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Politique de la ville - L'Anru se prépare au lancement cet été des opérations "Coeur de quartier"

A l'issue d'un conseil d'administration qui fera date, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine se voit dotée de nouvelles règles du jeu financières et contractuelles. Elle semble ainsi prête pour le lancement, en juillet prochain, de l'opération gouvernementale "Coeur de quartier" annoncée par le président de la République le 22 mai à l'Elysée afin d'accélérer les opérations de renouvellement urbain dans les quartiers Anru2.

"Je souhaite qu'on garde l'Anru", avait déclaré Emmanuel Macron le 22 mai à l'Elysée, dans son allocution sur la politique de la ville. L'Agence nationale de rénovation urbaine créée en 2004 par Jean-Louis Borloo demeure pour lui "un bon objet, un bon instrument ; c'est nous qui l'avons dégradé, donc il faut qu'on le remette dans sa vérité première, sa promesse originale", avait-il ajouté. Trois jours après, le conseil d’administration de l'Anru, présidé par le maire de Clichy-sous-Bois Olivier Klein, a adopté ce qu'il appelle de nouvelles "règles du jeu" pour le Nouveau Programme national de renouvellement urbain (NPNRU, dit "Anru 2", 216 quartiers d’intérêt national, 264 quartiers d’intérêt régional), dans la perspective d’ "accélérer les mises en chantier sur l’ensemble du territoire".
"Il s’agit désormais de permettre dans les plus brefs délais d’accélérer le déclenchement des opérations avec l’objectif fixé par le président de la République de sortir d’ici 6 mois les premiers projets", a commenté de son côté Jacques Mézard dans un communiqué. Le ministre de la Cohésion des territoires annonce à cette occasion que de nouvelles propositions "concrètes" seront mises en œuvre d’ici la mi-juillet, chacun ayant en tête l'engagement du président : "lancer au mois de juillet l'opération 'Cœur de quartier' sur des premières cibles, pour aller vite et se donner sur ces cibles-là un objectif de les faire sortir en 6 mois".

Cœur de quartier, le "pendant de Cœur de ville"

Cette nouvelle appellation des opérations Anru "serait le pendant de ce qui a été fait par le ministère, de l’initiative 'Cœur de ville'", a expliqué Emmanuel Macron le 22 mai. Une initiative "plébiscitée partout parce que les maires proposent un projet, on y répond vite, il est malléable, et il accompagne les élus de manière pragmatique" (pour plus d'informations sur les opérations "Cœur de ville" voir notre dossier Redynamisation des centres-villes). "On va bousculer les habitudes prises", a-t-il promis.
La question de savoir si l'opération "Cœur de quartier" concernera à terme l'ensemble des 216 quartiers d’intérêt national du NPNRU ne semble pas tranchée. Pour le moment, on parle d'une application sur des quartiers à Meaux, Boulogne-sur-Mer, Valenciennes et Clichy-sous-Bois, parce qu'ils ont été présentés en conseil d'administration. "Plusieurs dizaines d’autres projets seront finalisés dans les prochains mois", assure l'Anru. Mais quid des conventions déjà signées ? Et quid de toutes les autres à venir ?
Quoi qu'il en soit, la quinzaine de mesures adoptées par le conseil d'administration de l'Anru le 25 mai concerne tous les quartiers Anru, qu'ils aient vocation à devenir très vite "Cœur de quartier" ou pas. Elles sont le "fruit d’un travail initié depuis plusieurs mois, notamment au travers d’un groupe de travail rassemblant une vingtaine d’élus autour du président et du directeur général de l’Anru et de plusieurs autres groupes de travail", précise le communiqué de l'Anru.

De nouvelles règles du jeu financières

Prenant pour acquis le doublement de l’enveloppe financière initiale du programme (de 5 à 10 milliards d’euros)*, le conseil d'administration a ciblé quatre types d’opérations "sur lesquelles ces financements complémentaires sont les plus à même de débloquer des situations et de produire les plus grandes transformations". Toutes les étapes opérationnelles du projet Anru sont touchées : démolition de logements sociaux, reconstruction, réhabilitation. Une place est également faite au traitement des copropriétés dégradées.
L'Anru annonce ainsi une amélioration de la prise en charge financière des démolitions de logements sociaux faisant passer de 50.000 à 80.000 le nombre de logements démolis via trois mesures : une bonification de 70 à 80% du taux de subvention pour tous les bailleurs, et jusqu’à 100% pour ceux dont la soutenabilité financière du projet est critique ; un allongement de la durée de prise en compte des pertes d’exploitation de 18 à 24 mois de loyer ; une revalorisation du forfait relogement de 3.000 à 4.500 euros.

