À l'école, la lutte contre la canicule prend Racine
Le projet expérimental Racine, piloté par Acteé ("action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique") vient d'être lancé dans une quinzaine d'écoles pour mieux lutter contre les grandes chaleurs dans les établissements scolaires.

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Alors que la canicule qui sévit actuellement sur la France a entraîné la fermeture totale ou partielle de plus d'un millier d'écoles ce mardi 1er juillet 2025, un programme lancé récemment se donne pour objectif d'adapter "rapidement" les écoles à la chaleur. Baptisé Racine ("recherche sur l'adaptation aux canicules à l'intérieur de nos écoles"), piloté et financé par Acteé (programme "action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique", coporté par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies-FNCCR), avec un conseil scientifique associant notamment l'Ademe et l'AMF (Association des maires de France), ce projet accompagne depuis juin 2025 quinze écoles représentatives de la diversité géographique et architecturale du parc scolaire français pour expérimenter des solutions concrètes, sobres et reproductibles.
Des écoles inadaptées à la chaleur
Sa méthode consiste, dans un premier temps, à équiper chaque école pilote d'un dispositif d'instrumentation simplifié et accessible – capteurs de température, d'humidité et de CO2 – afin de mesurer en temps réel les conditions thermiques et, plus tard, d'évaluer l'efficacité des actions mises en place. En outre, un référent est formé à la gestion thermique des bâtiments dans chaque école. Mais avant même le lancement des actions, les premières analyses ont montré des situations "préoccupantes". Et pour cause : alors qu'"aucune des écoles pilotes n'est adaptée aux canicules", dans certaines classes, la température atteint jusqu'à 37°C. La présentation du projet indique également que "la température intérieure des salles de classe atteint souvent la même température qu'à l'extérieur".
Et ce constat ne vaut pas que pour les bâtiments les plus anciens. Des écoles construites après 2019 connaissent déjà des problèmes importants de surchauffe liés à leur conception : grandes baies vitrées non protégées, structures retenant excessivement la chaleur, isolation excessive sans protection solaire. Quant aux écoles équipées de climatisation, elles connaissent également des problèmes en raison de systèmes techniques complexes, de pannes fréquentes ou encore de délais de maintenance prolongés.
Des solutions à court et moyen termes
La première phase de Racine va se prolonger jusqu'à fin septembre 2025 par un "suivi rigoureux" avant de laisser place, jusqu'à décembre 2026, à des phases d'évaluation, de capitalisation des retours d'expérience et d'élargissement progressif à d'autres écoles. Les enseignements tirés devraient permettre de fournir aux collectivités des résultats concrets et exploitables rapidement à travers quatre axes de recherche. Tout d'abord sur les solutions de "basse technologie" (protection des classes du rayonnement solaire, ventilation) mises en œuvre pour diminuer la température intérieure des salles. Ensuite, sur l'efficacité et les limites des solutions testées en fonction des types de bâtiments et des contextes climatiques locaux. Par ailleurs, sur les solutions organisationnelles et pédagogiques prises pour améliorer le confort thermique des usagers. Enfin, sur l'analyse des freins et leviers à la mise en œuvre d'une démarche de confort thermique adaptée aux établissements scolaires. À moyen terme, les collectivités pourront s'engager dans des parcours structurés de rénovation énergétique avec, pour priorités, l'isolation thermique, la protection solaire, une ventilation adaptée et des équipements sobres en énergies.
Guillaume Perrin d'Actee - Canicule : "les élus se heurtent autant à un frein psychologique qu'à un mur d'investissement"La canicule qui frappe une majeure partie du pays révèle la forte inadaptation des établissements scolaires aux enjeux climatiques, alors que près de 1.900 écoles ont été fermées mardi 1er juillet 2025, observe Guillaume Perrin, directeur du programme de rénovation énergétique des collectivités (Actee). Avec 12 millions d'élèves et plus de 61.000 établissements, l'école est au coeur des enjeux d'adaptation au changement climatique. Selon Guillaume Perrin, le besoin de rénovation est massif, mais les élus se heurtent autant à un "frein psychologique" qu'à un "mur d'investissement". Pourquoi les écoles sont-elles aussi peu adaptées aux chaleurs ? Guillaume Perrin- Environ 70% des écoles ont été construites après-guerre, entre 1950 et 1970. On a construit vite, de manière assez uniforme, et pas forcément avec les meilleurs matériaux ni les meilleures performances énergétiques. Or dans la trajectoire actuelle du changement climatique, on pourrait avoir les mêmes pics de chaleur à Brest en 2100 qu'à Perpignan aujourd'hui. Les épisodes de canicule ne sont plus restreints au coeur de l'été mais s'étalent de mai à octobre. Comment se traduit cette inadaptation ? G.P : On a lancé en juin le programme de recherche-action "Racine", et on a équipé quinze écoles représentatives du territoire français avec des capteurs de température, d'humidité et de CO2. Le constat est un peu effrayant dans le sens où aucune école n'est adaptée à la canicule actuelle. Des températures supérieures à 30°C ont été couramment relevées dans les salles de classe, même hors période officielle de canicule, et un record de 37°C a été mesuré dans une école. Des écoles très récentes, construites après 2019, connaissent même déjà des problèmes importants de surchauffe liés à leur conception, à savoir de grandes baies vitrées non protégées, et une isolation excessive sans protection solaire qui génère un effet "thermos". Près de 1.900 écoles, publiques et privées, ont été fermées sur environ 48.000, cela peut paraître peu ? G.P : La priorité des maires c'est avant tout l'accueil des enfants, quitte à avoir des journées allégées. Ce chiffre de fermetures ne correspond pas uniquement aux écoles qui posent problème, car bien souvent cette décision est prise en dernier recours puisqu'il faut aussi que les parents puissent faire garder leurs enfants. Comme il n'y a pas de critère de température maximale défini, les décisions se prennent au cas par cas. Quels sont les obstacles rencontrés pour rénover les écoles ? G.P : Jusqu'à présent, on avait tendance à se préoccuper du confort d'hiver. On se rend compte aujourd'hui avec le changement climatique que le confort d'été va devenir la problématique majeure de dimensionnement des bâtiments. Si on veut vraiment agir sur le bâtiment, la priorité c'est l'isolation de la toiture et des murs pour assurer la bonne inertie thermique du bâtiment. Parmi les freins, il y a d'abord une question d'ordre sociétal avec le fait de se dire, pour les élus, qu'on est rentrés dans l'ère du changement climatique, que les canicules vont être beaucoup plus fréquentes qu'avant et qu'il ne suffit pas juste d'attendre une semaine à l'ombre en disant que ça va passer. En 2023, un plan de rénovation de 40.000 écoles d'ici 2034 a été lancé par Emmanuel Macron. Où en est-on ? G.P : Environ 5.000 écoles ont été rénovées, ça marche plutôt bien parce qu'il y a un accompagnement en ingénierie. L'autre difficulté est qu'un mandat de maire dure six ans, dont quatre ans et demi d'actions effectives. Or rénover son patrimoine n'est pas faisable dans un temps aussi court, d'autant que sans accompagnement, il est difficile de s'y retrouver. Il existe un foisonnement de fonds, avec beaucoup d'acronymes, beaucoup de cahiers des charges différents. Par Hélène Duvigneau - AFP |