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Cour des comptes - Les compteurs Linky doivent bénéficier davantage aux consommateurs

Dans son rapport 2018 publié ce 7 février, la Cour des comptes alerte l’Etat sur les nouveaux compteurs électriques communicants Linky. Elle souhaite qu’ils soient plus utiles à l’usager en termes de maîtrise de la demande d’énergie et que la rémunération du gestionnaire du réseau d'électricité Enedis, jugée "généreuse", soit revue.

"Tirer pour les consommateurs tous les bénéfices d'un investissement coûteux" : tel est le titre du chapitre que la Cour des comptes consacre, dans son rapport 2018 publié ce 7 février, aux compteurs électriques communicants Linky qui suscitent parfois la défiance du public.
La juridiction financière commence par rappeler l’utilité de la modernisation des compteurs électriques, notamment pour pouvoir évaluer la consommation sur un nombre suffisant de plages horaires. Après une période d’expérimentation auprès de 300.000 consommateurs, les pouvoirs publics ont pris la décision de remplacer d’ici 2024 les 39 millions de compteurs électriques installés chez les particuliers et les professionnels alimentés en basse tension par de nouveaux compteurs dits communicants. Avec ces appareils, la consommation est mesurée et transmise directement jusqu'au fournisseur d'électricité, permettant une facturation plus précise et ne nécessitant plus le passage d'un technicien pour relever le compteur. Des interventions peuvent aussi être réalisées à distance.

Un dispositif coûteux pour le consommateur

Enedis (ex-ERDF, filiale à 100% d’EDF) a la charge d’installer, pour sa zone de desserte qui couvre 95% des consommateurs, les compteurs appelés Linky. Au 30 septembre 2017, 6,3 millions de ces compteurs étaient déjà posés. Au total, le nouveau dispositif représente pour Enedis et les autres distributeurs un investissement de près de 5,7 milliards d’euros courants, soit environ 130 euros par compteur installé. Mais, relève la cour, il est in fine payé par le consommateur puisque tout investissement en matière de réseau de distribution et de transport est pris en compte dans le calcul de la redevance d’acheminement comprise dans le montant de la facture d’électricité du consommateur.
Coûteux pour l’usager, le déploiement du nouveau compteur s’avère en revanche avantageux pour Enedis, pointe la cour. Si elle respecte ses objectifs de délais et de performance, la filiale d’EDF bénéficiera en plus de la prise en charge de l’investissement d’un bonus annuel de 2% environ de la valeur des actifs, détaille le rapport. Par ailleurs, la facturation aux consommateurs du surcoût résultant de l’investissement Linky sera différée, en attendant que les économies rendues possibles par le nouveau système bénéficient à l’ensemble des acteurs. De surcroît, juge la cour, ce préfinancement du système par Enedis jusqu’en 2021 lui est aussi très favorable car, ayant emprunté à un faible taux, le distributeur bénéficiera, au titre de l’avance qu’il a effectuée, d’une marge de l’ordre de 500 millions d’euros. La cour demande donc à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de faire évoluer le dispositif de différé tarifaire pour en réduire le coût pour le consommateur et de revoir la régulation incitative pour réduire la rémunération maximale dont pourrait bénéficier Enedis.
Outre la réduction de la rémunération d'Enedis, les Sages de la rue Cambon appellent à "mettre le consommateur au centre du dispositif". Ils jugent d’abord que la communication sur deux sujets sensibles aux yeux de l’opinion - les risques sanitaires liés à l’émission d’ondes électromagnétiques et ceux relatifs à la protection de la vie privée, du fait de la centralisation des données individuelles détaillées de consommation - a été insuffisante alors que les organismes compétents - Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) - ont assuré que ces risques étaient maîtrisés.

Meilleure maîtrise de la demande d'énergie

Surtout, relève la cour, les bénéfices que les consommateurs pourront tirer du nouveau compteur "seront notamment la conséquence de la meilleure maîtrise de leur demande d’énergie", rendue possible par une connaissance plus détaillée de leur consommation électrique. Mais cette connaissance nécessite soit des équipements supplémentaires pour afficher la consommation sur un écran plus accessible que le compteur électrique (afficheur déporté), soit la généralisation d’applications Iiternet. Or, note la cour, la diffusion de ces moyens est très insuffisante, notamment parce que les afficheurs déportés ne sont installés systématiquement que pour un nombre réduit d’usagers (consommateurs précaires). "Il convient donc de développer les actions de maîtrise de la demande d’énergie, et notamment de la demande de pointe, et de permettre le développement de la concurrence entre fournisseurs d’électricité pour que les usagers tirent tous les bénéfices des compteurs communicants", conclut la cour. Au final, elle recommande à l’Etat de mettre en place "un véritable pilotage du programme portant sur toutes ses composantes, et notamment la maîtrise de la demande d’énergie" et à Enedis de "définir un plan d’actions pour valoriser toutes les potentialités du programme Linky".
La filiale d’EDF a réagi ce mercredi, dans une déclaration à l'AFP, en assurant "que la rémunération du projet Linky est à la hauteur des risques de ce projet ambitieux" et en disant respecter "les objectifs fixés". Elle assure en outre, tout comme la CRE, que le surcoût de l'installation des compteurs est compensé par les gains qu'il doit apporter aux clients. La CRE a aussi défendu dans un communiqué un projet "largement bénéficiaire" à l'échelle du pays et justifié les mécanismes critiqués par la Cour des comptes, notamment le "différé tarifaire". Le régulateur souligne aussi que les incitations financières à respecter les coûts et les délais encouragent "Enedis à réussir le projet et à éviter toute dérive".

 

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