Le gouvernement défend le bilan de ses opérations "place nette" contre les stupéfiants

Les ministres de l’intérieur et de la justice ont défendu en conseil des ministres le bilan des opérations "place nette" conduites contre les trafics de stupéfiants. Au-delà des chiffres – démantèlement des points de deal, saisies, arrestations… –, ils mettent en avant les conséquences positives pour les habitants des quartiers concernés, tout en concédant que c’est un travail au long cours. 

Les ministres de l’Intérieur et de la Justice ont présenté en conseil des ministres ce 17 avril, puis en conférence de presse, le bilan des opérations "place nette" lancées contre le trafic de stupéfiants depuis l’an passé (voir notre article du 6 octobre 2023), et que le président de la République avait souhaité voir multipliées en début d’année (voir notre article du 17 janvier). Des opérations à l’efficacité parfois remise en cause (voir notre article du 28 mars), ce que les deux membres du gouvernement contestent.

1.000 points de deal supprimés

Rappelant que l’objectif n°1 de ces opérations places nettes, qui "prévoient une attaque à 360° de la lutte contre la drogue", était la lutte contre les points de deals, Gérald Darmanin met en avant le fait qu’on en recense 2.985 aujourd’hui, contre "plus de 4.000" en 2020 (3.936 au 1er avril 2021 selon le comité interministériel aux stupéfiants – voir notre article du 31 mai 2021). Un démantèlement de plus de 1.000 points de deal qui avait déjà été mis en avant l’an passé (voir notre article du 1er mars 2023), et que le ministre juge positif : "Même des points de deal qui se reconstituent ne remplacent pas le millier de point de deals supprimés depuis plus de trois ans et demi d’action collective", constate-t-il. Revers de la médaille : l’essor des livraisons de drogue à domicile, dans une "forme d’ubérisation", montrant que "l’occupation du domaine public des policiers et gendarmes créent des difficultés chez les vendeurs de drogue". 

Opérations "place nette XXL"

Au-delà, il met en exergue le bilan matériel des 490 opérations "place nette" conduites depuis la fin 2023, dont 24 outre-mer : "C'est 4 tonnes de drogue saisies et quasiment 20 millions d'euros en argent frais ou en immobilier saisis." Les deux ministres s’attardent singulièrement sur le bilan des 9 opérations "place nette XXL" lancées à Marseille, au nord de Paris, en Seine-Saint-Denis, dans l'agglomération lilloise, dans l'agglomération lyonnaise, à Dijon, à Clermont-Ferrand, à Toulouse, à Nantes et à Strasbourg (voir notre article du 25 mars) : "67.924 effectifs de police et de gendarmerie engagés pour 3.814 interpellations, plus de 500 armes saisies, plus de 170 véhicules saisis." Un bilan qu’affine le garde des Sceaux : "599 personnes été déférées, 260 comparutions immédiates, 83 ouvertures d’information et 186 mandats de dépôt."

Opérations "cellules nettes"

Éric Dupont-Moretti précise que "parallèlement", il a mis en place 8 opérations "cellules nettes" dans des établissements pénitentiaires de Paca et de Corse. "Conduites en 3 semaines, elles ont donné lieu à 100 fouilles concernant 200 détenus", parmi lesquels des détenus affiliés à des trafics de drogue. Avec des résultats qualifiés d’"importants" : "63 téléphones portables saisis, 24 clés USB et 16 cartes SIM, qui sont à l'analyse". Le garde des Sceaux précise que "d’autres opérations sont en cours, notamment à la direction interrégionale des services pénitentiaires de Strasbourg", et que "des opérations de cette nature auront vocation à être effectuées dans tous les établissements pénitentiaires".

