Jean-Benoît Dujol sur le service national universel : "Ne pas imposer quoi que ce soit aux collectivités"

Gabriel Attal et Jean-Michel Blanquer lançaient ce 3 février la campagne de recrutement des volontaires qui participeront en 2020 au service national universel (SNU). Interrogé par Localtis, Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative au ministère de l'Education nationale et délégué interministériel à la jeunesse, revient sur le calendrier de déploiement du SNU, sur la structuration du dispositif et sur l'implication des collectivités en termes d'accueil des jeunes... toujours "sur la base du volontariat".

En 2020, le service national universel se déploie dans tous les départements, avec l'objectif d'accueillir au moins 25.000 jeunes volontaires, après 2.000 jeunes en 2019. Une montée en charge non négligeable, qui concernera forcément les collectivités locales sollicitées en premier lieu sur la mise à disposition d'établissements scolaires pour le séjour de cohésion. Directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative au ministère de l'Education nationale et délégué interministériel à la jeunesse, Jean-Benoît Dujol a répondu aux questions de Localtis au détour des 25 ans du Mouvement associatif. Il est revenu sur la façon dont les collectivités, et les régions en particulier, pouvaient être impliquées, sur les réticences récemment exprimées par des syndicats de fonctionnaires à l'encontre du SNU et, plus globalement, sur la philosophie du dispositif et les modalités de sa mise en œuvre. Si Gabriel Attal, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse, espère "généraliser" le SNU dès 2024, le calendrier semble devoir s'adapter à la réalité du déploiement ; en juin dernier, Gabriel Attal visait d'atteindre 40.000 jeunes dès 2020.

Localtis - Gabriel Attal lance ce 3 février la campagne de recrutement des volontaires qui participeront en 2020 au service national universel. Tous les départements seront-ils concernés cette année et selon quel calendrier ?

Jean-Benoît Dujol - Le service national universel se déploie sur toute la France dès cette année, après une année 2019 de préfiguration où seulement 13 territoires étaient concernés. En France métropolitaine comme en outre-mer, chaque jeune Français aura l'opportunité de s'engager dans le SNU en 2020.

Tous les départements sont donc concernés. Le séjour de cohésion aura lieu du 22 juin au 3 juillet et les inscriptions commencent maintenant sur le site snu.gouv.fr. Selon leur démographie, les départements accueilleront entre 50 et 800 jeunes. Notre objectif en termes de recrutement, c'est que 30.000 jeunes se portent candidats, on en retiendra 30.000 si on le peut et sans doute un chiffre plus proche de 25.000.

Il y a trois phases dans le SNU : le séjour de cohésion, la mission d'intérêt général et l'engagement libre du volontaire à l'issue des deux premières phases. La troisième phase, celle où le jeune, après avoir accompli son séjour de cohésion et sa mission d'intérêt général, choisit de s'engager dans une association, de faire un service civique, de devenir pompier volontaire… c'est vraiment l'indicateur de succès du SNU. L'Injep, qui est chargée de conduire une évaluation indépendante du dispositif, va suivre les jeunes dans le temps, pour connaître les inflexions que produit le fait d'avoir accompli le SNU sur les trajectoires de vie notamment en termes d'engagement. Le SNU, c'est une école de l'engagement.

En termes d'infrastructures, comment travaillez-vous avec les collectivités et les associations pour préparer l'accueil des jeunes lors du séjour de cohésion ?

Depuis plusieurs mois, nous travaillons à identifier des lieux d'accueil avec nos services déconcentrés, chargés de la jeunesse et sport et de la cohésion sociale, et bien entendu aussi les rectorats et les Dasen. Il y aura au moins un, voire deux lieux d'accueil dans chaque département. Parmi ces lieux d'accueil, on trouve beaucoup d'établissements d'enseignement scolaire, des lycées avec des internats par exemple, ou encore des établissements de l'enseignement agricole qui se sont aussi beaucoup mobilisés, on trouve également des centres de vacances et de manière générale des établissements portés par des associations d'éducation populaire et de jeunesse. Avec les collectivités locales, et notamment les régions qui sont responsables des lycées, des contacts sont pris. Ces locaux seront loués dans le cadre de conventions de mise à disposition, aux conditions que voudront bien nous faire soit les associations soit les collectivités locales gestionnaires.

