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Religions - Le gouvernement entend accélérer la construction d'un islam de France

L'exécutif a engagé "une nouvelle étape" dans la construction d'un islam de France, organisé et se reconnaissant dans les valeurs de la République. Une fondation laïque destinée à promouvoir la culture musulmane et une association cultuelle permettant un financement national des mosquées doivent voir le jour avant la fin de l'année.

A l'issue d'une journée de consultations, ce 29 août place Beauvau, le ministre de l'Intérieur a dévoilé, lors d'une conférence de presse, trois projets qu'il compte mettre sur pied pour construire un "islam de France".
D'abord une fondation de l'islam de France, reconnue d'utilité publique, doit être créée "avant la fin de l'année". Sa vocation sera d'ordre culturel, éducatif ou encore social, à l'image des autres grandes fondations d'inspiration confessionnelle (par exemple la fondation Notre-Dame ou la fondation du judaïsme). Elle n'aura donc pas pour objet de financer les mosquées et la formation des imams, des buts que poursuivait la fondation des œuvres de l'islam de France créée en 2004 par Dominique de Villepin, mais mort-née en raison des dissensions entre les grandes fédérations musulmanes.
La fondation "soutiendra tous les projets utiles à une bonne insertion de l'islam dans la société française". Elle "pourra contribuer notamment à la formation profane des aumôniers et des imams", apporter son soutien à "des projets permettant d'améliorer la connaissance par le public de la religion et de la culture musulmanes" et "soutenir la recherche en islamologie".

Un président contesté

Trois représentants de l'Etat, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), ainsi que deux représentants du comité des donateurs seront membres de droit du conseil d'administration de la fondation. A leurs côtés siégeront cinq personnalités qualifiées : le Prix Goncourt Tahar Ben Jelloun, l'islamologue réformateur Ghaleb Bencheikh, le recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, l'entrepreneure Najoua Arduini-Elatfani, figure de la société civile musulmane et, enfin, Jean-Pierre Chevènement. L'ex-ministre de l'Intérieur du gouvernement de Lionel Jospin, âgé de 77 ans, présidera la fondation. "C'est un très grand républicain, un très bon connaisseur du monde musulman et son attachement à la laïcité est incontestable", a souligné Bernard Cazeneuve, en réponse à des critiques formulées le même jour, notamment par le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Stéphane Troussel a reproché au fondateur du Mouvement républicain et citoyen (MRC) de "tout mélanger" sur "des notions aussi importantes que la nationalité et la citoyenneté française".
Un conseil d'orientation très ouvert sur la société civile musulmane proposera des initiatives et évaluera les actions menées par la fondation. Y siégeront les représentants des grandes fédérations de mosquées, des représentants d'institutions culturelles - telles que l'Institut du monde arabe et le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem).

Des fonds exclusivement français

La fondation fonctionnera notamment grâce à un soutien financier de l'Etat et à la contribution de grandes entreprises et de particuliers fortunés. Elle n'acceptera que des fonds français, tout comme l'association cultuelle qui doit voir le jour.
Cette deuxième structure aura pour tâche de favoriser le financement des mosquées et de la formation théologique des imams. Indépendante de l'Etat, elle devra rechercher "de nouvelles sources de financement nationales". Une "contribution volontaire" des entreprises de la filière halal et du marché du pèlerinage – et non une taxe fiscale qui est juridiquement impossible – est ainsi évoquée. L'élaboration des statuts de l'association et les négociations sur la contribution volontaire devront aboutir au début du mois de décembre.
A cette échéance également, une mission remettra un rapport sur le développement dans les universités d''une formation sur la civilisation musulmane, laïque et "de haut niveau", destinée notamment aux futurs imams. Un appel à projets national sera organisé pour sélectionner les universités où ces formations seront assurées. Alors qu'aujourd'hui, la majorité des imams exerçant en France sont formés dans des instituts théologiques situés à l'étranger, ces formations doivent participer à l'objectif de formation en France des imams exerçant sur le sol français. Au cours des deux dernières années, des efforts importants ont déjà été accomplis en matière de formation, a estimé le ministre de l'Intérieur : en 2016, quinze universités proposent des formations sur les questions de laïcité, de droit et de sociologie des religions, contre seulement trois en 2014.

Lutte contre l'islamisme radical

La "nouvelle étape" engagée par le gouvernement pour bâtir un islam de France "au cœur de la république et défendant en première ligne avec tous les républicains ses valeurs face à ceux qui les menacent" présente aujourd'hui "un caractère d'urgence et de nécessité particulier", a souligné Bernard Cazeneuve.
Le ministre a indiqué qu'en parallèle, la France "combat avec détermination l'extrémisme religieux et l'islamisme radical. 15 individus de nationalité étrangère, dont 6 au cours du mois d'août, ont été expulsés parce qu'ils "tenaient des discours de haine" à l'intérieur ou à l'extérieur des mosquées. Une vingtaine de mosquées ou salles de prière radicalisées ont également été fermées depuis ces derniers mois.

Thomas Beurey / Projets publics

Gestion des lieux de culte, abattage d'animaux... comment faire
Le ministère de l'Intérieur vient de publier sur son site un guide pratique sur la gestion et la construction des lieux de culte. Elaboré par un groupe de travail réunissant notamment des représentants des grandes religions et de l'Association des maires de France, le guide traite de la gestion associative des lieux de culte (création et évolution d'une association, règles relatives à la gestion financière, à la comptabilité et à la fiscalité). Il aborde aussi le sujet de la construction des lieux de culte. Sont ainsi détaillés les outils dont disposent les porteurs de projets et les contraintes à respecter pour l'aménagement des édifices cultuels.
Le ministère publie un deuxième guide portant spécifiquement sur les conditions de préparation de la fête de l'Aïd-el-kébir célébrée par les musulmans. L'abattage de plus de 100.000 moutons à l'approche de cette fête constitue en effet un défi logistique. Il doit respecter des règles strictes en matière de sécurité sanitaire et de protection animale et de l'environnement. L'ouvrage a été préparé par un groupe de travail piloté par le ministère de l'Intérieur.