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La stratégie francilienne pour convaincre les communes de passer à l'open data 

En juin 2016 la région Île-de-France dévoilait sa stratégie de "smart région". Parmi ses priorités, l'accompagnement des communes dans la révolution de la donnée, sujet développé lors d'une table ronde lors de l'édition 2019 du salon des maires franciliens.

Avec 10% de ses 1.200 communes passées à l'open data, la région Île-de-France ne se caractérise pas par une avance particulière en matière d'ouverture des données publiques. Convaincue qu'il y a là un enjeu majeur en matière de transparence, d'innovation et de transformation de l'action publique, la région a commencé par faire un bilan de l'ouverture de ses propres données avant de concevoir sa stratégie d'accompagnement des communes. Selon un bilan établi par les services de la région en 2017 "seulement 5 % des données étaient à jour et aucune n’émanait directement des systèmes d’information de la région". Aussi, la priorité du conseil régional a-t-elle été de recruter un administrateur de la donnée et de se doter d'un schéma directeur des systèmes d’information afin d'améliorer la qualité et la pertinence des données mises à disposition.

Données publiques et privées, ouvertes ou non

La stratégie data a ensuite été réorientée vers la création d'un "concentrateur de données régionales", publiques et privées, ouvertes ou réservées à certaines catégories d'utilisateurs. Au-delà de la centralisation des données produites par les structures régionales – Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU), IDF mobilité, établissement public foncier d’Île-de-France (EPFI), Île-de-France mobilité… - la région souhaite ouvrir sa plateforme à l'ensemble des producteurs de données d'intérêt général, entreprises, start-up, associations et, bien entendu, aux communes. "En tant que région, nous avons plus de facilité à aller voir les grands acteurs industriels ou du numérique pour négocier un accès à des données qui intéressent l'ensemble des acteurs de la région, a souligné Gwennaelle Costa Le Vaillant, directrice de programme Smart Région lors d'une table ronde organisé au salon des maires de l'Amif qui s'est tenu les 16, 17 et 18 avril 2019 à Paris. 

Une maquette 3D pour analyser et simuler

De ce concentrateur, la région attend de nouveaux services et un cercle vertueux incitant l'ensemble de l'écosystème à partager ses données. Parmi les outils mis à disposition des acteurs, figure une maquette 3D du territoire francilien. Baptisé "Smart Plateforme 2030", ce double numérique permettra par exemple de simuler des îlots de chaleur, de déterminer les besoins en matière d'installation de murs anti-bruit ou encore de modéliser l'impact de grands aménagements. La réalisation de la plateforme a été confiée en novembre 2018 à un consortium associant Engie, ses filiales spécialisées Ineo et Siradel et plusieurs start-up, pour un projet qui atteint 6 millions d'euros. Une première version de la smart plateforme devrait être présentée en mai prochain, lors du salon Viva technologies en juin.

Prouver les bénéfices du pilotage par la donnée

Si l'accès à des données riches, pertinentes et à jour est de nature à inciter les maires d'Ile-de-France à se doter d'une stratégie (open) data, beaucoup de pédagogie reste à faire. Notamment parce qu'il y a aujourd'hui un "data blues" de collectivités qui ne discernent pas les bénéfices de l'ouverture des données. "Il faut leur raconter de belles histoires qui montrent concrètement les avantages d'un pilotage par la donnée" a défendu Nicolas Potier du cabinet Tactis. Et de citer l'exemple de la ville de Courbevoie qui a travaillé avec la start-up Manty pour créer des tableaux de bords connectés aux applications métier de la collectivité et piloter plus efficacement ses politiques publiques. Un meilleur suivi des commandes de repas pour la cantine aurait ainsi permis à la collectivité d'économiser 250.000 euros sur un an.

Un processus itératif

Convaincre des bénéfices est une première étape, mais insuffisante pour que les communes passent massivement à l'action. Il s'agit aussi d'y affecter des compétences et d'admettre l'aspect parfois déceptif de l'ouverture des données. "Une des difficultés est d'évaluer le besoin des réutilisateurs, le service producteur de la donnée n'étant pas toujours le mieux placé pour définir la nature des données à ouvrir" explique Antoine Courmont, chercheur à Sciences-Po spécialisé sur les données urbaines. Un exemple ? Celui du Grand Lyon lorsqu'il a publié l'emplacement des toilettes publiques. "Le jeu est très basique et simple à ouvrir, il faisait partie de ceux demandés par les réutilisateurs. Le seul problème est que le service qui avait fourni le jeu de donnée s'était basé sur son besoin métier : organiser le planning du nettoyage, excluant de ce fait toutes les sanisettes JC Decaux qui sont auto-nettoyées…" Un bug rapidement rectifié mais qui montre qu'une démarche open data est hautement itérative et s'inscrit dans le temps long.