La Cour des comptes suggère trois scénarios pour réformer le Grand Paris

La Cour des comptes et la chambre régionale et territoriale des comptes d’Île-de-France ont publié mercredi 25 janvier 2023 un rapport consacré à "l’organisation territoriale de la métropole du Grand Paris". Un document dans lequel les magistrats financiers soulignent l’urgence d’une réforme de cet échelon institutionnel né en 2016.

"L’organisation institutionnelle adoptée pour la métropole du Grand Paris est préjudiciable à son mode de gouvernance", estiment les magistrats de la Cour des comptes et de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France. Un constat qui reprend les grandes lignes d’un rapport d’observations provisoires adressé dès juillet dernier aux autorités concernées qui avaient alors eu deux mois pour y répondre. Née en 2016 par la volonté du législateur, la métropole du Grand Paris regroupe 130 communes qui rassemblent près de 7 millions d’habitants. Un ensemble, souligne le rapport, qui est le résultat "d’un difficile compromis" ayant abouti à un système institutionnel "tout à fait singulier au regard des autres métropoles".

"Sept ans après, la métropole du Grand Paris n’exerce toujours pas pleinement les responsabilités que lui a confiées le législateur"

Les magistrats financiers rappellent en premier lieu que la métropole du Grand Paris (MGP) a été créée afin "d’améliorer le cadre de vie de ses habitants, de réduire les inégalités entre les territoires qui la composent, de développer un modèle urbain, social et économique durable, moyens d’une meilleure attractivité et compétitivité au bénéfice de l’ensemble du territoire national" (article 12 de la loi Maptam). Une feuille de route dont ils dénoncent aujourd’hui une "mise en œuvre insuffisante". Sur ses compétences obligatoires (aménagement des espaces métropolitains, politique locale de l’habitat, développement et aménagement économique, social et culturel ou encore protection de la mise en valeur de l’environnement et politique du cadre de vie) la montée en charge reste "largement inachevée et sept ans après, la métropole du Grand Paris n’exerce toujours pas pleinement les responsabilités que lui a confiées le législateur".
La Cour des comptes illustre son propos en citant le Scot adopté en janvier 2022 et jugé "insuffisamment prescriptif et territorialisé", alors même qu’il reprend des objectifs du schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en matière de production de logements (38.000 par an) qu’il ne "décline pas à l’échelle des communes ou des territoires". Le constat est identique s’agissant du plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH) présenté en conseil métropolitain en juin 2018 et qui n’a toujours pas été adopté. Les magistrats financiers soulignent à ce titre le rôle prépondérant des communes dans cette organisation institutionnelle qui empêche la MGP "de devenir l’acteur stratégique de l’habitat et de l’hébergement sur son territoire".

Un fonctionnement qui favorise l’émergence du plus petit dénominateur commun

La Cour des comptes et la CRC rappellent que les lois Maptam et Notr ont créé "une métropole des maires", les premiers magistrats communaux étant "les seuls arbitres de la définition des politiques territoriales ou métropolitaines". Or "il est très paradoxal d’avoir donné un rôle prédominant aux maires dans la gouvernance de la MGP, dont les compétences majeures concernent des domaines (aménagement, logement, développement économique) où, selon les textes, les établissements publics territoriaux (EPT) sont compétents et non plus les communes", écrivent les auteurs du rapport. L’exécutif métropolitain, estime le rapport, a fait le choix d’une gouvernance "partagée" fonctionnant sur le plus large consensus et qui favorise in fine "l’émergence du plus petit dénominateur commun". Une stratégie qui n’est "pas propice à l’émergence d’un véritable projet de territoire".
Le rapport de la Cour des comptes relève également une absence préjudiciable de relations institutionnelle entre la MGP et les EPT (établissements publics territoriaux) qui ont succédé aux communautés d’agglomérations. "La MGP constitue le faîte d’une organisation territoriale non pyramidale sur trois niveaux. Chaque commune est membre à la fois de la MGP et d’un EPT, qui n’ont pas de relations institutionnelles. En comptant la région et les départements, ce territoire est couvert par cinq niveaux d’administration locale", est-il constaté. Des magistrats qui soulignent la nécessité de clarifier les relations de la MGP avec la Ville de Paris "qui mène sa propre politique métropolitaine" à travers des coopérations frontalières et bilatérales.
Le rapport de la Cour des comptes et de la chambre régionale et territoriale stigmatise enfin "une organisation financière complexe" dans laquelle les communes conservent les ressources dont elles disposaient avant la création de la MGP tandis que les EPT disposent pour leur part de ressources identiques à celles des communautés d’agglomérations qui les ont précédé. Au final, le système laisse à la MGP des moyens propres "très faibles au regard de ses ressources financières", soit un budget propre de l’ordre de 50 à 100 millions d'euros depuis 2016 alors même qu’elle affiche un budget "en trompe l’œil" de 3,47 milliards d’euros dont l’essentiel est reversé aux communes membres sous forme d’attributions de compensation.

Trois scénarios de réorganisation

La Cour affirme ainsi "la nécessité d’une réforme progressive et ambitieuse" de l’organisation territoriale du Grand Paris pour laquelle elle présente trois pistes distinctes. Dans le premier scénario, les EPT sont supprimés, leurs compétences et leurs ressources étant absorbées par la MGP. "Ce scénario simplifie l’organisation institutionnelle et financière et renforce les moyens et les missions de la MGP, mais il présente le risque du maintien, voire de l’accentuation de la métropole des maires", estiment les magistrats. Selon un deuxième scénario, la MGP serait composée des EPT, qui deviennent membres de la MGP à la place des communes. Parallèlement, les EPT seraient dotés du statut d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, comme les communautés d’agglomération ou urbaines. "La gouvernance de la MGP en est rendue plus efficace car, outre la ville de Paris, elle dépend désormais des choix de 11 EPT d’importance équivalente au lieu des 130 communes, très dissemblables, détaillent les magistrats.  Enfin, un troisième scénario constitue une variante, de taille, du deuxième : il y ajoute l’absorption par la MGP des compétences et des ressources des départements de petite couronne. "Ce scénario présente d’incontestables avantages supplémentaires au regard des buts visés, indique le rapport : il supprime un échelon territorial, il renforce fortement les moyens de la MGP et il permet de mutualiser au sein de la métropole l’emploi de ressources aujourd’hui très inégalement réparties, tout particulièrement les droits de mutation à titre onéreux (DMTO)". Les services administratifs des départements pourraient être conservés en tant qu’échelons déconcentrés de la MGP.