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Social / Hébergement - La Cour des comptes liste les "points d'attention" pour la mise en oeuvre de la réforme de l'asile

La Cour des comptes rend public un référé, adressé au gouvernement le 30 juillet dernier - donc avant le paroxysme de la crise migratoire avec la mort du petit Alyan au début du mois de septembre - et portant sur "L'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile". Ce référé ne tient pas non plus compte des effets de la loi 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, même si le contenu du texte était déjà connu lors de la rédaction du document. La Cour indique d'ailleurs avoir noté "les avancées" figurant dans ce texte.

Une progression de la dépense plus rapide que celle des demandeurs

Sous ces réserves, le rapport constate notamment que "la progression de la dépense liée à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile entre 2009 et 2014 (+52%) est supérieure à celle du nombre de demandeurs (+36%), sans que cette évolution se traduise par des résultats améliorés".
Parmi les raisons invoquées pour expliquer les difficultés du dispositif, le référé cite en particulier la procédure d'instruction "excessivement longue (deux ans en moyenne) par rapport à ses voisins, qui entraîne des surcoûts en matière d'allocations et d'hébergement, puisqu'elle a tendance à saturer le dispositif, y compris au détriment des structures d'hébergement ayant vocation à accueillir d'autres publics". Sur ce point, la loi du 29 juillet 2015 cherche à apporter une solution en visant une durée de neuf mois.
Une autre spécificité du dispositif français concerne le taux élevé de rejet des demandes (74%) - qui situe la France dans le haut de la fourchette européenne -, assorti d'une faible mise en œuvre des mesures d'expulsion, "ces dernières étant d'autant plus difficiles à exécuter que l'instruction a duré longtemps et que le suivi des demandeurs est défaillant".

Avant tout, réduire les délais d'instruction

Face à un constat déjà bien connu, le plus intéressant du référé réside dans les préconisations de la Cour des comptes. Elles se focalisent sur quatre "points d'attention", dans le prolongement de la loi du 29 juillet. Le premier concerne "l'enjeu prioritaire de la réduction des délais de la procédure", sachant qu'une réduction d'un mois permet une économie de 10 à 15 millions d'euros. L'objectif de passer de deux ans à neufs mois n'est toutefois pas gagné d'avance.
Sans le dire ouvertement - car ce n'est pas vraiment dans les traditions de la maison -, la Cour semble regretter le manque d'effectifs de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui "n'a pas obtenu tous les emplois demandés en 2015, au titre de la réforme de l'asile, sachant que le délai moyen constaté en 2014 s'est élevé à huit mois". L'Ofpra a été mieux servi avec 55 créations de postes au 1er janvier 2015, mais la Cour semble faire siennes les observations de l'organisme sur "les limites des gains de productivité à attendre, au vu de l'évolution du droit d'asile et de ses nouvelles contraintes (généralisation d'un entretien, interprétariat, présence de tiers)". Ceci sans même prendre en compte la forte accélération du flux des réfugiés.

Un pilotage à "consolider" et des coordinations à renforcer

Le second point concerne le "pilotage interministériel à consolider". Ceci passe en premier lieu par une meilleure articulation entre le programme budgétaire relatif à l'immigration et à l'asile (303) et celui relatif à la prévention de l'exclusion et l'insertion des personnes vulnérables (177). Il suppose aussi une meilleure coordination entre les services de l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration) et les Siao (services intégrés d'accueil et d'orientation).
Le référé estime également nécessaire d'affiner la connaissance et le suivi des demandeurs d'asile et - bien sûr - de "mieux maîtriser des dépenses en forte croissance" (690 millions d'euros en 2013) : +72% sur les dépenses du programme 303 entre 2009 et 2013 dans les lois de finances initiales (et +52% pour les lois de règlement 2009-2014), alors que les demandes d'asile ont augmenté de 36% sur la même période. Sur le programme 177, la dépense d'hébergement d'urgence a progressé de 89%, "en raison notamment de la prise en charge des personnes déboutées du droit d'asile".

Hébergement : un dispositif à revoir

Troisième point d'attention pour la Cour des comptes : "un dispositif d'hébergement spécialisé à rationaliser". La remarque vise plus particulièrement l'engorgement des places d'hébergement pour demandeurs d'asile, qui se répercute sur l'hébergement d'urgence de droit commun. Une enquête réalisée dans le Rhône en 2012 montre ainsi que les demandeurs d'asile occupaient 9% des places d'hébergement de droit commun du département, les réfugiés 35% et les déboutés du droit d'asile 25%, soit un total de près de 70% de la capacité.
Le référé estime donc indispensable d'améliorer la programmation des places d'hébergement en Cada (centres d'hébergement pour demandeurs d'asile). Il estime aussi que le mécanisme d'"hébergement directif" prévu par la loi du 29 juillet - et qui sera au cœur du futur schéma national de l'hébergement des demandeurs d'asile - risque de se heurter au manque de coordination entre l'Ofii et les Siao.

La question récurrente des OQTF

Enfin, le référé recommande d'"éviter la dilution de la politique de l'asile". Outre une augmentation du taux de réadmission des demandeurs d'asile relevant du règlement européen Dublin III (renvoi sur le pays d'entrée dans l'Union européenne), la Cour juge indispensable de "renforcer le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF)". L'objectif affiché est de sortir d'une situation où "in fine, plus de 96% des personnes déboutées resteraient en France".
Dans sa réponse au référé, le Premier ministre s'appuie essentiellement sur la mise en œuvre des orientations et des mesures de la loi du 29 juillet 2015. Il apporte néanmoins quelques précisions, comme le recrutement de 80 agents supplémentaires pour l'Ofpra en 2016 ou la création - en plus des places déjà programmées (5.000 en 2015, 3.500 en 2016 et 2.000 en 2017) - de plus de 5.000 places supplémentaires d'ici à la fin de 2016 "dans le cadre de l'accueil des demandeurs d'asile relocalisés en application des décisions du Conseil de l'Union européenne des 14 et 23 septembre 2015".
 

 

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