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Réforme des politiques publiques - Le rôle de délégué territorial du préfet suscite des inquiétudes

Un décret du 18 avril confie au préfet le rôle de délégué territorial de plusieurs établissements publics de l'Etat comportant un échelon territorial, dont l'Ademe. Outre une maladresse de calendrier, l'Association des régions de France pointe les risques pour l'indépendance des directions régionales de l'Ademe.

Un décret du 18 avril 2012, publié au JO du 20 avril, fixe la liste des établissements publics de l'Etat dont le préfet est le délégué territorial. Le Conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008 a en effet posé le principe selon lequel "le préfet de région et le préfet de département seront les délégués territoriaux des agences nationales lorsque celles-ci exercent leurs attributions sur le territoire". Un décret du 10 février 2010, modifiant le décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, a inscrit ce principe dans l’ordonnancement juridique et renforcé substantiellement les prérogatives du préfet de région. Le décret du 18 avril dernier met en oeuvre l’article 59-1 du décret de 2004 ainsi modifié afin d’assurer "la cohérence des politiques gouvernementales au plan local, qu’elles soient conduites par les services déconcentrés de l’Etat ou par ses établissements publics", précise le ministère de l’Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités territoriales.

Six établissements publics concernés

Le texte fixe la liste des établissements publics existants dont le préfet de région ou le préfet de département est le délégué territorial. Il s’agit de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), de l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer (France Agri Mer), du Centre national pour le développement du sport (CNDS), de l’Agence nationale de l'habitat (Anah), de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) et de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Le texte supprime en revanche l’alinéa de l’article 59-1 relatif au rôle de délégué territorial pour  les établissements nouvellement créés. Toutefois, la liste fixée a "vocation à être complétée par un certain nombre d'établissements publics pour lesquels la désignation du préfet comme délégué territorial nécessite une mesure législative", indique le ministère de l’Intérieur. Le décret définit les attributions exercées par le préfet en qualité de délégué territorial, "dans le cadre des compétences et des décisions des organes délibérants et exécutifs de l'établissement". Le délégué territorial s'assure en particulier "de la cohérence de l'action respective des services de l'Etat et de l'établissement à l'égard des collectivités territoriales", précise le texte. Il représente l’établissement dans la région ou le département et, à ce titre, est associé à la conclusion des conventions avec les collectivités. Si l’établissement dispose d’un service territorial, le délégué territorial peut lui adresser des "directives d’action territoriale". Enfin, il participe à l’évaluation du responsable du service territorial de l’établissement. Au-delà de ce socle commun, le texte précise par ailleurs les attributions confiées au délégué territorial propres à chaque établissement concerné.

Risques d’instrumentalisation

Ce texte, qui modifie l’organisation des établissements publics concernés, implique également une modification en profondeur de leurs statuts. Conjugué aux menaces de suppressions de postes budgétaires, le décret suscite ainsi une vive inquiétude chez les salariés de l’Ademe en particulier. Plusieurs syndicats (CFDT, Syndicat national de l'environnement SNE-FSU, CGT, FO) ont pointé, dans un communiqué commun, le risque que ce texte "détruise les liens privilégiés que l'Ademe a créés, par son positionnement spécifique et original, avec les services de l'Etat et des collectivités territoriales". Ils exigent le retrait immédiat de l'Ademe de la liste des organismes concernés par ce décret.
Du côté de l’Association des régions de France (ARF), on s’interroge sur le sens profond de cette démarche de réaffirmation du rôle de l’Etat. Pour le délégué général de l’ARF, Michel Yahiel, la date de publication de ce texte majeur à la veille du premier tour de l'élection présidentielle est critiquable. L’association est également particulièrement inquiète du sort de l’Ademe, qui dispose de nombreuses directions régionales. Les régions estiment "qu’après le récent changement de présidence imposé par le gouvernement, on assiste à une nouvelle manifestation de recentralisation qui conduira nécessairement à remettre en question l’indépendance fragile de l’Ademe". L’Ademe représente en effet un partenaire essentiel des collectivités territoriales dans les opérations de rénovation énergétique et de développement des énergies renouvelables. Le fait que les préfectures interviennent dans ce dialogue "n’apportera rien", "les préfectures ne disposant pas de compétences techniques sur ces questions", remarque Michel Yahiel.

Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions

Référence : décret n°2012-509 du 18 avril 2012 pris en application de l'article 59-1 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 modifié relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action de l'Etat dans les régions et départements, JO du 20 avril 2012, p. 7097.

 

 

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