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Education - Projet de loi Refondation de l'école : le débat a débuté à l'Assemblée

Le débat parlementaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a débuté lundi 11 mars à l'Assemblée nationale, avec un texte largement amendé en commission. Le vote final des députés est prévu pour le mardi 19 mars. Le texte sera ensuite examiné au Sénat en avril, pour une adoption définitive au début de l'été.

L'Assemblée nationale a entamé lundi 11 mars une semaine de discussions sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, pièce maîtresse de la politique de Vincent Peillon. Le texte a été adopté en commission des affaires culturelles après l'examen de 661 amendements, dont seulement 150 ont été retenus, les autres reviendront en séance parmi les quelque 1.400 amendements déposés.

Les principaux points du texte

A noter, parmi les principaux points du texte qui seront débattus : la création du fonds d'amorçage destiné à aider les communes pour mettre en oeuvre les activités périscolaires (pour rappel, l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires fait l'objet d'un décret, déjà publié, au JO du 26 janvier dernier).
Il sera également question de la relance de la scolarisation des moins de trois ans, encouragée dans les secteurs d'éducation prioritaire, les secteurs ruraux isolés et les DOM-TOM, ainsi que la mise en place du principe "plus de maîtres que de classes" dans les écoles primaires des zones défavorisées.
Sur la création des 60.000 postes promis sur la durée du quinquennat de François Hollande, 14.000 bénéficieront au primaire dont 7.000 pour le "plus de maîtres que de classes", en particulier dans les Rased (réseaux d'aide aux enfants en difficulté), 3.000 pour l'accueil des moins de trois ans, 4.000 pour améliorer "l'équité territoriale"*.
Le texte prévoit également la création d'un service public de l'enseignement numérique et de l'enseignement à distance, dont l'objet est de prolonger les enseignements, communiquer avec les familles, offrir des ressources pédagogiques aux enseignants et permettre d'instruire à distance des élèves handicapés. Dans ce cadre, les collectivités seront responsables de la maintenance des équipements.
La loi rétablirait la formation des enseignants (supprimée en 2010) avec la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé). Elle instaurerait également l'enseignement moral et civique et les enseignants seraient invités à intégrer les langues et cultures régionales dans leur enseignement. Le rapport annexé au projet de loi souhaite également que la devise de la République et le drapeau tricolore soient apposés sur tous les établissements scolaires (pour l'heure, cet amendement ayant été intégré au rapport annexé au projet de loi, il n'aura pas de caractère obligatoire).
Ces deux derniers points ont été ajoutés en commission, ainsi que les mesures accordant plus de moyens aux Rased. Le travail en commission a été bien plus vaste.

Détail des amendements de la commission

Rien qu'à l'article premier, près d'une trentaine d'amendements ont été adoptés, dont une bonne partie intéressent de près ou de loin les collectivités : langues régionales, éducation à l'environement dans les projets éducatifs territoriaux, maintien du dispositif Rased, ouverture du débat sur les rythmes éducatifs à l'année scolaire, sensibilisation aux jeux dangereux (jeux du foulard, notamment), encourager le bio dans les cantines, encourager la co-éducation école/parents/collectivités/associations, reconnaître la participation des mouvements d'éducation populaire…
Dans l'ordre d'apparition dans l'article 1, et dans le détail, il est ainsi rendu "obligatoire le raccordement de chaque école et établissement scolaire au réseau très haut débit" (modification de l'alinéa 172).
A propos de la formation des enseignants, il faudrait désormais ajouter "le dépistage des troubles du comportement et du langage" et la "spécificité de l'enseignement de l'expression écrite ou orale et de la lecture en français dans les départements, les collectivités et les territoires ultra marins" (ajout à l'alinéa 57).
La commission apporte des précisions sur l'organisation du parcours de l'éducation artistique et culturelle : "Ce parcours doit s'appuyer sur les apports conjugués de l'institution scolaire et de ses partenaires [...]. Il doit être l'occasion de mettre en place des pratiques pédagogiques coconstruites innovantes et actives [...]. Il faut mieux structurer ce partenariat et travailler à une complémentarité entre [...] temps scolaire et temps éducatifs complémentaires." (Alinéa 85.)

