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Transports - Le Sénat a adopté la réforme ferroviaire avec des modifications

Le Sénat a adopté le 10 juillet le projet de loi de réforme ferroviaire, qui avait été à l'origine d'une grève de 14 jours à la SNCF pendant son examen à l'Assemblée nationale, en lui apportant à son tour plusieurs modifications notables.

Le projet de loi de réforme ferroviaire, que le gouvernement a présenté en procédure accélérée (une lecture par chambre), a été voté le 10 juillet au Sénat grâce aux voix du PS, du RDSE (à majorité PRG), des écologistes et aussi des centristes, les communistes et l'UMP votant contre. Destinée à stabiliser la dette du secteur ferroviaire (44 milliards d'euros) et à préparer son ouverture totale à la concurrence d'ici à 2022, la réforme doit regrouper dans une entité commune, la SNCF actuelle et Réseau ferré de France (RFF), séparés depuis 1997. Elle prévoit une organisation complexe à trois, composée d'un établissement public à caractère industriel (Epic) de tête, nommé SNCF qui chapeautera d'un côté une filiale SNCF Mobilités, opérateur ferroviaire, et le gestionnaire d'infrastructure SNCF Réseau de l'autre, qui regroupera les agents des actuels RFF et SNCF Infra.
"Le service public et la concurrence ne font pas bon ménage", a lancé Mireille Schurch pour le groupe CRC (Communiste, républicain et citoyen), avant le vote sur l'ensemble du texte. "Nous craignons que ce projet de loi ne suffise pas et nous regrettons que vous n'ayez pas entendu nos recommandations de ne créer qu'un seul Epic", a-t-elle dit à l'adresse du gouvernement. "Je crois que le texte a pu évoluer sur un certain nombre de points", a relevé pour sa part Vincent Capo-Canellas (UDI-UC). "Au global nous le voterons", a-t-il ajouté, prévenant que "ce n'est pas un chèque en blanc".

Surtaxes locales temporaires pour financer les investissements dans les gares

Les sénateurs ont adopté l'article 1er de la réforme qui définit le système de transport ferroviaire national, ainsi que la composition et le fonctionnement du groupe public ferroviaire et de son Epic de tête, après avoir voté plusieurs amendements. Ils ont notamment adopté un amendement socialiste qui garantit la représentation du Parlement au sein du Haut Comité du système de transport ferroviaire où siégeront deux sénateurs et deux députés. Un autre amendement PS permet au Haut Comité du système de transport ferroviaire de se saisir de toute question relevant de sa compétence. Suite à un amendement UMP, les sénateurs ont aussi adopté un article additionnel après l'article 1er destiné à actualiser le régime juridique des surtaxes locales temporaires (SLT) qui consistent en une majoration minime du prix du billet de train pour financer des investissements dans une gare. Cette actualisation devrait permettre aux gestionnaires de gares et aux collectivités locales concernées d'utiliser ce mode de financement. Les sénateurs ont en outre voté sans modification les articles 1er bis, 1er ter et 1er quater instaurant un schéma national des services de transport présenté au Parlement tous les cinq ans, excluant les cessions entre la SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités de l'exercice du droit de préemption ainsi que les cessions entre ces trois entités de l'exercice du droit de priorité défini dans le Code de l'urbanisme.
Le Sénat a aussi voté l'article 2 qui concerne la mise en place de SNCF Réseau en apportant plusieurs changements. Parmi les amendements votés, un amendement centriste renforce le rôle du Parlement en prévoyant que les ratios permettant d'évaluer les projets d'investissements de développement du réseau ferré national seront définis chaque année en loi de finances. Un autre, issu du groupe RDSE (à majorité PRG), autorise SNCF Réseau à confier à un groupement de personnes de droit privé ou à une personne de droit privé, des études et l'exécution de travaux.

