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Etablissements médicosociaux - Le Conseil d'Etat fait un premier accroc à la procédure d'appel à projets

Un arrêt du Conseil d'Etat du 30 décembre 2011 annule, pour le cas particulier des lieux de vie et d'accueil - petites structures "alternatives" de prise en charge d'enfants ou de jeunes en difficulté - une disposition du décret du 26 juillet 2010 relatif à la procédure d'appel à projets pour les établissements et services sociaux et médicosociaux (voir notre article ci-contre du 29 juillet 2010). Celle-ci concerne le seuil au-delà duquel les projets d'extension d'établissements ou de services sociaux et médicosociaux doivent être soumis à la commission de sélection.
L'article D.313-2 du Code de l'action sociale et des familles précise en effet que ce seuil correspond "à une augmentation de 30% ou de quinze places ou lits de la capacité initialement autorisée, que cette augmentation soit demandée et atteinte en une ou plusieurs fois". Dans sa décision du 30 décembre, le Conseil d'Etat annule le décret du 26 juillet 2010, "en tant que le seuil de 30% prévu par les nouvelles dispositions de l'article D.313-2 qu'il insère dans le Code de l'action sociale et des familles s'applique aux lieux de vie et d'accueil". Les projets d'extension de ces structures ne seront pas, pour autant, dispensés d'autorisation dès lors qu'ils font appel à un financement public. Mais, quelle que soit leur ampleur relative, ils n'auront plus à être soumis à la commission de sélection, ce qui vide - en l'espèce - la procédure d'appel à projets d'une bonne partie de son contenu.
Pour fonder sa décision, le Conseil d'Etat s'appuie moins sur des arguments juridiques que sur une considération pratique. L'arrêt écarte en effet plusieurs moyens soulevés par les deux associations requérantes. Il écarte notamment l'argument selon lequel le décret litigieux, en soumettant leur extension à une autorisation, aurait pour effet de faire désormais relever les lieux de vie et d'accueil des schémas d'organisation sociale et médicosociale ou des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (dont les articles L.312-5 et L.312-5-1 du CASF les excluent expressément). De même, il ne retient pas l'argument selon lequel la mise en oeuvre de la procédure d'appel à projets au niveau d'un département ou d'une région serait inadaptée aux caractéristiques propres des lieux de vie et d'accueil, qui ont vocation à héberger des personnes originaires de tout le territoire national.

D'autres exceptions à attendre ?

En revanche, le Conseil d'Etat valide l'argument selon lequel "le critère de 30% ainsi retenu peut avoir pour effet de soumettre à la procédure d'appel à projet l'immense majorité des projets d'extension des lieux de vie et d'accueil, dont la capacité initialement autorisée est limitée à quelques places". Dans ces conditions, il estime qu'"eu égard à l'objet du seuil voulu par le législateur, qui est de soustraire à la procédure d'appel à projet les extensions les plus mineures, le seuil retenu par le pouvoir réglementaire, compte tenu de la spécificité de ces structures, méconnaît la portée de la loi". On sait que réglementairement, la capacité des quelque 385 lieux de vie et d'accueil (chiffres 2008) doit en effet être comprise entre 3 et 7 places. La moyenne serait de 6 places.
A noter : cette annulation du Conseil d'Etat concerne uniquement les autorisations d'extension des lieux de vie et d'accueil. Visant exclusivement l'application du seuil de 30%, elle ne porte pas sur leur création, pour laquelle le régime d'appels à projets est expressément prévu par l'article L.311-1-1 du CFAS. Celui-ci précise en effet que "les projets, y compris expérimentaux, de création, de transformation et d'extension d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux relevant de l'article L.312-1 ainsi que les projets de lieux de vie et d'accueil sont autorisés par les autorités compétentes en vertu de l'article L.313-3".
Il reste maintenant à savoir si d'autres établissements ou services sociaux et médicosociaux seraient susceptibles de bénéficier d'une interprétation similaire, sur le même fondement. Certaines structures concernées par la procédure d'appel à projets présentent en effet de faibles capacités, identiques ou guère supérieures à celles des lieux de vie. C'est le cas, entre autres, des appartements de coordination thérapeutique, des "lits halte soins santé", des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, des accueils de jours pour personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer...
On relèvera d'ailleurs que des parlementaires ont tenté, à plusieurs reprises, d'exclure les lieux de vie et d'accueil de la procédure de l'appel à projets : à l'occasion de la proposition de loi Fourcade réformant la loi HPST, de la proposition de loi Blanc sur le handicap et, plus récemment encore, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Dans ce dernier cas, l'amendement en question avait même été adopté par le Sénat mais a finalement été retoqué par l'Assemblée. Or il entendait exclure de la procédure d'appel à projets, non seulement les lieux de vie, mais aussi les "structures expérimentales" et les groupes d’entraide mutuelle.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Conseil d'Etat, arrêt n°343450 du 30 décembre 2011, association Faste Sud-Aveyron, association Groupe d'étude et de recherche pour la pratique en lieu d'accueil (Gerpla).

 

 

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