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Energie - Le Sénat rejette le texte sur la tarification progressive de l'énergie

Le Sénat a rejeté dans la nuit du 30 au 31 octobre la proposition de loi (PPL) du député PS François Brottes visant notamment à instaurer une tarification progressive de l'énergie. La motion d'irrecevabilité déposée par les sénateurs communistes du groupe CRC qui avait été adoptée en commission des affaires économiques le 23 octobre a été votée en séance publique par 187 voix pour (groupes UMP, UDI, CRC et cinq sénateurs non inscrits) et 156 voix contre (groupes socialiste, RDSE et écologique ainsi qu'un sénateur non inscrit).
C'est le premier texte soutenu par le gouvernement à être retoqué par une chambre du Parlement depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir. "Le gouvernement est déterminé à faire aboutir ce texte", a déclaré après le vote la ministre de l'Ecologie Delphine Batho. "Je regrette que des élus de gauche, du groupe communiste, aient pu être instrumentalisés par la droite pour bloquer un texte de justice sociale et d'efficacité écologique", a-t-elle lancé provoquant les protestations des rangs communistes. "Je réunirai les sénateurs les plus impliqués dans quelques jours pour tenter d'aboutir à un compromis", a ajouté la ministre. "Cette motion, si elle représente un obstacle, n'empêchera pas l'adoption du texte", a-t-elle affirmé, sous les applaudissements des sénateurs écologistes.
La ministre avait ouvert l'examen du texte mardi en fin d'après-midi, en souhaitant un "débat constructif et fructueux". Elle avait détaillé le texte qui prévoit l'instauration d'un tarif progressif consistant à facturer la consommation de gaz, d'électricité et de chaleur (quels que soient le fournisseur et le type d'offre souscrite) selon un système de "bonus/malus" ainsi que son volet étendant les tarifs sociaux de l'énergie. "Ceux qui dénoncent une usine à gaz oublient la complexité des réformes dont ils sont à l'origine", a-t-elle alors souligné, visant les sénateurs de droite.

Le système de bonus/malus vivement critiqué


Après la ministre, le président PS de la commission des affaires économiques, Daniel Raoul, a présenté la proposition de loi à la place du rapporteur PS Roland Courteau, qui avait démissionné le 25 octobre après le vote de la motion d'irrecevabilité en commission. Témoignant du malaise régnant même parmi les sénateurs PS qui critiquent la complexité du système et estiment ne pas avoir été écoutés par l'exécutif, il a émaillé sa présentation, notamment du système de bonus/malus, de commentaires tels que "je vous souhaite bien du plaisir", citant aussi une "mise en application très difficile".
C'est ce dispositif de bonus/malus qui a déclenché une pluie de critiques. Les communistes, tout comme le sénateur UMP de l'Orne Jean-Claude Lenoir ont dénoncé ce qu'ils considèrent comme "une rupture d'égalité devant l'accès à l'énergie, sur la base de critères contestables". "C'est injuste et impraticable", a déploré Mireille Schurch, sénatrice CRC de l'Allier.
Roland Courteau avait remanié de fond en comble le système de bonus/malus le rendant "plus lisible" mais pour ajouter à la confusion, le gouvernement avait donné un avis négatif à ses modifications. Le sénateur de l'Aude a vivement combattu la motion d'irrecevabilité s'élevant contre une "majorité de circonstance" PCF-UMP-Centriste. "Cette motion retarde l'adoption de cette PPL et donc des dispositions sociales pour les personnes les plus en difficulté" a-t-il aussi déploré.
"C'est un vote contre l'ouverture des débats sur la transition énergétique" au nom "d'un accord sur le tout-nucléaire", a fustigé le sénateur écologiste de Loire-Atlantique Ronan Dantec, faisant allusion à la position pro-nucléaire du PCF. Le sénateur centriste de Seine-Saint-Denis Vincent Capo-Canellas a dénoncé quant à lui "l'impréparation" du texte.
Après ce rejet au Sénat, la PPL Brottes "visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre", qui est inscrite en procédure accélérée (une lecture par assemblée) va néanmoins poursuivre son parcours parlementaire. Le gouvernement ainsi que les présidents des deux assemblées agissant conjointement (en vertu de l'article 45 de la Constitution) peuvent maintenant convoquer une commission mixte paritaire (CMP) de 7 sénateurs et 7 députés qui soumettra ensuite ses conclusions au vote des deux chambres. Si un accord n'est pas trouvé, ces conclusions seront alors rejetées par le Sénat et le texte à nouveau soumis aux députés et sénateurs. Le gouvernement peut aussi sauter l'étape de la CMP mais en tout état de cause c'est l'Assemblée qui aura le dernier mot.