Archives

Culture - Langues régionales : une proposition de loi mise sur un plan B

Après le vote d'une question préalable par le Sénat, le 27 octobre, sur la proposition de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le dossier semble définitivement bloqué (voir nos articles ci-contre des 19 et 28 octobre 2015). L'Assemblée nationale pourra certes adopter le texte rejeté par le Sénat, mais on voit mal comment la réforme constitutionnelle pourrait être menée à bien par le Congrès avec un Sénat majoritairement hostile. En outre, l'hypothèse d'une seconde réforme constitutionnelle après celle, en cours de préparation, sur l'état d'urgence et la déchéance de la nationalité semble des plus improbables.

Enseignement immersif : la fin de l'équilibre ?

Devant ce blocage, le groupe Ecologiste du Sénat, très en pointe sur ce sujet, a manifestement choisi de lancer un plan B, sous la forme d'une proposition de loi (ordinaire) "relative à l'enseignement immersif des langues régionales et 
à leur promotion dans l'espace public et audiovisuel". Pour ses auteurs, il s'agit non seulement de relancer un chantier bloqué depuis plusieurs années et auquel les Ecologistes sont très attachés, mais aussi de contrer la proposition de loi "relative à la promotion des langues régionales" déposée par les groupes Les Républicains et UDI du Sénat aussitôt après le vote de la question préalable.
La proposition de loi s'appuie notamment sur l'article 104 de la loi Notr (nouvelle organisation territoriale de la République), qui "consacre la compétence partagée des collectivités locales dans la promotion des langues régionales, tout en donnant une prééminence à la région". Elle fait donc de cette dernière l'acteur majeur de mise en œuvre des dispositions du texte.
Sur le fond, la proposition de loi se concentre sur trois domaines : l'enseignement, la signalétique et les médias. Sur le premier d'entre eux, elle pose le principe de la reconnaissance de l'enseignement bilingue français-langue régionale, "quelle que soit la durée d'enseignement dans ces deux langues". De ce fait, elle autorise un enseignement dit "immersif", dans lequel la quasi-totalité des cours se ferait dans une langue régionale.

Des possibilités accrues de financement par les collectivités

L'enseignement des langues régionales étant souvent assuré par des établissements associatifs, la proposition de loi donne également aux collectivités territoriales "compétentes et volontaires, des possibilités de financement des dépenses d'investissement des établissements d'enseignement général privés, laïcs, ouverts à tous, gratuits et respectant les programmes nationaux, qui dispensent un enseignement bilingue français-langue régionale".
Le texte prévoit aussi une mesure du type "clause du pays le plus favorisé" en commerce international, afin d'éviter d'éventuelles ruptures d'égalité. Ainsi, si une collectivité décide de mettre à disposition des locaux ou d'allouer une subvention à un établissement d'enseignement privé dispensant un enseignement bilingue français-langue régionale, elle est tenue de mettre à disposition des locaux ou d'allouer une subvention à un autre établissement se trouvant dans une situation comparable.

Signalétique et médias

En matière de signalétique, les dispositions sont plus sommaires. Le texte prévoit en effet qu'"à la demande de la région, les services publics assurent sur tout ou partie de son territoire l'affichage de traductions de la langue française dans la ou les langues régionales en usage sur les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, sur les voies publiques de circulation, sur les voies navigables ainsi que dans les principaux supports de communication institutionnelle".
Enfin, sur les médias, l'article correspondant donne simplement mission au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de veiller "à l'attribution d'une place significative à l'expression des langues". En cas d'adoption de la proposition de loi, il resterait à préciser ce que l'on entend par une place significative...

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Assemblée nationale, proposition de loi n°3288 relative à l'enseignement immersif des langues régionales et 
à leur promotion dans l'espace public et audiovisuel (enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 1er décembre 2015).
 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis