La France des festivals : entre croissance et fragilité

La France est largement irriguée de festivals, même si certains territoires sont mieux pourvus que les autres, souligne une étude de la Deps. Les départements ruraux ont d'ailleurs une offre plus importante que les autres si on la rapporte à leur population. Autre constat : une saisonnalité qui a aujourd'hui tendance à s'écarter de la période estivale, jugée trop concurrentielle. Pour les collectivités, ces évènements sont souvent l'occasion d'animer le territoire moyennant un engagement financier limité.

"Le fait festivalier est désormais installé dans le paysage de l’action culturelle des collectivités territoriales, quelle que soit leur taille", mais son modèle d'organisation présente des fragilités. Tels sont les principaux constats d'une étude du département des études, de la prospective et des statistiques (Deps) du ministère de la Culture publiée le 16 février. Intitulée "Les festivals entre l’éphémère et le permanent, une dynamique culturelle territoriale ?", cette étude s'appuie largement sur la cartographie pour dresser le portrait de la France des festivals dans ses diverses dimensions.

D'un point de vue géographique, l'approche est triple : régionale, départementale et infradépartementale. Ainsi, sur les 7.300 festivals que compte la France (pour les besoins de l'étude, ont été recensés les festivals ayant connu une édition en 2019, comptant au moins deux éditions, se déroulant sur un temps limité mais sur plus d’une journée et proposant au moins cinq spectacles), plus du tiers est concentré dans trois régions, lesquelles cumulent chacune plus de 900 festivals sur leur territoire : Auvergne-Rhône-Alpes (13% du total national), Provence-Alpes-Côte d’Azur (13%) et Occitanie (12%).

Héliotropisme…

Toutefois, rapportée à la population régionale, c'est la Corse qui apparaît comme la région la plus riche en la matière, avec 20 festivals pour 100.000 habitants, devant Provence-Alpes-Côte d’Azur (19), ce qui fait dire aux auteurs de l'étude qu'il existe une "influence héliotropique" des festivals. Viennent ensuite la Bretagne (18) et Bourgogne-Franche-Comté (16). L'Île-de-France affiche pour sa part le ratio festivals/population le plus bas des régions métropolitaines.

Sous le prisme départemental, si les départements les mieux pourvus en offre festivalière sont urbains, à commencer par les Bouches-du-Rhône (305 festivals) et Paris (298), les départements ruraux ont une offre relative à leur population plus importante. Les Hautes-Alpes sortent du lot (47 festivals pour 100.000 habitants), tandis que le Gers, la Creuse, la Lozère, l’Aude, la Nièvre, le Lot, les Côtes-d’Armor, l’Indre, la Corse du Sud, les Alpes-de-Haute-Provence et l’Ariège comptent tous de 20 à 30 festivals pour 100.000 habitants, contre 15 seulement dans les Bouches-du-Rhône.

À une échelle infradépartementale, l'étude souligne "une répartition assez homogène" des festivals selon trois niveaux territoriaux : 35% des festivals ont lieu dans les grands centres urbains et incarnent "la dynamique de métropolisation des festivals à l’œuvre au cours des trois dernières décennies", près d’un tiers se déroule dans l’urbain intermédiaire et un dernier tiers concerne les territoires ruraux.

… et exode estival

Parmi les autres caractéristiques mises en avant dans l'étude, on trouve en premier lieu la saisonnalité : 38% des festivals sont programmés l'été (ici, du 21 juin au 5 septembre), 35% en avant-saison et seulement 27% entre le 6 septembre et fin décembre. Cette tendance s'accentue dans les régions du sud – Corse, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie –, où plus de quatre festivals sur dix ont lieu l'été. Deux raisons sont avancées : la douceur du climat, qui permet l'organisation de spectacles en extérieur, et la présence de nombreux touristes dans ces régions durant cette période. Autre symbole de cet exode estival : seuls 20% des festivals en Île-de-France et 25% dans les Hauts-de-France sont programmés l'été.

Mais l'accroissement du nombre de festivals – 49% ont été créés au cours de la dernière décennie – a conduit à une extension des périodes de programmation. L’espace événementiel étant "en partie saturé l’été" et par trop concurrentiel, les nouveaux promoteurs investissent les "nouveaux temps de la festivalisation". Il s'ensuit un phénomène intéressant : "Le renforcement des liens entre festivals et acteurs sociaux et culturels établis sur les territoires tout au long de l’année (conservatoires, médiathèques, organismes sociaux et éducatifs), alors que l’été est peu propice à de tels liens." D'une manière générale, l'étude note que "l’offre festivalière repose souvent sur un réseau d’acteurs et d’établissements culturels qui œuvrent toute l’année".

"Marketing territorial" à "faible coût"

Parmi ces acteurs, on relève que dans les départements en déprise démographique, et plus généralement dans les territoires ruraux, la dynamique "repose aussi sur la participation citoyenne", ce qui n'est pas sans poser problème puisqu'à mesure que les aînés avancent en âge, la question du renouvellement des équipes organisatrices se pose.

Malgré "l'essoufflement des financements publics de la culture", l'étude se félicite in fine de la "large diversité de l’implantation festivalière" qui "participe ainsi pleinement de l’irrigation culturelle du territoire". Elle souligne que les collectivités territoriales ont fait de ces évènements "un instrument de marketing territorial", y compris en optant pour une certaine spécialisation, comme l'illustre l'exemple du Centre-Val de Loire où 57% des festivals ont la musique pour thématique. Cette spécialisation apparaît alors comme "le signe d’un réseau d’acteurs et d’institutions structuré" sur le territoire.

Les collectivités s'enthousiasment d'autant plus volontiers pour cette "forme d’aménagement culturel […] à fort rendement symbolique " que celle-ci s'opère "à faible coût pour les finances publiques". Les festivals reposent en effet, pour une grande part, sur l’engagement bénévole, et épargnent aux collectivités la charge financière de fonctionnement d’un équipement culturel. Il n'empêche, "cette souplesse perçue comme un atout peut s’avérer une faiblesse". En effet, la subvention de la collectivité peut être remise en cause régulièrement. "La dynamique festivalière est donc tout à la fois éphémère et durable", conclut l'étude. Autrement dit, fragile.