Le Covid-19 va-t-il remettre en cause la revitalisation des cœurs de ville ?

Une étude de la Scet, filiale de la Caisse des Dépôts, intitulée "Revitalisation des centres-villes : l'impact de la crise Covid-19" s'intéresse aux conséquences de la pandémie sur les centres des villes moyennes.

Alors que la troisième rencontre nationale Action cœur de ville doit avoir lieu ce 8 septembre à Paris, la Scet, filiale de la Caisse des Dépôts spécialisée dans le conseil stratégique et l'appui opérationnel, publie, dans le dernier numéro de sa lettre "Tendances", une étude intitulée "Revitalisation des centres-villes : l'impact de la crise Covid-19". En une vingtaine de pages, le document s'intéresse aux conséquences de la pandémie sur les centres des villes moyennes, "qui, pour nombre d'entre elles, ont été fragilisées par les ajustements économiques et démographiques des dernières décennies". L'enjeu est en effet "de permettre aux villes moyennes, mais aussi aux petites centralités - petites villes, centres bourgs - et à leurs territoires une meilleure résilience économique, sociale et environnementale".

"Une désertification soudaine des cœurs de villes"

Si l'objectif de la revitalisation est de recréer du flux en centre-ville, il est clair que la pandémie et le confinement ont eu l'effet inverse. Ainsi, 60% des villes ont connu une fermeture de 70 à 90% de leurs commerces. Ceci a entraîné "une désertification soudaine des cœurs de villes". L'enjeu est donc aujourd'hui d'éviter une "spirale de la dévitalisation", dans laquelle la fermeture des commerces les plus fragiles contribuerait à faire baisser la fréquentation et l'attractivité résidentielle des centres villes, ce qui fragiliserait à son tour d'autres commerces... Le risque est d'autant plus grand qu'après avoir connu une croissance démographique soutenue durant 20 ans (accroissement naturel, immigration, exode rural), les villes moyennes ont commencé de perdre des habitants, à partir de 1975, au profit des communes périurbaines. Aujourd'hui, leur population augmente deux fois moins vite que la population française (+4,3% entre 2007 et 2012, contre 7,5% pour l'ensemble de la population).

Or la crise économique résultant de la pandémie risque d'accentuer ces difficultés. L'étude pointe notamment un "risque de délitement du tissu commercial local, avec une reprise d'activité probablement étalée dans le temps", mais aussi "une fuite des habitants vers l'habitat pavillonnaire" et "un retour massif des voitures en ville avec leur lot de nuisances : pollution, bruit, accidents". On peut également ajouter d'autres évolutions dans les comportements et dans les modes de consommation, comme l'essor du télétravail ou l'accélération du e-commerce sous l'effet du confinement.

Des situations très différentes selon les territoires

Pour autant, les effets de ces évolutions devraient être très différents selon les territoires. L'étude estime ainsi que "les impacts de la crise seront certainement très hétérogènes d'un territoire à l'autre, en raison de facteurs immédiats (capacité à gérer la crise et la post-crise : évolution de l'offre, capacité à se réinventer, à se rapprocher des citoyens, communication, etc.) et de facteurs beaucoup plus structurels liés au modèle de développement du territoire".

L'étude passe donc en revue les moteurs de l'économie résidentielle et ceux de l'économie productive. Elle relève en particulier que "les villes moyennes, leur réseau de petites villes et leurs espaces ruraux sont tributaires des décentralisations industrielles réalisées entre 1954 et 1962 pour les agglomérations de 60.000 à 300.000 habitants, puis entre 1962 et 1968 pour les agglomérations de 20 à 50.000".

Malgré ce constat relativement sombre, l'étude s'interroge néanmoins sur un possible regain d'attractivité des villes moyennes. Plusieurs facteurs pourraient en effet renforcer leur attractivité résidentielle : équilibre intéressant entre densité de population et polarité de services en particulier médicaux, présence de l'enseignement supérieur (antennes universitaires, IUT, universités de plein exercice...), cadre de vie, qualité des espaces publics, performance en matière de transition énergétique, diversité commerciale et qualité de l'offre (malgré la déprise)…

Un potentiel de développement productif

En dépit de certains handicaps (comme la sous-représentation des cadres et des professions intellectuelles supérieures, ou une exposition accrue à la pauvreté), ces villes moyennes disposent également d'un potentiel de développement productif, en particulier en "développant des activités 'péri-productives', greffées sur le système productif local, dont le potentiel, en nombre d'emplois, représente le double de la production proprement dite". Cette définition vise notamment les emplois de services aux entreprises (gestion, comptabilité, informatique, communication...), jusqu'alors présents surtout dans les métropoles. Il en va de même de la relocalisation de certaines transformations primaires ou intermédiaires (dans le mouvement général de relocalisation) ou du soutien à une économie industrielle de la connaissance. La concrétisation de ces perspectives suppose toutefois une gestion intégrée du centre-ville, prenant en compte différents éléments : vieillissement de la population, mobilité, coopération territoriale, réinterrogation du périmètre du centre-ville (fixé avant la crise)…

Enfin, la dernière partie de l'étude passe en revue les leviers à activer (reconquête commerciale, diversification économique, urbanisme volontariste et maîtrisé, aménités urbaines), à travers quelques exemples de réalisations menées avec la Scet dans différents territoires : Douai, Pays de Vesoul Val-de-Saône, Perpignan et communauté urbaine de Dunkerque.

 

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