Sur quels autres aspects du SNU les collectivités sont-elles sollicitées ?

Nous sommes très vigilants à ne pas imposer quoi que ce soit aux collectivités, nous sommes à leur disposition pour envisager avec elles des modalités d'implication plus importantes, mais nous ne voulons pas que le SNU apparaisse comme une façon déguisée pour l'Etat de se reposer sur elles en termes de politiques de jeunesse. C'est une responsabilité de l'Etat, assumée par l'Etat, y compris dans sa dimension financière, donc on dédommage les collectivités lorsqu'on empiète sur leur domaine public en quelque sorte.

On ne verrait que des avantages à ce que les collectivités s'impliquent, mais donc sur la base du volontariat. Il y a beaucoup à faire pour proposer des activités intéressantes aux volontaires, pour leur présenter le territoire, pour régler des problèmes de mobilité comme assurer l'acheminement des jeunes vers le centre d'accueil… Il y a des sujets qui correspondent aussi étroitement aux compétences des collectivités, je pense à la collectivité régionale en particulier. C'est un moment important dans le parcours de formation du jeune, on va parler orientation, compétences. Toutes les collectivités qui souhaitent travailler avec nous sur le programme seront accueillies à bras ouverts.

Sur le dispositif lui-même, sa philosophie et son organisation, une certaine fronde syndicale s'est récemment fait entendre au sein des services de l'Etat (voir notamment ce communiqué du 21 janvier 2020 d'une intersyndicale jeunesse et sports). Ces résistances peuvent-elles poser problème dans le déploiement du dispositif ?

Il y a des résistances qui s'expriment de manière assez forte, mais au quotidien le déploiement n'est pas perturbé par ces actions. Des mots excessifs ont été employés, certains ont parlé de "clause de conscience", ce qui est complètement hors de propos. Dans le SNU, la deuxième et la troisième phase n'ont aucun rapport avec l'univers militaire. La première qui mobilise l'attention, le séjour de cohésion, dure 12 jours, dont deux jours qui sont pris en charge dans leur organisation et leur animation par les armées (pour la journée "défense et mémoire") et les forces de sécurité intérieure (police et gendarmerie). Donc on ne peut pas considérer que c'est un dispositif militaire ou paramilitaire. On emprunte un certain nombre de codes, peut-être en termes de discipline. On a aussi beaucoup parlé de la Marseillaise et du lever des couleurs : ce ne sont pas des codes militaires, ce sont des codes républicains et c'est une dimension que nous assumons parfaitement du côté de l'Etat.

Autre source de réticence pour certaines associations : la dimension obligatoire du SNU.

Certains ont cru, à tort si l'on en croit les derniers développements, que le SNU pourrait se substituer à d'autres dispositifs d'engagement dans lesquels l'Etat a beaucoup investi. On fête cette année le dixième anniversaire du service civique et on souhaite le fêter en grande pompe, on est très fiers de ce qui a été accompli et le service civique doit continuer à croître. Le service civique, c'est la pierre angulaire de la phase 3 du SNU.

Il n'y a pas de baisse du nombre de volontaires en service civique, on a atteint une sorte de plateau, entre 140.000 et 150.000 jeunes selon les années. Il y a un potentiel de développement encore très fort sur le service civique et on ne fait que le renforcer en mettant en place le SNU.

Dans les années à venir, les moyens dédiés au SNU et au service civique devraient donc augmenter de manière simultanée ?

C'est la logique du dispositif, tout à fait.

Quand la dimension obligatoire du SNU prendra-t-elle effet ?

Je ne peux pas m'avancer sur le caractère obligatoire, c'est bien l'horizon que nous poursuivons. Nous souhaitons que l'ensemble d'une classe d'âge accomplisse un SNU, le rythme de croissance n'est pas encore arrêté, pas plus que le moment où l'on basculerait dans un schéma obligatoire.