Augmentation de 20% des forfaits de subventions et de prêts à la reconstruction

Le second type d'opérations encouragées concerne la reconstruction de logements sociaux en zone tendue et son pendant : le relogement des locataires dont le logement a été démoli. En augmentant de 20% les forfaits de subventions et de prêts à la reconstruction, l'Anru pense pouvoir passer de 50.000 à 72.000 logements reconstruits. Son conseil d'administration a également adopté une augmentation des forfaits pour la minoration de loyers, "afin que le loyer ne soit plus un obstacle au relogement hors quartier".
En matière de réhabilitation, il pense pouvoir passer de 110.000 à 130.000 logements sociaux réhabilités.
Quant aux copropriétés très dégradées, le quatrième type d'opérations ciblées, le conseil d'administration de l'Anru a voté une augmentation de 50 à 80% du taux de subvention, aussi bien pour les opérations de transformation en logement social que pour les démolitions d'immeubles.

Conventionner à l’échelle de l’agglomération, ou quartier par quartier, voire en plusieurs étapes sur un même quartier

En matière d'accompagnement des élus dans la construction de leur projet, le mot d'ordre affiché est "pragmatisme", dans un contexte où "les habitants et les élus attendent légitiment des signaux et des première réalisations rapides". Pour aller plus vite donc, le conseil d'administration de l'Anru a adopté trois nouvelles orientations.
La première orientation, désormais gravée dans le marbre, est d' "adapter le rythme et les modalités de contractualisation aux besoins du territoire". La nouvelle contractualisation pourra donc bien se faire "en plusieurs vagues". Jacques Mézard se félicite de "cette possibilité (donnée) aux agglomérations de conventionner, soit à l’échelle de l’agglomération soit en plusieurs vagues, quartier par quartier voire en plusieurs étapes sur un même quartier, en fonction du degré de maturité des projets". L'Anru ajoute que, pour qu'il y ait contractualisation, "le projet n’aura pas besoin d’être connu de manière intangible dans ses moindres détails (par exemple localisation des nouvelles constructions de logements sur l’agglomération)".

Lancer des travaux sans attendre la signature de la convention

De même, et c'est une autre orientation adoptée par le conseil d'administration, il sera possible de lancer les travaux et de réunir le financement d’opérations "prêtes et consensuelles" sans attendre la signature de la convention. "Cette disposition permettra aux collectivités dont le projet global n’est pas encore abouti de lancer, dès les prochains mois, des chantiers de démolition, de reconstruction de logements ou d’équipements publics", assure-t-on à l'Anru.
La troisième orientation votée par son conseil d'administration est d' "accroître les échanges entre l’Anru et les élus porteurs de projets". "Les instances d’examen des projets s’adapteront pour favoriser les échanges directs avec les élus le plus en amont possible", s'engage-t-il.

"Comme on n'a pas mis assez de crédits, on a demandé aux équipes de servir moins de projets"

Quant à la polémique concernant la "dégradation" de l'Anru, à savoir si elle venait d'un excès de bureaucratie ou d'un déficit de financement, le président de la République a tranché : "On l'a abîmée, parce que comme on n'a pas mis assez de crédits (...) on a demandé aux équipes de servir moins de projets, et (...) on a rallongé les délais, donc ce qui se faisait au début en 6 mois, on le fait maintenant en 3 ans en moyenne, sur un projet", a-t-il déclaré le 22 mai. Et de ce fait "il y a beaucoup de bureaucratie, on perd beaucoup d'argent en demandant des études multiples à des intermédiaires". De plus, "si on lance ce projet (NDLR : de rénovation urbaine) à mi-mandat ou après une vraie réflexion, pour un maire, on a l'angoisse de quasiment pas le voir finir, ou de voir les travaux, au pire moment du mandat, c'est-à-dire à la fin", ce qui expliquerait qu'on "ait bloqué beaucoup d'initiatives".
Les nouvelles règles du jeu de l'Anru seront-elles, à elles seules, en mesure de "réparer" ce "bon outil" salué par le président de la République et lui permettre de "le remettre dans sa promesse originale" ?

*Selon une répartition inchangée : 7 milliards d’euros d’Action Logement ("dont la convention avec l’Etat et l’Anru a été validée en conseil d’administration", indique l'Anru), 2 milliards d'euros des bailleurs sociaux, 1 milliard d'euros de l’Etat. Avec un financement du NPNRU à dix milliards d’euros, on estime, avec l'effet levier, que 40 milliards d’euros seront investis dans les 480 quartiers concernés : 216 quartiers d’intérêt national, 264 quartiers d’intérêt régional.
 

 

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