Religions - Un islam de France largement influencé par l'étranger

Il faut laisser à la communauté musulmane, et non à l'Etat, le soin d'organiser l'islam de France. C'est la position d'un rapport sénatorial intitulé "De l'islam en France à un islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés" adopté à l'unanimité moins une abstention (FN), le 5 juillet, par la mission d'information sur l'organisation de l'islam de France présidée par la socialiste Corinne Féret (Calvados). "La loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905", ont martelé les rapporteurs Nathalie Goulet (UDI, Orne) et André Reichardt (Les Républicains, Bas-Rhin), lors de la présentation du rapport à la presse, le 6 juillet, avant de railler "le concours Lépine" des idées diverses et variées sur le sujet. Les deux rapporteurs s'inquiètent avant tout de l'influence étrangère de l'islam en France, que ce soit pour la formation, la désignation et le salaire des imams, le financement des mosquées ou encore les écoles privées hors contrat..

301 imams détachés

Seuls 20 à 30% des imams auraient la nationalité française, selon eux. Sur 2.500 lieux de culte, 301 imams sont détachés en France : 151 proviennent de Turquie, 120 d'Algérie et 30 sont Marocains. Cette pratique, qui s'ajoute à la formation de nombreux imams français à l'étranger, illustre "la 'double sincérité' du discours officiel sur la nécessité de limiter l'influence des pays d'origine, quand, dans le même temps, le ministère de l'Intérieur et le ministère des Affaires étrangères passent des accords avec plusieurs d'entre eux" pour la formation et le recrutement, fustige le rapport. 
En 2016, le Maroc a versé quelque 6 millions d'euros pour le financement du culte musulman en France, l'Algérie 2 millions et l'Arabie Saoudite 3,8 millions d'euros depuis 2011. Concernant la formation, les auteurs soulignent le "besoin de contextualisation". Education à la Shoah, lutte contre l'homophobie, reconnaissance du génocide arménien... autant de sujets qui, selon Nathalie Goulet, sont souvent étrangers à ces imams détachés qui, de surcroît, parlent rarement français. Pour remédier à ces lacunes, les sénateurs plaident pour un "programme commun partagé entre les différents instituts de formation".
Pour couper le cordon avec ces pays donateurs, les rapporteurs proposent aussi de faire transiter les fonds dans un pot commun : la Fondation pour les oeuvres de l'islam en France. Un organisme créé par Dominique Villepin en 2005, mais qui est resté "mort-né".

Une redevance pour services rendus

Concernant la filière halal, les sénateurs se montrent sceptiques quant à l'idée d'une taxe spécifique qui se heurterait à des obstacles juridique (inconstitutionnalité d'une taxe en raison de caractéristiques religieuses), théorique (absence de norme unifiée du halal contrairement au casher) et politique. Ils proposent à la place une "redevance pour services rendus" mise en place par les représentants du culte eux-mêmes, à l'image de la redevance rabbinique ou "cacheroute", perçue par le Consistoire en échange de la certification casher "KBDP" de certains produits. Cette redevance en amont aurait un autre avantage pour les sénateurs, en créant un désavantage économique sur cette technique d'abattage. "Des polémiques récentes ont révélé que des abattoirs l'utilisaient souvent pour des raisons purement économiques, même lorsque les produits finaux n'étaient pas destinés aux musulmans", rappellent-ils. Les rapporteurs demandent de mettre un terme à l'oligopole constitué par la Grande Mosquée de Paris (sous tutelle des autorités algériennes) et les mosquées de Lyon et d'Evry pour la délivrance de la carte de sacrificateur et d'élargir ainsi le nombre de mosquées habilitées.
Les sénateurs reviennent aussi longuement sur la place des collectivités et compilent l'état de la législation et de la jurisprudence sur ce qu'elles peuvent ou ne peuvent pas faire, qu'il s'agisse des carrés musulmans, du financement des lieux de culte ou de la restauration scolaire. Une jurisprudence qui se montre assez souple, comme le montre par ailleurs le vade-mecum sur la laïcité de l'AMF.
Le rapport aborde la délicate question de la représentativité de la communauté musulmane. Ils constatent la fragilité du Conseil français du culte musulman (CFCM) et considèrent qu'"il appartient aux communautés de s'organiser elles-mêmes dans le cadre de nouvelles modalités tenant davantage compte des exigences de représentativité".
En l'absence de statistiques fiables, les rapporteurs évaluent entre 4 et 7 millions le nombre de musulmans en France. Ils préconisent que l'Insee soit dotée de moyens supplémentaires pour mener une enquête au moins tous les quatre ans afin de mieux connaître cette population (nombre, origine, tendances, etc.).

 

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