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Handicap - La Cour de justice de l'Union européenne assimile les personnes en Esat à des travailleurs

Dans un arrêt du 26 mars 2015, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) se prononce sur le statut des personnes handicapées travaillant au sein d'un établissement ou service d'aide par le travail (Esat). En l'espèce, la CJUE répond à un renvoi préjudiciel de la Cour de cassation, en date du 29 mai 2013. L'affaire jugée par cette dernière portait sur une question de congés payés. Le requérant avait sollicité, lors de son départ d'un centre de travail (CAT) d'Avignon, une indemnité correspondant aux congés payés non pris en raison de périodes d'arrêts maladie. Après le refus du CAT, le demandeur avait saisi le conseil des prud'hommes, qui s'était déclaré incompétent en raison de l'absence de relation salariale. Une position confirmée par le tribunal d'instance, saisi en second lieu.

Une position constante de la Cour de cassation

En France, les personnes travaillant dans un Esat sont en effet considérées non pas comme des travailleurs relevant d'un contrat de travail et du Code du travail, mais comme des résidents d'un établissement ou service social ou médicosocial (ESSMS). Une position suivie jusqu'alors par la Cour de cassation, celle-ci jugeant en effet que les travailleurs handicapés ne sont pas liés par un contrat de travail aux CAT, devenus Esat depuis la loi Handicap du 11 février 2005.
Dans son arrêt du 26 mars, la CJUE commence par rappeler - sans se prononcer pour autant sur le fond de l'affaire - que, "la notion de travailleur ne saurait recevoir une interprétation variant selon les droits nationaux, mais revêt une portée autonome propre au droit de l'Union". L'arrêt précise que "cette constatation s'impose également en vue de l'interprétation de la notion de travailleur, au sens de l'article 7 de la directive 2003/88 et de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte afin de garantir l'uniformité du champ d'application ratione personae du droit au congé payé des travailleurs".

L'exception française n'exonère pas de l'assimilation au statut de travailleur

Prenant en compte le cas français, la CJUE estime que le fait que les personnes admises dans un CAT ne sont pas soumises à certaines dispositions du code du travail "ne saurait être déterminant dans le cadre de l'appréciation de la relation d'emploi entre les parties en cause". L'arrêt de la Cour passe également en revue d'autres spécificités des Esat, comme le fait que les salaires peuvent y être sensiblement inférieurs au Smic (complété par une participation aux résultats et, le plus souvent, par l'allocation aux adultes handicapés). Mais toutes ces particularités ne sont pas jugées incompatibles avec le statut de travailleur.
En conclusion, la CJUE dit pour droit que "la notion de travailleur, au sens de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être interprétée en ce sens qu'elle peut englober une personne admise dans un centre d'aide par le travail, tel que celui en cause au principal".
Cette conclusion - qui n'a pas d'impact direct, s'agissant d'un renvoi préjudiciel - devrait en revanche conduire la Cour de cassation à revoir sa position sur le sujet, en commençant par l'affaire en cours. Les conséquences d'une telle assimilation des salariés des Esat à des travailleurs ordinaires relevant d'un contrat de travail pourrait avoir des effets positifs sur les intéressés, mais se traduire par des coûts supplémentaires pour les établissements et services. Elle pourrait avoir aussi des effets moins positifs. Par exemple, leur statut de résident d'une ESSMS protège aujourd'hui les intéressés d'un licenciement. Qu'en sera-t-il en cas d'assimilation complète à un statut de travailleur ?

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Cour de justice de l'Union européenne, arrêt de la cour (première chambre) du 26 mars 2015, Gérard Fenoll c/centre d'aide par le travail "La Jouvene" et Association de parents et d'amis de personnes handicapées mentales (Apei) d'Avignon.

 

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