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Sport - Les Assises nationales du sport écartelées entre besoin d'Etat et besoin d'action locale

Réunies ce week-end à Lille, les sixièmes Assises nationales du sport ont témoigné des difficultés d'accès d'une partie de la population aux activités sportives, regrettant le désengagement de l'Etat dans le service public du sport et s'interrogeant sur l'avenir des politiques sportives territoriales.

"L'accès de tous et toutes à la pratique d'activités physiques et sportives dépend de services publics performants : comment garantir ce droit pour tous les sportifs et la population ?" Les 18 et 19 mars, à Lille, les sixièmes Assises nationales du sport (ANS) (1) ont planché sur cette question avec, en filigrane, une interrogation constante : quel service public du sport demain ?
A l'image de Nicole Debotte, présidente des ANS, les participants ont regretté le "démantèlement" de ce qui a fait le service public du sport d'Etat : les directions départementales de la jeunesse et des sports (DDJS), dissoutes dans les directions départementales de la cohésion sociale, et les centres régionaux d'éducation populaire et de sport (Creps), dont 8 sur 24 ont disparu. "Au niveau local, toute une partie de la population n'a plus accès aux activités physiques et sportives, or on considère que celles-ci sont d'intérêt général, répondent à un besoin essentiel de la personne humaine et doivent en cela relever d'un service public", déplore Nicole Debotte.
Dans une période d'élargissement de la décentralisation, les ANS ont ainsi souvent exprimé un besoin d'Etat. Jean-François Boëdec, président de la Fédération nationale des offices municipaux de sports (Fnoms) et adjoint aux sports de Rezé (Loire-Atlantique), pense que "si on veut garantir l'égalité des citoyens face à la pratique, c'est à l'Etat de définir ce que doit être un service public du sport et nous donner les moyens de le mettre en oeuvre. On veut bien accompagner des dispositifs mais on voudrait que l'Etat donne l'exemple et des moyens". Or, selon les protagonistes de ces assises, le rôle de l'Etat aujourd'hui se concentre essentiellement sur l'aide au sport de haut niveau. "On a une caricature de la politique du sport avec ce que fait l'Etat qui mène une politique axée sur le haut niveau et dit aux collectivités 'débrouillez-vous pour le reste'. N'est-ce pas au monde économique d'aider le sport de haut niveau souvent professionnel ?", s'interroge Jean-François Boëdec.

"Il y a la place pour un service public du sport territorial"

Si l'action de l'Etat était au coeur des préoccupations, Pierre Collomb, directeur du Centre de droit du sport-université de Nice-Sophia Antipolis, a lui esquissé, en conclusion de ces assises, les contours d'un service public du sport en deux volets, où les collectivités locales auraient toute leur place. D'une part, un secteur interdisciplinaire "où le service public existe mais mériterait d'être dynamisé" : le sport à l'école, trop éloigné du sport de club, le sport-santé et le sport comme élément de la cohésion sociale. D'autre part, un secteur relevant de la création et de l'innovation pour permettre l'accès à la pratique sportive de proximité. Selon Pierre Collomb, "l'Etat a créé un vide au niveau des actions de terrain, notamment avec la disparition des DDJS". "A mon sens, ajoute-t-il, c'est au niveau territorial qu'il y a la place pour un service public du sport, alors qu'aujourd'hui, il existe souvent un financement public du sport en collectivité mais pas de service public du sport."
Et le juriste de lancer des pistes sur la structure de ce futur service public territorial : "Elle peut être publique mais aussi privée. A la façon des fédérations, on peut concevoir que certaines associations reçoivent une mission de service public dans le cadre d'une politique territoriale. Or la mission de service public des clubs n'a pour l'instant jamais été reconnue. Cela pourrait être l'occasion de redistribuer l'argent attribué au sport."
L'expert relève néanmoins trois difficultés : les disparités territoriales d'abord, en notant toutefois qu'"imposer des standards paraît contradictoire avec les libertés communales" ; ensuite, la pérennisation et la continuité de l'action locale au gré des changements politiques ou la municipalisation du sport ; enfin, le financement . Sur ce dernier point, Pierre Collomb pose des questions centrales comme autant de jalons pour faire avancer le débat : "Quelles activités ont vocation à faire partie d'un service public du sport ? En termes de besoins d'intérêt général, tous les sports sont-ils égaux et apportent-ils autant ?"

Jean Damien Lesay

(1) Les Assises nationales du sport ont pour objet de rassembler des acteurs oeuvrant pour les activités physiques et sportives et l'éducation physique et sportive et désireux de débattre des sujets touchant à l'évolution et à l'avenir du sport ; elles se sont rassemblées pour la première fois en 1991 ; son comité de pilotage comprend des personnalités issues des organismes suivants : Fédération française des clubs omnisports, Fédération nationale des offices municipaux des sports (Fnoms), Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), Syndicat national de l'éducation physique (Snep), Union française des oeuvres laïques d'éducation physique (Ufolep), Union nationale des clubs universitaires, Femix'sport, Fédération française de l'entraînement physique dans le monde moderne (FFEPMM), Société française de médecine du sport (SFMS), Union des centres de plein air (UCPA), Jeunesse au plein air (JPA), CGT commission sport, ainsi que de plusieurs comités régionaux et départementaux olympiques et sportifs (Cros et Cdos).

L'Andes s'est prononcée sur l'organisation des compétences sportives

Une délégation de l'Association nationale des élus en charge des sports (Andes) a été reçue le 8 mars par Jean-Jacques de Peretti dans le cadre de la mission confiée à ce dernier par le président de la République sur la mise en application des schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services suite à la réforme territoriale.
L'Andes a rappelé la nécessité pour les communes du maintien des financements départementaux et régionaux pour les projets d'équipements sportifs, et a fait part des propositions suivantes :
- faire émerger un chef de file selon l'envergure des projets et le domaine d'activité ;
- mener une concertation entre départements et régions avec les communes du territoire concerné pour clarifier leurs politiques sportives respectives ;
- prendre en compte la compétence sportive dans les intercommunalités.