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Conseil national de la montagne - La montagne plaide la différence

Pas d'actualisation de la loi Montagne, comme le réclament les élus, mais une révision des schémas de massifs : c'est ce qu'a promis le Premier ministre, le 29 avril, devant le Conseil national de la montagne auquel participaient quatre ministres. Ces derniers ont égrené, chacun dans leur domaine, les efforts faits en faveur de la montagne : numérique, accès aux services publics, notamment aux soins, future politique agricole commune...

Renouvelé dans la discrétion courant avril, le Conseil national de la montagne (CNM) s'est réuni à Foix le 29 avril, sous la présidence du Premier ministre accompagné de quatre de ses ministres. A cette occasion, le député des Hautes-Alpes Joël Giraud (PRG) a été élu à la tête de la commission permanente du conseil, succédant au député de Haute-Savoie Martial Saddier (UMP).
Alors que ce conseil consultatif connaît un fonctionnement pour le moins sporadique depuis de nombreuses années (voir encadré ci-dessous), ses membres attendent avant tout une actualisation de la loi Montagne de 1985. Cette loi se fixait un objectif : assurer un développement respectueux de la nature, à travers un traitement particulier (création des zones de massifs, des unités touristiques nouvelles...). "Le bilan est globalement celui de la déception face à une loi ambitieuse mais dont la mise en oeuvre n'a pas tenu toutes ses promesses", a ainsi déploré l'hôte de cette rencontre, Frédérique Massat, députée de l'Ariège et présidente de l'Anem (Association nationale des élus de montagne).
En 2011, les membres du CNM avaient été échaudés par le rapport de cinq inspecteurs généraux sur les 25 ans de la loi, rapport qui penchait pour l'abandon d'un traitement spécifique de ces territoires qui regroupent 8,5 millions d'habitants sur 29% du territoire national. Aux politiques de massifs qui prévalent depuis 1985, le rapport recommandait de substituer des politiques régionales. Mais, contre l'avis des inspections, l'ancien ministre de l'Agriculture Bruno Lemaire avait plaidé quelques mois plus tard pour le maintien d'une politique nationale de la montagne associée à la politique de massifs… Depuis, plus rien. Frédérique Massat a ainsi proposé au Premier ministre, lundi, "une coproduction gouvernement-élus pour élaborer un projet d'actualisation de la loi Montagne dans les meilleurs délais". Elle a également réclamé une "politique nationale de la montagne avec plus de transversalité par la désignation d'un ministre en charge de la politique de la montagne et l'élaboration d'un projet de loi".

Révision des schémas de massifs

Mais le chef du gouvernement s'est montré prudent. "Les territoires de montagne doivent eux aussi relever le défi de la croissance mais d'une croissance durable", a-t-il déclaré, louant une "loi fondamentale". D'actualisation, il n'a pas été vraiment question. Jean-Marc Ayrault a seulement appelé à une révision des "schémas de massifs" afin de leur donner plus de lisibilité et une "réelle capacité d'organisation stratégique", ce qui est leur essence même. Par ailleurs, il s'est engagé à renouveler les conventions interrégionales de massifs prévues par la loi de 1985. Ces conventions seront articulées avec les contrats de plan Etat-région pour la période 2014-2020 amenés à devenir "de véritables pactes régionaux pour la croissance, la compétitivité et l'emploi". "J'appelle donc à un démarrage rapide des discussions autour de ces nouveaux contrats pour qu'ils puissent se conjuguer avec les programmes opérationnels européens", a souligné le Premier ministre. Un enjeu loin d'être négligeable : sur la période 2007-2013, ces conventions auront mobilisé pas moins de 400 millions d'euros de l'Etat et des collectivités territoriales.
Du côté du ministère de l'Egalité des territoires, on indique que la montagne ne fera pas l'objet d'un traitement spécifique mais qu'elle sera directement concernée par la politique d'égalité des territoires en train de se dessiner : déploiement du numérique, accès aux services publics, lutte contre l'artificialisation des sols... Cécile Duflot a rappelé aux membres du conseil que le plan Très Haut Débit, lancé en février 2013, renforcerait la péréquation au profit des territoires ruraux. Une étude de la Datar, qui assure le secrétariat général du CNM, souligne d'ailleurs le rôle essentiel du numérique dans le développement des zones de montagne. "Si quelques organisations, collectivités ou entreprises situées en zones de massif ont pris la mesure des enjeux, les services numériques actuellement disponibles restent encore peu adaptés aux besoins spécifiques de la montagne", peut-on y lire. La Datar préconise la mise en place d'expérimentations entre partenaires publics et privés sur le développement de services numériques innovants reposant à la fois sur la fibre optique (FFTH) et sur la radio (4G) qui "présente en soi un avantage considérable pour les territoires de montagne, notamment pour des secteurs comme le tourisme, l'agriculture et la santé".

