront contracter une assurance même si leur locataire a des revenus seulement deux fois supérieurs au loyer. Et le candidat locataire n'aura plus besoin d'obtenir un Pass-GRL.
Ainsi, un propriétaire pourra comme aujourd'hui louer un studio de 500 euros à une personne gagnant 1.000 euros par mois. La nouveauté, c'est que, quelle que soit la condition de son locataire (salarié, étudiant, chômeur...), ce propriétaire pourra s'assurer contre les impayés en payant une prime d'assurance de l'ordre de 150 euros par an (2 à 2,5% du loyer annuel).
Ces locataires qui ont un taux d'effort compris entre 30 et 50% ou ont des contrats de travail précaires, présentent un risque plus élevé que les autres de ne pas payer leur loyer. Afin d'inciter à la distribution de ces contrats y compris aux bailleurs qui acceptent de louer à ces locataires, les assureurs recevront une enveloppe financière afin de couvrir cette sur-sinistralité.

 

Quel financement?

Et l'on en arrive au nerf de la guerre : le financement du dispositif. L'article 8 de loi Molle a créé un fonds, géré par l'Association pour l'accès aux garanties locatives (APAGL, voir notre article du 5 octobre 2009). Ce fonds est alimenté par le 1 % et l'Etat... mais seul le 1% a affiché pour l'instant le montant de son apport : 70 millions d'euros en 2010, 100 millions d'euros en 2011. Des sommes non négligeables, à comparer par exemple aux 130 millions d'euros (tout compris : Anah, Anru et Etat) par an qui seront affectés au programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD).
Tous les assureurs souhaitant distribuer ces contrats GRL passent une convention avec l'APAGL : ils s'engagent alors à respecter le cahier des charges publié le 23 décembre 2009 (décret du 2009-1621) et notamment à communiquer leurs comptes à l'APAGL afin que celle-ci sache combien elle doit verser à l'assureur pour le dédommager de la sur-sinistralité. C'est sur le droit de regard de l'APAGL sur les comptes des assureurs, le montant de la compensation et la répartition du financement du fonds entre 1% et Etat qu'ont porté les négociations tout au long de l'année 2009 entre 1%, Etat et fédération des assureurs. Si aucun assureur n'a signé pour l'instant de convention, cela devrait venir dans les prochaines semaines, ce qui permettra de lancer la distribution de ces nouveaux contrats. L'APAGL affiche un objectif de 2 millions de contrats signés dans les 5 ans, objectif qui, pour être atteint, nécessitera une politique commerciale agressive des assureurs : sur les 5 millions de locataires du parc privé, on estime qu'à ce jour, 10% seulement d'entre eux ont un propriétaire doté d'une assurance loyers impayés. Les assureurs pourraient cependant, au-delà de l'incitation financière, être vraiment intéressés à faire entrer dans leurs fichiers ces propriétaires bailleurs, un public à qui on peut vendre de nombreux autres produits d'assurance.

 

Quel impact pour les collectivités territoriales ? 

Ces dernières années, plusieurs villes et départements avaient utilisé l'ancien dispositif GRL pour encourager les propriétaires privés à louer à des publics en difficulté (bas revenus, minima sociaux, jeunes). L'un des systèmes souvent retenu était de passer une convention avec le propriétaire, la collectivité s'engageant à payer la prime d'assurance, le propriétaire à réserver son logement au public cible. La nouvelle version de la GRL permet de poursuivre ce type de politique : pour tel public cible, la collectivité peut toujours payer une partie ou la totalité de la prime d'assurance contre engagement du propriétaire privé d'accepter ce public. Elle doit simplement prévoir de signer une convention de partenariat avec l'APAGL. Attention quand même à plafonner cette aide : tous les assureurs ne proposeront pas l'assurance au même tarif.
La nouvelle GRL assure également les propriétaires contre les dégradations locatives pour un montant maximal de 7.000 euros : les collectivités ayant des aides spécifiques pour financer des travaux de remise en état de logements pourraient donc être conduites à adapter leurs aides. Impact aussi sur les fonds de solidarité logement : jusqu'à présent, ils accordaient un cautionnement garantissant le paiement du loyer pour les plus modestes - et notamment pour tous ceux qui étaient exclus de l'ancien dispositif GRL.
Enfin, dans la plupart des cas d'impayés, ni les propriétaires ni les assureurs ne seront en première ligne pour obtenir l'apurement des dettes : ce seront les collecteurs du 1% qui proposeront au locataire un plan d'apurement. En cas d'incapacité complète de paiement, le collecteur chargera un travailleur social de réaliser un "traitement social" de la situation. Curieusement, et sans que le décret cahier des charges le prévoit, le dossier de presse du ministère précise que seuls les locataires "de bonne foi", et "sous condition de reprendre les paiements", auront droit à un traitement social... Quant aux locataires de  "mauvaise foi", ils feront l'objet de procédures classiques de recouvrement.

Reste à savoir quels seront les effets concrets de cette GRL nouvelle formule : l'interdiction de cumuler caution et GRL facilitera-t-elle effectivement l'accès des plus pauvres au logement ? Le développement de ces contrats incitera-t-il effectivement les propriétaires à mettre en location des logements vacants? Combien chaque compagnie d'assurance recevra-t-elle de l'Etat et du 1% ? Toutes ces questions ne pourront trouver de réponse avant le courant 2011. Reste une évidence : un propriétaire privé est toujours libre de choisir son locataire. Pas sûr que subitement, sans aucune obligation légale, tous se précipitent pour louer à des intérimaires, des personnes en CDD, touchant les minima sociaux ou ayant des revenus seulement deux fois supérieurs au loyer...   

 

Hélène Lemesle

 

Références : décret 2009-1620 du 23 décembre 2009 fixant les règles de gestion et de fonctionnement du fonds de garantie universelle des risques locatifs ; décret 2009-1621 du 23 décembre 2009 fixant le cahier des charges prévu au g de l'article L.313-3 du Code de la construction et de l'habitation au titre de la garantie universelle des risques locatifs.

 

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