Encouragement à l'apprentissage d'une langue régionale

A l'alinéa 88, il est précisé que "la précocité de l'exposition et de l'apprentissage en langue vivante étrangère et régionale est un facteur de progrès en la matière." De plus, "dans les académies concernées", l'apprentissage d'une langue régionale et le bilinguisme seront encouragés "dès la maternelle". Sera également encouragée (alinéa 90) "la fréquentation d'oeuvres et de ressources pédagogiques en langue étrangère ou régionale".
Après ce même alinéa 90, il est ajouté un alinéa notant qu'il est "souhaitable que l'école permette que chaque élève ait l'occasion de partir en voyage scolaire à l'étranger au moins une fois au cours de la scolarité obligatoire".
Sont ajoutés également deux alinéas pour que l'éducation à l'environnement "trouve la place [qu'elle] devrait avoir au sein de la scolarisation des élèves". Cette éducation "doit se faire sous la forme d'un parcours éducatif pluridisciplinaire [...] pouvant inclure des expériences concrètes", et elle doit être "articulé[e] aux projets éducatifs territoriaux".
Il est précisé à propos de l'élaboration de la carte scolaire dans les territoires ruraux et de montagne que "les autorités académiques ont un devoir d'information et de concertation avec les exécutifs locaux" (alinéa 110). Un amendement non adopté, mais qui devrait revenir en séance, donnait une valeur législative à la "charte" qui prévoit que "l'Etat informe et concerte les partenaires locaux [...] avant toute modification de la carte scolaire", notamment en milieu rural, où une commune peut ouvrir une classe, faire des travaux importants, et la voir fermer par l'académie l'année suivante. Charte qui n'a pas été respectée. Le débat porte sur la formulation du délai que l'autorité académique devrait respecter.

Maintien des Rased

A l'alinéa 111, il est précisé que "les spécificités des missions et du fonctionnement des Rased seront réexaminées dans une logique de complémentarité avec l'ensemble des dispositifs d'aide". Il s'agit d'assurer le maintien du dispositif.
A l'alinéa 118, il est précisé que la réforme des rythmes doit "rendre effective l'interdiction formelle des devoirs écrits à la maison pour les élèves du premier degré".
A l'alinéa 120, il est précisé que la réforme des rythmes scolaires ne doit pas concerner que la semaine, mais que doit s'ouvrir "rapidement" le débat sur le "temps éducatif de l'enfant" en prenant en compte l'ensemble des paramètres, y compris le nombre de semaines de classe dans l'année.
Il est ajouté, après l'alinéa 220, un autre sur les jeux dangereux. "Tous les élèves doivent suivre au moins une séance de sensibilisation dans les écoles primaires et au collège" et les équipes éducatives y "sont sensibilisées".
Un autre alinéa est ajouté pour "encourager l'introduction et la généralisation de l'alimentation biologique et locale dans la restauration collective".
L'alinéa 240 doit permettre de "redynamiser le dialogue entre l'école et les parents, les collectivités territoriales et le secteur associatif". L'alinéa 241 assure la promotion de la "co-éducation" qui "doit trouver une expression claire dans le système éducatif et se concrétiser par une participation accrue des parents à l'action éducative". Ceux-ci doivent voir leur place reconnue "au sein de la communauté éducative".
L'alinéa 246 est modifié pour développer le partenariat de l'école avec "le secteur associatif ainsi que le mouvement d'éducation populaire" dont il n'était pas fait mention dans le projet de loi.

Au-delà de l'article 1

Concernant l'accueil des très jeunes enfants (article 5), la commission demande qu'il vise également "leur développement moteur, sensoriel et cognitif" et que l'éducation artistique et culturelle (article 6) soit organisée "après un dialogue avec la famille de l'enfant". Les membres de la commission ont en revanche refusé de supprimer le dernier alinéa de l'article L.121-6 du Code de l'éducation qui dispose que "les enseignements artistiques font partie intégrante de la formation scolaire". Ils estiment qu'"ils ne se confondent pas avec l'éducation artistique et culturelle", mais, qu'avec d'autres enseignements, ils "en constituent le fondement". Ils considèrent par ailleurs que les activités physiques et sportives contribuent "à l'éducation à la santé et à la sécurité".
A l'article 12, une nouvelle rédaction de l'alinéa 2 inclut les dépenses "afférentes aux services et ressources numériques spécifiquement conçus pour un usage pédagogique" dans les dépenses de fonctionnement et la fourniture de manuels scolaires que l'Etat prend en charge dans les collèges (et, pour certaines, dans les lycées professionnels).

