Archives

Les administrateurs territoriaux veulent "recoudre" les territoires entre eux

Face aux fractures qui affectent les territoires et à leur inégale intégration dans la mondialisation, comment l'action publique peut-elle assurer la cohésion des territoires, en promouvant un développement solidaire qui rapproche espaces dynamiques et en crise ? Tel était le thème de la première table ronde du 28e congrès des administrateurs territoriaux, lundi 3 juillet, à deux semaines à peine de la conférence nationale qui réunira les élus locaux autour du Premier ministre.

Au siège de l'Unesco, la première table ronde du 28e congrès de l'Association des administrateurs territoriaux de France (AATF), lundi 3 juillet, a été l'occasion de revenir sur la "fracture territoriale" et surtout sur les moyens à mettre en œuvre pour la réduire. Comment promouvoir un "développement solidaire des territoires" permettant de "recoudre les territoires" entre eux, métropoles dynamiques, espaces ruraux ou zones périurbaines en déprise ?

"Vengeance des territoires" ?

Philippe Subra, professeur à l'université Paris-8, a rappelé tout d'abord que la solidarité des territoires est un enjeu démocratique. Si les citoyens ont le sentiment que cette solidarité n'est plus effective, des revendications séparatistes peuvent se faire jour, au péril de l'unité nationale, comme en Catalogne, en Italie du Nord ou certains Länder allemands. A cet égard, les votes protestataires qui se sont exprimés lors de la récente séquence électorale en France pourraient constituer une "vengeance des territoires" laissés pour compte par la mondialisation.
Pour le géographe, il n'est pas certain que la stratégie esquissée par l'actuel gouvernement fonctionne. Le pari de s'appuyer sur l'intégration des territoires gagnants dans la mondialisation en espérant que ce phénomène s'étende progressivement aux territoires environnants moins prospères pourrait s'avérer infructueux, avertit-il, et déboucher au contraire sur la création d'îlots de prospérité déconnectés du reste du pays, comme cela est le cas en Grande-Bretagne pour Londres.

Construire une métropole inclusive

Patrick Braouezec, président de l'établissement public territorial (EPT) Plaine Commune au sein de la métropole du Grand Paris (MGP), a quant à lui plaidé pour le "droit à la ville" de tous ses habitants. Il a estimé que la MGP s'était construite sur un "modèle ascendant", inverse de celui que les élus espéraient, et que les lois de réforme territoriale avaient mis les communes en difficulté financière. De ce fait, il considère que la MGP a un rôle déterminant à jouer dans la cohésion sociale des territoires qui la constituent. Et ce d'autant plus que beaucoup de métropoles de rang mondial, comme l'est Paris, sont "construites sur la base de l'exclusion" et sur l'opposition entre des territoires protégés et des ghettos. La construction d'une métropole inclusive est un enjeu pour la MGP, a-t-il insisté.
Les territoires les plus fragiles ont parfois le sentiment de "ne pas compter", a-t-il poursuivi, rappelant comment la construction du stade de France avait changé les rapports entre Saint-Denis et les territoires environnants, tout en en améliorant le dynamisme économique. Les "territoires les plus pauvres n'attendent pas l'aumône", mais qu'on leur donne les moyens de se développer eux-mêmes, a-t-il conclu. A charge pour l'EPT, à son échelle, de favoriser l'embauche locale par les entreprises qui s'installent et de rester maître du foncier pour limiter la gentrification.

Complémentarité des territoires

Pour Jean-Luc Combe, directeur du développement des capacités des territoires au Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), le passage de la notion "d'égalité" à la notion "de cohésion des territoires" opère une clarification des ambitions du gouvernement en matière d'aménagement du territoire (voir notre article du 30 juin ci-dessous). Cette notion de cohésion passe par la reconnaissance de la complémentarité et de l'apport de chaque territoire, et la coopération entre ces derniers, déjà en œuvre dans le cadre du pacte Etat-métropoles, qui implique la signature de contrats de coopération avec les territoires périphériques (voir nos articles des 7 et 8 juillets 2016 ci-dessous) et dans les expérimentations de contrats de réciprocité.
La Caisse des Dépôts, partie prenante du pacte Etat-métropole, est attentive aux mécanismes de solidarité entre ces dernières et les territoires environnants, a rappelé Elisa Vall, directrice de l'appui aux territoires au sein de cette institution ; elle soutient également les contrats de réciprocité. Elle accompagne les territoires dans leur diversité, qu'il s'agisse des métropoles ou des territoires périphériques, espaces ruraux, villes petites et moyennes. A cette fin, elle met ses capacités en matière d'ingénierie territoriale à la disposition des collectivités, notamment par le biais de conventions. Cet appui en ingénierie territoriale vient compléter ses modalités traditionnelles d'intervention financière : prêts et fonds propres.

La politique de cohésion, dans le cadre des nouveaux périmètres définis par la réforme territoriale, sera l'un des sujets abordés lors de la conférence nationale des territoires qui devrait avoir lieu vers la mi-juillet, a annoncé le représentant du CGET en clôture de la table-ronde.

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis