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Congrès des maires - L'"alliance des territoires" comme antidote au sentiment d'abandon

Les contrats de réciprocité ville-campagne de Brest et Toulouse méritent d'être "dupliqués" car ce sont de "très bons exemples" d'alliance entre les territoires, a déclaré Jacques Mézard, le 22 novembre, dans le cadre du 100e Congrès des maires. Reste à fixer les modalités de cette coopération dans laquelle l'Etat jouerait un rôle de "facilitateur", à travers sa future Agence nationale de cohésion des territoires.

"Beaucoup de maires se sentent épuisés (…) Sommes-nous condamnés à vivre dans une dormance aimable sans finances et sans projets ?" A l’image de Rachel Paillard, maire de Bouzy (Marne), rapporteur de la commission des communes et territoires ruraux de l’Association des maires de France (AMF), de nombreux élus ont fait part de leur découragement, mercredi 22 novembre, lors de la traditionnelle plénière du Congrès des maires consacrée à la ruralité. Un congrès qui, pour sa 100e édition, n’était pas vraiment à la fête. "Les petites communes sont cramées, elles sont foutues", a même renchéri le président de cette commission, Jean-Louis Puissegur, maire de Pointis-Inard (Haute-Garonne). Le gouvernement savait à quoi s’attendre. Entre l’intervention du Premier ministre la veille et celle du président de la République, attendu pour la clôture du congrès jeudi, cette séquence sur les territoires ruraux a vu défiler pas moins de trois ministres : Jacques Mézard (Cohésion des territoires), Elisabeth Borne (Transports) et Agnès Buzyn (Santé).
L’ancien sénateur du Cantal Jacques Mézard s’est fait l’avocat d’un monde qu’il connaît bien. "L’espace rural est un atout formidable (…) Je veillerai à ce qu’on ne touche pas au bloc communal. Parce que la proximité, elle est là", a-t-il assuré, avant de dérouler sa vision de l'"alliance des territoires". Thème en vogue qui figurait déjà à l’agenda du congrès de l’Assemblée des communautés de France, le mois dernier, à Nantes. C’est-à-dire la "complémentarité" entre les territoires ruraux et les grandes aires urbaines, dans une logique autre que celle d'un rapport Nord-Sud...

Un "pacte financier" avec les métropoles

"On a besoin d’alliance entre les territoires pour faire face aux évolutions sociétales, technologiques (…). Sinon la fracture va s’accélérer", a insisté le ministre. Comme marque de bonne foi, Jacques Mézard a dit "assumer" avoir voté contre la loi Notr, la fusion des régions et la création de 22 métropoles. Selon lui, deux des quatre contrats de réciprocités récemment mis en place à titre expérimental mériteraient d’être "dupliqués" car ce sont de "très bons exemples": le contrat qui lie la métropole de Brest au pays du Centre-Ouest Bretagne et celui de Toulouse avec le pays des Portes de Gascogne. En revanche, il n’est "pas sûr" que le rapprochement entre Aurillac et Lyon, tel qu’il a été conçu, "soit le top", a-t-il reconnu. Dès lors, il faudra "définir les modalités qui permettent une meilleure coopération", un "ruissellement". "Il est nécessaire d’avoir un vrai dialogue qui débouche sur des pactes pour rééquilibrer les choses." Le ministre a aussi souligné le "besoin de simplification" alors qu’on recense quelque 11.000 contrats entre l’Etat et les collectivités. "Les services de l’Etat doivent être là pour faciliter."
"Il faut un nouveau pacte pour connecter les territoires ruraux et urbains", a plaidé Pierre Jarlier, le maire de Saint-Flour (Cantal), auteur pour l’AMF d’un rapport sur le sujet. Il a souligné le besoin d’un "pacte financier" assorti d’une "vraie dotation de péréquation nationale issue des métropole les plus riches". Le co-rapporteur Wilfried Schwartz, maire de La Riche (Indre-et-Loire), est allé plus loin, rappelant que dans le cadre du pacte Etat-métropoles du 6 juillet 2016, "ces réciprocités sont prévues, mais dans quelle stratégie ?" Et de proposer de "conditionner une dotation aux métropoles" sur la base de cette réciprocité. 

85% des Brestois exonérés de taxe d'habitation

Le maire de Brest et président de Brest Métropole, François Cuillandre, a voulu "remettre les pendules à l’heure". "La ville de Brest perd des habitants au profit de petites communes périurbaines (…). Les métropoles concentrent un certain nombre de richesses, mais elles concentrent aussi de la pauvreté, de la misère…" "85% des Brestois seront demain exonérés de taxe d’habitation, faute de revenus", a-t-il martelé. La métropole va dépenser "5 millions d’euros pour l’aérogare", alors que "les autres EPCI autour de Brest ne mettent pas un centime dans cette affaire", a-t-il aussi témoigné. "Je n’ai jamais eu une conception de métropole qui assèche mais au contraire qui innerve." "On n’a pas attendu le contrat de réciprocité pour travailler ensemble", a encore argué l'élu, prenant pour exemple la fusion en 2009 de l’hôpital de Carhaix avec le centre hospitalier universitaire de Brest pour donner naissance au centre hospitalier régional universitaire de Brest–Carhaix. Sans quoi "l’hôpital de Carhaix aurait fermé".
"Le contrat de réciprocité est dans la continuité de ce qu’on faisait déjà", a abondé René Le Moullec, le maire de Guéméné-sur-Scorff (Morbihan), membre du pays du Centre Ouest-Bretagne. "On a d’abord regardé ce qu’on pouvait s’apporter mutuellement, en jouant la complémentarité", a-t-il indiqué évoquant un programme de recherche de solutions alternatives à la prévention des maladies cardiovasculaires, la culture, avec le festival des Vieilles Charrues de Carhaix, ou l’accompagnement de l’agence d’urbanisme de Brest pour la réalisation d’un Scot…
Pour Pierre Jarlier, le besoin d’ingénierie est un enjeu majeur. "Sans elle, on ne pourra pas monter des politiques de développement", a-t-il estimé, proposant d’en confier la mission à des "sous-préfets développeurs". Il a aussi demandé de faire de la future Agence nationale de cohésion des territoires "un guichet unique décliné de façon déconcentrée". "Le premier objectif de cette agence sera de ne pas créer une usine à gaz qui ne fabriquerait pas de gaz", lui a répondu Jacques Mézard. Le projet qui verra le jour en 2018 "n’est pas encore abouti a-t-il précisé". "Nous sommes au travail pour rassembler les moyens de l’Etat, pour voir sous quelle forme - en collaboration avec la Caisse des Dépôts, La Poste, etc. -, on pourra mettre à disposition des territoires qui en ont besoin une offre d’ingénierie." Un sujet sur lequel Emmanuel Marcon devait revenir le lendemain en clôture du Congrès. François Cuillandre a enfin mis en garde contre le "risque fort d'un décrochage territorial entre l'ouest et l'est" de la Bretagne... Un appel du pied à la région.