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Asile - La CNCDH demande la suppression du délit de solidarité

Dans un court avis publié au Journal officiel du 4 juin, la Commission nationale consultative des droits de l'homme se prononce sur le "délit de solidarité". Rappelant les actions menées par certains bénévoles ou simples citoyens à Calais, dans les Alpes-Maritimes (dans la vallée de la Roya où Cédric Herrou, agriculteur, a été poursuivi pour avoir illégalement porté secours à des migrants), ou à Paris, la CNCDH observe que, "face à ces actes d'humanité envers les personnes migrantes, les demandeurs d'asile, les Roms, les sans-papiers, les pouvoirs publics, loin de les encourager, se mobilisent au contraire pour y faire obstacle par différents moyens". Ceci se traduit par des "arrestations et poursuites de citoyennes et citoyens ayant aidé des personnes migrantes, avec la menace de lourdes sanctions et parfois condamnations, mesures d'intimidation, entraves à l'action des associations. La solidarité est tenue pour un délit".

Abrogé ou pas abrogé ?

Dans une réponse à un courrier de la présidente de la CNCDH, en date du 24 février 2017, Matignon expliquait ainsi que "l'article L.622-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été abrogé le 31 décembre 2012 - ce que l'on a appelé la 'dépénalisation du délit de solidarité'".
Mais, pour la CNCDH, la situation est plus compliquée. L'avis explique en effet que "contrairement à cette affirmation, trop largement partagée, l'article L.622-1 du Ceseda n'a pas été abrogé. La loi du 31 décembre 2012 a certes introduit, dans un nouvel article, des exemptions, familiales et humanitaires, excluant des poursuites pénales 'toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché n'a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celui-ci" (article L.622-4 du Ceseda).
Mais le problème est que "cela ne constitue pas pour autant une protection suffisamment efficace contre des poursuites visant des actions 'humanitaires et désintéressées', notamment parce que la formulation des dispositions de l'article L.622-4 du Ceseda est si imprécise qu'elle peut donner lieu à des interprétations jurisprudentielles contradictoires, en fonction de la nature des actes de solidarité incriminés". Une difficulté qui s'est vérifiée dans l'affaire de l'agriculteur de la vallée de la Roya, finalement condamné à 3.000 euros d'amende avec sursis (alors que le procureur avait requis huit mois de prison avec sursis).

Une proposition de nouvelle rédaction

La CNCDH - qui considère que "l'engagement de celles et ceux qui apportent aide et soutien aux personnes migrantes est légitime au regard de la protection des droits fondamentaux" - demande donc au gouvernement et au législateur de modifier l'article L.622-1 du Ceseda, "afin que le droit national soit désormais conforme au droit européen". Pour éviter qu'un assouplissement bénéficie aussi aux passeurs et autres trafiquants d'êtres humains, le CNCDH propose une rédaction prévoyant que seule sera sanctionnée "toute personne qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France, dans un but lucratif".
Au-delà de cet ajustement législatif, la CNCDH appelle également les autorités publiques à "cesser de recourir à des délits annexes sans rapport avec les infractions de l'article L.622-1 du Ceseda" (délits d'outrage ou d'injure, délit d'entrave à la circulation d'un aéronef, réglementation sur l'hygiène ou la sécurité applicable à des locaux...), à seule fin d'"intimider et parfois poursuivre les aidants solidaires".
Enfin, la CNCDH recommande "que les pouvoirs publics concentrent leurs moyens et leurs actions au renforcement de leur capacité d'accueil et d'accompagnement des personnes migrantes, afin de garantir l'effectivité de leurs droits fondamentaux".

Références : Commission nationale consultative des droits de l'homme, avis "Mettre fin au délit de solidarité" du 18 mai 2017 (Journal officiel du 4 juin 2017).