Ouverture des collèges en dehors du temps scolaire

A l'article 15, un amendement étend aux collèges la possibilité d'ouvrir les lycées à d'autres acteurs en dehors du temps scolaire. Les lycées doivent être ouverts "aux citoyens, notamment dans des objectifs d'intérêt général", qui peuvent concerner la formation continue, et impliquer l'intervention d'entreprises ou d'organismes de formation continue, mais aussi "à l'éducation populaire, à la vie citoyenne et aux pratiques culturelles et artistiques".
La commission propose d'insérer un article complémentaire (article 18 bis) prévoyant que les activités complémentaires organisées par les collectivités dans les établissements scolaires peuvent porter "sur la connaissance des langues et des cultures régionales".
Un autre (article 25 bis) ferait évoluer les articles du Code de l'éducation relatifs à l'information et à l'orientation des élèves et instaure "la mise en place, tout au long du second degré, d'un parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde professionnel pour tous les élèves". Cela se fait "avec l'aide des parents, des enseignants, des personnels d'orientation et des autres professionnels compétents", et avec la contribution des administrations, des organisations professionnelles, des entreprises et des associations.
L'article 27 bis ajouté par la commission est celui qui invite les professeurs "à intégrer les langues et cultures régionales dans leur enseignement [...] notamment pour l'étude de la langue française".

Des activités "périscolaires" aux activités "éducatives complémentaires"

A l'article 30, un amendement précise que l'école maternelle "est adaptée aux besoins des élèves en situation de handicap". Un autre encore prévoit que le gouvernement remettra chaque année aux commissions parlementaires "un rapport spécifique sur la scolarisation des enfants de deux à trois ans".
C'est à l'article 31 qu'un amendement précise que l'éducation au numérique doit commencer "dès le plus jeune âge", tout comme l'"éducation à l'égalité de genre". Et qu'à la connaissance de l'hymne national devrait s'ajouter celle de l'hymne européen.
Un amendement à l'article 40 propose que "dans les zones d'éducation prioritaire, les conseils d'école-collège associent les acteurs de la politique de la ville". Les auteurs de cet amendement notent que "l'entrée en 6e est encore plus délicate dans les zones d'éducation prioritaire". Par ailleurs, le Code de l'éducation prévoit déjà que "les établissements scolaires organisent des contacts et des échanges avec leur environnement économique, culturel et social". Un amendement ajoute "particulièrement dans les zones d'éducation prioritaire".
A l'article 46, un amendement remplace les mots "activités périscolaires", trop restrictifs, par "activités éducatives complémentaires".
A l'article 51, un amendement de la commission suggère que les Espé (écoles supérieures du professorat et de l'éducation) intègrent également dans leurs équipes "des professionnels intervenant dans le milieu scolaire".
Après l'article 59, un dernier article prévoit qu'un décret instituera "un comité de suivi chargé d'évaluer l'application de la présente loi" qui transmettra chaque année son rapport au Parlement.

Valérie Liquet avec ToutEduc et AFP

* Plus globalement, sur les 60.000 créations de postes promises, 54.000 iront dans l'éducation, 5.000 dans l'enseignement supérieur et 1.000 dans l'enseignement agricole. Près de la moitié (27.000) ira à la formation des enseignants. Pour rappel, environ 80.000 postes ont été supprimés dans l'éducation entre 2007 et 2012.

Des grèves en toile de fond

Trois jours avant le début de la discussion parlementaire, le 8 mars, quatre fédérations d'enseignants, minoritaires, appelaient à une nouvelle grève nationale, le 28 mars, pour exiger l'abrogation du décret sur les rythmes scolaires et l'ouverture de négociations sur les salaires et les conditions de travail. La Ferc-CGT, la Fnec-FP FO, Sud Education et la CNT Education (anarcho-syndicaliste) estiment également que le projet de loi "va dans le sens d'une territorialisation de l'école et d'un éclatement du cadre de référence nationale avec le pilotage des cartes de formation professionnelle et la prise en charge des services d'orientation par les régions", ainsi que "le transfert aux collectivités locales de missions dans le premier et le second degré".
A Paris, les syndicats présentent un front uni pour exiger un report de la réforme à 2014. L'intersyndicale SNUipp-FSU, FO, SE-UNSA, Sud, CGT et CNT appellent les enseignants à une nouvelle grève le 25 mars, jour où le Conseil de Paris devrait se réunir sur le sujet.

AFP