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La pression monte sur une accélération de la construction durable et de la rénovation énergétique

Les appels dans le monde de la construction comme dans celui des associations se multiplient sur les questions de construction durable et de rénovation énergétique. Parmi eux, la déclaration commune de tous les acteurs de la filière construction-rénovation appelant à "faire de la politique du logement, de la rénovation et de la construction neuve une priorité d’action stratégique pour les années à venir" et demandant la création d'un "ministère de la Construction durable et de l'Aménagement du territoire". Mais aussi une démarche du collectif "Initiative Rénovons" ou encore une lettre ouverte intitulée "Rénovation, ne laissons pas les plus modestes payer le prix de la crise énergétique !".

Plusieurs facteurs se conjuguent pour placer au premier plan les questions de construction durable et de rénovation énergétique. La campagne de la présidentielle, avant celle des législatives, est bien sûr favorable à la mobilisation des groupes de pressions, qui publient et pétitionnent pour faire avancer leurs positions et leurs attentes. Mais d'autres raisons sont moins conjoncturelles. C'est le cas de la reprise économique à l'œuvre depuis l'an dernier, qui favorise une progression de la demande d'énergie et donc de son coût. Cette tendance est considérablement aggravée par la guerre en Ukraine, puisqu'on passe désormais de la hausse des coûts et ses conséquences sociales sur les ménages les plus modestes à une menace de pénurie ou, à tout le moins, à un bouleversement des circuits d'approvisionnement en énergie. Une telle situation n'a pas manqué de multiplier les initiatives dans le monde de la construction comme dans celui des associations.

Pour un ministère de la Construction durable et de l'Aménagement du territoire

La première initiative est à la fois la plus large dans son objet et la plus transversale dans ses initiateurs. Elle prend la forme d'une "Déclaration commune des acteurs de la filière construction-immobilier à l'attention des candidats à l'élection présidentielle". La déclaration rassemble pas moins de 38 signataires, dans une diversité très œcuménique. L'USH (Union sociale pour l'habitat) y voisine ainsi avec l'Unpi (Union nationale des propriétaires immobiliers), qui ont habituellement assez peu de points de convergence. On y trouve aussi le CNOA (Conseil national de l'Ordre des architectes, le CNGE (géomètres experts), la FPI (promoteurs immobiliers), le SNPI (professionnels de l'immobilier), mais aussi toute la filière du bâtiment, depuis les puissantes FFB (Fédération française du bâtiment) et FNTP (Fédération nationale des travaux publics) jusqu'à une myriade d'organisations spécialisées, comme la Fédération française des tuiles et briques.

Tous ces signataires "souhaitent appeler l'attention des candidats à l'élection présidentielle sur la nécessité de faire de la politique du logement, de la rénovation et de la construction neuve une priorité d'action stratégique pour les années à venir". Cette pétition de principe, suffisamment générale pour expliquer la diversité des signataires, recouvre plusieurs demandes, comme le renforcement de la construction et de la rénovation, en particulier énergétique et environnementale, afin d'en faire "des outils centraux de lutte contre le réchauffement climatique", ou comme la possibilité pour "nos concitoyens, en particulier les plus démunis d'entre eux, de se loger dans les meilleures conditions, de confort, de sécurité et de santé". Parmi les autres priorités : "veiller à la cohérence et la lisibilité des règlementations, promouvoir l'emploi durable et lutter contre la fraude". Pour matérialiser cet engagement en faveur de la construction et de la rénovation énergétique, les signataires demandent aux candidats à la présidentielle de s'engager à créer un "ministère de la Construction durable et de l'Aménagement du territoire", qui regrouperait les compétences actuelles des ministères du Logement, de la Ville et de la Cohésion des territoires.