Favoriser la desserte des ports par voie ferrée

Suite à un amendement du gouvernement défendu par le secrétaire d'Etat aux Transports Frédéric Cuvillier, les sénateurs ont adopté un article additionnel après l'article 2 bis B destiné à promouvoir la desserte portuaire par voie ferrée en permettant aux ports de devenir propriétaire des voies ferrées sur leur domaine. L'objectif est d'améliorer la compétitivité du service et de leur offrir aussi la possibilité de devenir opérateurs ferroviaires de proximité.
Par ailleurs, les sénateurs ont confirmé la compétence de gestion des gares auprès de SNCF Mobilités (article 3). A cette occasion, ils ont adopté un amendement écologiste destiné à favoriser l'intermodalité des déplacements et le cyclotourisme, en permettant l'embarquement des vélos non démontés à bord des trains. "Fixer ce principe dans la loi permettra ainsi de garantir que lors du renouvellement des matériels roulants, cette problématique soit bien prise en compte", ont justifié les auteurs de l'amendement. En ce qui concerne l'article 4 sur le fonctionnement de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf), les sénateurs se sont prononcés pour la suppression du commissaire du gouvernement auprès de cette instance tout en donnant la possibilité à l'Autorité de consulter le gouvernement afin de connaître son point de vue et ses analyses sur les décisions qu'elle doit prendre. Les sénateurs ont aussi modifié l'article 5 concernant SNCF Mobilités afin de mieux prendre en compte la situation du fret ferroviaire dans le contrat conclu entre la nouvelle entité et l'Etat. Ils ont également adopté un amendement du groupe écologiste, sous-amendé par la commission du développement durable, visant à inclure les associations de protection de l'environnement agréées dans la composition du conseil d'administration de SNCF Mobilités. A l'initiative du groupe UDI-UC, le contenu du rapport annuel remis à chaque autorité organisatrice par l'opérateur ferroviaire a en outre été précisé.

Reprise du matériel roulant par les régions et le Stif

Les sénateurs ont modifié par deux amendements l'article 5 bis relatif aux compétences et prérogatives des régions. Un amendement socialiste permet à l’autorité organisatrice régionale de reprendre le matériel roulant, tout en maintenant sa mise à disposition à SNCF Mobilités. Le matériel est alors considéré comme un bien de reprise. Au même titre que les régions, le Syndicat des transports d’Ile-de-France (Stif) doit pouvoir bénéficier de la disposition introduite à l’Assemblée nationale, qui permet aux autorités organisatrices régionales des transports ferroviaires de récupérer, si elles le souhaitent, la propriété des matériels roulant qu’elles ont déjà financés, selon un autre amendement porté par le groupe UDI-UC.
Les sénateurs ont voté en séance en faveur de l'instauration d'un versement transport interstitiel au profit des régions et rejeté un amendement de Frédéric Cuvillier visant à supprimer cette disposition qui avait été introduite en commission (lire notre article ci-contre). Pour le secrétaire d'Etat aux Transports, il s'agit d'un cavalier législatif qui devrait être introduit dans le cadre d'une loi de finances.
A l'initiative du gouvernement, le Sénat a inséré un article 6 bis A prévoyant que tout propriétaire ou exploitant d'une installation radioélectrique s'assure que celle-ci ne porte pas atteinte au bon fonctionnement des circulations ferroviaires. Ils ont aussi voté l'article 6 ter relatif au libre accès aux trains des officiers et agents de police judiciaire en précisant que le non-respect de ces dispositions constitue un délit correctionnel de rébellion.
Ils ont adopté l'article 10 relatif au transfert à SNCF Réseau des biens, droits et obligations attachés aux missions de gestion de l'infrastructure, en votant notamment un amendement prévoyant d’étudier la possibilité de créer un établissement public dédié à la gestion des gares, afin de rompre le lien entre SNCF Mobilités et Gares & Connexions. Ils ont voté l'article 12, relatif à la poursuite des contrats de travail des agents de la SNCF et de RFF, modifié par les amendements de Jean-Jacques Filleul (Soc - Indre-et-Loire) visant au maintien des avantages des salariés de RFF, et du gouvernement allongeant de 6 à 8 mois le délai fixé pour exercer le droit d'option. Ils ont en revanche rejeté par scrutin public un amendement du groupe CRC visant à déclarer le fret ferroviaire d'intérêt général.
Le projet de loi doit à présent faire l'objet d'une commission mixte paritaire CMP (sept sénateurs, sept députés) chargée de trouver une version commune aux deux assemblées.