Des chiffres dont Éric Dupont-Moretti se dit "plutôt fier", même s’il se défend de vouloir "faire un exercice de culturisme judiciaire". "Ce que nous avons fait est bien utile. Allez voir les gens de la Castellane. Moi je l'ai fait et ils disent 'merci d'être venu, parce que vous nous débarrassez de gens qui nous pourrissent la vie au quotidien'", explique-t-il. Et le garde des Sceaux de mettre en garde : "Chaque fois qu'on se fume un petit pétard le week-end, on devrait penser aux gens de la Castellane qui n'en peuvent plus d'être pourris au quotidien par les trafiquants." Et de mettre en avant les problèmes de santé publique : "Le shit d'aujourd'hui est 10 fois supérieur en THC qu'autrefois, avec des gamins qui deviennent schizophrènes." Gérald Darmanin tisse lui le "lien entre le caractère festif de certains endroits très embourgeoisés et le financement du terrorisme, la prostitution ou des règlements de comptes que peut connaître une ville comme Marseille". Il n'a en revanche pas reparlé du projet de loi qu'il avait évoqué la semaine dernière devant la commission sénatoriale sur le narcotrafic, texte qui pourrait comporter la possibilité de réaliser des tests salivaires sur la voie publique.

Marseille en exemple

Une ville que le ministre de l’Intérieur prend pour autant en exemple pour démontrer que ces opérations ne sont pas vaines. Gérald Darmanin excipe ainsi de "la démonstration faite il y a quelques mois sur la Paternelle, qui était le plus haut lieu de la drogue à Marseille" et qui "a été débarrassé de la drogue". Et d'ajouter : "Nous faisons ce même travail à la Castellane, qui évidemment connaît par sa population et sa configuration une présence 24 h sur 24 de la police nationale, mais aussi dans d'autres cités encore. Il y a quelques heures un très gros trafic a été démantelé chez ceux qui tenaient le quartier des Oliviers à Marseille. Mais c'est aussi évidemment le cas à Campagne Lévêque, à Air-Bel, à Château Saint-Loup, à Font-Vert, à Moulin de Mai, à Félix-Pyat, bref l'intégralité des cités, qu'elles soient au nord, au centre, au sud de la ville de Marseille." Une ville où l’opération place nette XXL a donné lieu à "461 gardes à vue, 300 déferrements et 49 mises à l’écrou", précise le garde des Sceaux.

L’herbe "pas plus verte ailleurs"

Au-delà des chiffres, Gérald Darmanin fait valoir son "volontarisme politique", alors que "des pays ont choisi de baisser les bras". Il mentionne une nouvelle fois le cas du Bénélux, "où des organisations criminelles sont assez fortes pour tenir en coupe réglée des ports, pour menacer et assassiner des journalistes, assassiner des avocats, des magistrats, des policiers, pour prendre en otage des enfants de politiques – je pense à l'ancien ministre de la justice de Belgique par exemple ou à la famille royale néerlandaise […]. On laisse les organisations criminelles avoir énormément d'argent ; avec cet argent, la corruption est au rendez-vous chez les fonctionnaires […] et les trafiquants font de la recherche et développement et notamment, ce qui nous préoccupe tous, de la drogue de synthèse […], première cause de mortalité aux États-Unis". Et de souligner que "l’État de l’Oregon est revenu en arrière sur la légalisation". Le ministre de l’Intérieur voit encore sa politique de fermeté confortée par "des études indépendantes" qui montrent que "depuis 2 ans la consommation de cannabis en France baisse". "Elle baisse notamment chez les plus jeunes : on est passé du deuxième pays qui en consomme le plus au onzième pays." Éric Dupond-Moretti observe pour sa part que depuis que la loi canadienne de légalisation du cannabis a été votée en 2018, on constate "2 millions de consommateurs en plus et on constate également que le haut du spectre de la criminalité continue le trafic". Et de conclure : "L’herbe n’est plus verte ailleurs."

 

Mineurs délinquants : un projet de loi pour sanctionner les parents défaillants

Au cours de la conférence de presse, le garde des Sceaux a indiqué que le gouvernement allait "porter un projet de loi concernant la façon dont on doit appréhender les mineurs qui commettent des actes de délinquance", qui comportera "à la fois un volet éducatif et un répressif". Et d’ajouter : "Nous allons venir en aide aux parents qui sont des parents dépassés et, en revanche, nous allons faire en sorte de sanctionner les parents défaillants."

 

 

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