Rénover sept millions de passoires thermiques en dix ans

La seconde démarche est celle d'"Initiative Rénovons", un collectif lancé en 2016 et qui regroupe à la fois des associations de lutte contre la précarité (Fondation Abbé-Pierre, Secours catholique, Soliha-Solidaires pour l'habitat), des acteurs de la transition écologique (Cler, Réseau Action climat) et des acteurs économiques (Schneider Electric, Effy). Dans un communiqué du 10 mars, l'Initiative appelle à "un bouclier énergie pour rénover l'économie française !". Les signataires considèrent en effet qu'"alors que la population française subit une flambée des prix de l'énergie dont les effets sur les factures vont se faire ressentir pendant plusieurs années, la campagne présidentielle passe sous silence la question fondamentale de la rénovation énergétique de notre parc de logements". Ils rappellent que "déjà en 2021, le nombre de coupures pour impayés s'établit au niveau record de 785.000 ce qui laisse présager du pire pour 2022". Le chiffre de 785.000 coupures est toutefois très différent de celui annoncé par le Médiateur de l'énergie, qui évoque 254.000 foyers concernés l'an dernier (voir notre article du 31 mars 2022).

L'Initiative Rénovons plaide donc pour la rénovation des sept millions de passoires énergétiques en France dans les dix prochaines années, alors que la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 prévoit "seulement" l'interdiction de la mise en location (ce qui ne signifie pas leur disparition immédiate) des logements classés G, F et E respectivement les 1er janvier 2024, 2028 et 2034. Selon l'Initiative Rénovons, une rénovation des passoires en dix ans permettrait de "faire économiser plus de 10 milliards d'euros par an aux Français sur leurs factures de chauffage, soit près de 1.100 euros par foyer/an". Cela permettrait aussi de réduire de plus de 2 milliards d'euros le déficit commercial énergétique annuel de la France, "soit autant d'argent supplémentaire à consacrer à la rénovation performante des logements".

A noter : le même jour qu'Initiative Rénovons, le collectif Amorce – le réseau de collectivités et d'entreprises chargées de la gestion des déchets, de l'eau et de l'énergie – a également publié un manifeste présentant ses cinq priorités "pour un quinquennat de transition écologique au plus près des territoires et des Français" (voir notre article du 14 mars 2022). Il demande, pour sa part, de diviser par deux le nombre de passoires thermiques d'ici la fin du prochain quinquennat.

Prises de positions à foison

Ces trois démarches sont loin d'épuiser les prises de positions récentes sur la question. Ainsi, un collectif d'acteurs de la rénovation énergétique – FFB, Initiative Rénovons, Cler, collectif Isolons la terre contre le CO2 (Cilt), Symbiote (Syndicat multi branches des industries et des opérateurs de la transition énergétique)... – vient d'adresser au Premier ministre, le 30 mars, une lettre ouverte intitulée "Rénovation, ne laissons pas les plus modestes payer le prix de la crise énergétique !". Affirmant que "les travaux d'isolation des combles et des planchers en rénovation chutent de 75% depuis trois mois" et qu'"une baisse similaire est anticipée pour les travaux d'isolation des murs d'ici quelques semaines", les signataires y dénoncent un "coup d'arrêt" à la rénovation énergétique. L'accusation vise les nouvelles dispositions relatives aux primes "coup de pouce" des CEE (certificats d'économie d'énergie) à compter du 1er avril, dans le cadre de la cinquième période de ce dispositif. Après l'impact de la forte réduction de la prime "coupe de pouce" isolation et chauffage des CEE en juillet 2021, les signataires redoutent un effet similaire avec la division par deux de la valorisation CEE des coups de pouce travaux d'isolation des murs. Ils demandent donc au gouvernement d'accroître de 500 TWhc (Terawattheures cumulées) le volume d'obligation de la cinquième période des CEE, en le portant ainsi à 3.000 TWhc (+20%). Cet effort supplémentaire devrait bénéficier en priorité aux ménages les plus modestes.

Enfin, la prise de position la plus récente est celle de l'Unhaj (Union nationale pour l'habitat des jeunes). Dans un communiqué du 31 mars, intitulé "Hausse des coûts de l'énergie : l'accueil et le logement de milliers de jeunes remis en question", l'association "se réjouit de l'élargissement du bouclier tarifaire du gaz aux logements foyers, en faveur duquel elle avait bataillé et qui vient d'être annoncé". Mais elle fait aussi part d'une "inquiétude grandissante". En effet, "en cas de doublement des prix de l'énergie, six structures sur dix seraient déficitaires. Si par extension elles devaient fermer, des milliers de jeunes devraient sans délai trouver une solution de relogement dans leurs territoires respectifs et à prix accessible". L'Unhaj appelle donc à une réflexion à plus long terme sur le modèle des résidences sociales FJT.

 

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