Accès aux services publics

La ministre de l'Egalité des territoires a fait savoir qu'elle dispose par ailleurs d'une enveloppe de 20 millions d'euros pour financer des "initiatives de regroupement médical, ainsi que les démarches de mutualisation de services au public", à l'image de la maison de santé pluridisciplinaire de Vicdessos, inaugurée en novembre et que les membres du gouvernement ont visitée. Ce thème figure en bonne place dans le titre consacré à l'égalité des territoires dans le second projet de loi sur la décentralisation qui prévoit la création de schémas départementaux d'accessibilité aux services publics.
De son côté, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a assuré que les orientations prises par la nouvelle PAC allaient maintenir la diversité de l'agriculture de montagne. La négociation a permis de mettre en place des "aides couplées" (aides complémentaires liées à certains types de productions comme l'élevage) jusqu'à 12% du budget national de la PAC. L'objectif de la France est de parvenir à un taux de 15% au terme des dernières discussions, comme l'a proposé le Parlement européen. "Cette disposition bénéficiera notamment à l'élevage de montagne", garantit le ministère de l'Agriculture, dans un communiqué. Stéphane Le Foll a également indiqué que l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) allait être renforcée, alors qu'initialement elle aurait dû être amputée de 30%. "Elle sera mise en oeuvre de façon identique sur l'ensemble du territoire national grâce à un cadrage national qui s'appliquera à chacun des programmes régionaux dont l'autorité de gestion sera confiée aux régions." En zone de montagne, le soutien à l'herbe fusionnera avec l'ICHN. Le ministère indique par ailleurs qu'il vient d'installer en son sein un groupe Montagne qui se réunira régulièrement.
Mais une autre inquiétude taraude les élus de montagne : leur représentativité à l'issue des futures lois de décentralisation. Frédérique Massat a fait remarquer que sur les 54 sièges du futur Haut Conseil des territoires, aucun n'est attribué à la montagne.

Michel Tendil
 

Le CNM : à peine sept réunions en 13 ans

Créé par la loi Montagne de 1985, le CNM est composé de 59 membres représentant les différents massifs : élus, représentants des comités de massifs, des chambres consulaires… Le CNM a un rôle consultatif. Il définit les actions qu'il juge souhaitables pour le développement, l'aménagement et la protection de la montagne. Il doit se réunir une fois par an en plénière. Mais son fonctionnement a été très sporadique ces dernières années avec 7 réunions depuis 1999. En 2012, le CNM avait listé seize mesures à mettre en oeuvre d'ici à 2013. Douze l'ont été. Quatre études ont notamment été lancées, voire achevées, comme l'étude sur le très haut débit présentée lors du CNM du 29 avril. Une étude sur les soins de premiers secours en montagne est attendue pour l'été, de même qu'une étude sur la mobilisation du bois en montagne confiée au cabinet Ernst and Young. Une étude sur la typologie des stations de montagne est dans la dernière phase de réalisation, indique la Datar, qui assure le secrétariat général du CNM. Par ailleurs un pôle d'observation des territoires de montagne est en train d'être finalisé au sein de l'Observatoire des territoires.
M.T.

 

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