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Enfance - La Cour des comptes juge la protection de l'enfance "pas satisfaisante"

Alors que l'on attend toujours le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur l'aide sociale à l'enfance, la Cour des comptes prend les devants en publiant un rapport public thématique sur "La protection de l'enfance". Celui-ci ne repose pas sur des investigations spécifiques, mais sur la compilation d'enquêtes récentes sur le sujet, réalisées par la Cour des comptes et par une dizaine de chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). Cette approche fragmentaire se ressent à la lecture, par exemple à travers la place hypertrophiée donnée à l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned) et à la dimension statistique.  
En dépit de cette déformation, le rapport de la Cour des comptes formule un certain nombre d'observations intéressantes, à défaut d'être réellement originales. Rappelant que les mesures de protection de l'enfance (actions éducatives et placements) concernent chaque année environ 300.000 enfants et que leur coût pour les départements représente près de 6 milliards d'euros de dépenses brutes, le rapport porte un jugement mitigé sur les actions mises en oeuvre et considère que "les responsabilités propres ou conjointes des autorités publiques restent mal assumées dans des domaines pourtant cruciaux". Tout en reconnaissant que, depuis la décentralisation, les départements ont pris de nombreuses initiatives intéressantes, la Cour des comptes considère toutefois qu'ils "peinent à définir les objectifs qu'ils poursuivent, le schéma départemental restant de ce point de vue un produit très inégal". La cour pointe plus précisément le fait que les départements manquent d'une véritable stratégie en matière d'enfance, les schémas devenant alors soit une fin en eux-mêmes, soit un document oublié sitôt publié. Le rapport met également en exergue des "disparités inquiétantes quant à l'égalité d'accès à une prise en charge". Il vise notamment les écarts importants dans l'effort budgétaire des départements en faveur de l'enfance et les différences dans l'évolution des dépenses. Entre 2002 et 2007, les dépenses brutes d'ASE, en euros constants, ont ainsi progressé de 34% dans les Côtes-d'Armor et de 30% dans l'Ain, alors qu'elles reculaient de 5% en Indre-et-Loire et de 3% dans le Cantal. Le rapport regrette également le poids excessif des mesures judiciaires (82% du total), le manque de souplesse et de diversité dans l'offre d'établissements et le contrôle insuffisant de ces derniers, financés par les départements. Lors de la présentation du rapport, Philippe Séguin a ainsi indiqué qu'"au rythme actuel, un établissement du secteur associatif est contrôlé par l'Etat en moyenne tous les 26 ans" (au demeurant, les départements sont parfaitement à même d'effectuer ces contrôles). Autre point faible : la sensibilisation insuffisante des professionnels en contact avec les enfants au repérage et à la transmission des informations préoccupantes, notamment du côté de l'éducation nationale et des médecins libéraux.
Parmi les propositions du rapport concernant directement les départements, on retiendra notamment l'élaboration de "projets de services" dans les services de l'ASE, le recours plus systématique aux appels à projets auprès des établissements, ou encore une plus grande formalisation des modalités de prise en charge des situations d'urgence. De façon plus large, le rapport plaide pour "un effort de maîtrise coordonnée au plan individuel, à l'échelon départemental et au niveau national" et pour un meilleur respect par l'Etat de ses engagements. Consolation morale pour les départements, mais qui ne devrait guère avoir d'effets pratiques : la Cour des comptes demande notamment à l'Etat de mettre en place le fonds de financement de la protection de l'enfance, prévu par la loi du 5 mars 2007 et qui devait apporter 150 millions d'euros aux départements. 
 

Jean-Noël Escudié / PCA