Services publics - La réorganisation du réseau de La Poste doit s'accélérer, estime la Cour des comptes
La Poste n'a "pas encore pris la pleine mesure des évolutions qui obligent à repenser ses modes de relation avec le client", juge la Cour des comptes dans un référé remis au gouvernement en février et qui vient d'être publié. Car pour les magistrats la baisse de l'activité du réseau rend ses charges "de moins en moins soutenables".
Certes, les charges opérationnelles du réseau ont été réduites de près de 9% entre 2009 et 2014, mais de façon bien moindre que l'activité des guichets qui a chuté de 25% sur la même période : -16% pour les colis, -21% pour le courrier, -31% pour les opérations bancaires en guichet, -40% pour les "activités diverses", développe la Cour. Si bien que "la productivité des agents au guichet s'est dégradée" et que la tendance "ne peut que s'amplifier, du fait notamment du développement d'internet.
La baisse d'activité touche aussi les grandes agglomérations
Prise en tenaille entre sa mission d'aménagement du territoire (qui engendre un surcoût de 250 millions par an, compensé sous forme d'abattements fiscaux mais qu'à hauteur de 170 millions d'euros) et ses objectifs de rentabilité, le groupe doit donc accélérer sa réorganisation, estime la Cour, qui n'en est pas à son coup d'essai. Dans son rapport 2016, publié en début d'année, elle invitait à "un débat inéluctable" sur l'avenir du service public postal.
Aucune zone n'est épargnée par la baisse d'activité des guichets, malgré les efforts d'adaptation. Ainsi, en milieu urbain, sur 6.815 points de contact, 965 avaient une faible activité (moins de trois heures par jour) et 173 une très faible activité (moins d'une heure par jour). En zone rurale, on dénombrait 992 bureaux de très faible activité en 2014, soit presque 300 de plus qu'en 2012, développe la Cour. La restructuration du réseau est "à peine entamée en zone urbaine et n'est pas achevée dans les territoires ruraux".
Selon les magistrats, la notion d'accessibilité ne peut plus être considérée au seul regard de la densité des points de contact. Dans les zones rurales et les zones urbaines sensibles, "la présence physique des guichets postaux reste nécessaire". Mais dans les zones urbaines, notamment les grandes agglomérations où la densité est importante, la Cour propose de revoir les critères d'accessibilité avec des horaires d'ouverture au moment du déjeuner, le soir et le samedi.
Externaliser les bureaux de faible exercice
Le référé préconise par ailleurs d'accélérer les externalisations de bureaux de faible exercice, notamment par les formes alternatives que sont les agences postales communales (ou intercommunales) ou les relais-poste chez les commerçants. Un vœu en partie exaucé puisque sur les neuf premiers mois de l'année 2015, 185 bureaux ont ainsi été transformés en zone rurale. Il s'agirait d'étendre ces pratiques aux agglomérations, ce qui permettrait de "dégager des économies substantielles", compte tenu des coûts élevés de l'immobilier".
Là où ces transformations ne peuvent être réalisées, la Cour recommande de recourir à d'autres solutions "permettant la réduction des coûts". Elle encourage ainsi le recours aux maisons de services au public et aux facteurs-guichetiers (qui exercent alternativement la double fonction de facteur et de guichetier). Mais elle déplore la lenteur de déploiement de ces derniers : selon elle, 155 bureaux avaient été remplacés par des postes de facteurs-guichetiers fin septembre 2015 sur les 1.000 prévus d'ici 2018.
Dans sa réponse du 27 avril, le gouvernement temporise le discours de la Cour des comptes. Le déploiement des facteurs-guichetiers a concerné "305 bureaux à la fin 2015", indiquent les ministres des Finances et de l'Economie Michel Sapin et Emmanuel Macron. Ils précisent par ailleurs que La Poste a d'ores et déjà créé 56 relais-poste urbains en 2015 et que 250 doivent être créés cette année. Ils se félicitent aussi du déploiement des maisons de services au public en milieu rural. 40 bureaux ont ainsi été transformés en 2015 et 76 étaient en cours de déploiement fin janvier 2016. Les deux ministres ajoutent que le contrat de présence territoriale 2017-2019 en cours de préparation sera l'occasion "de préciser et de faire évoluer (…) les règles de concertation entre La Poste et les maires" sur la présence postale, ainsi que les règles concernant les horaires d'ouverture. Un contrat qui désormais concernera aussi les grandes agglomérations (en plus des quartiers sensibles et des zones rurales).