Archives

Transports - Les députés cherchent à aménager la réforme européenne du rail

Une résolution parlementaire annonce la couleur de la future architecture française du rail. La stricte séparation entre le gestionnaire d'infrastructure et le transporteur est édulcorée.

Après maints atermoiements, Bruxelles a fini par accepter le maintien des groupes ferroviaires abritant dans leur giron le gérant de l'infrastructure et l'entreprise de transport. Une reculade que la Commission européenne contrebalance en introduisant une muraille de Chine entre les deux entités.
Sur le principe, le projet de loi ferroviaire français, attendu en juin, doit s'y conformer. Mais, dans le détail, le pays veut se concocter une formule qui maintienne une certaine interaction entre le gestionnaire de réseau RFF et la SNCF. Une copieuse résolution du rapporteur Gilles Savary (PS), adoptée en commission parlementaire le 3 avril, donne l'éclairage des parlementaires sur les six textes soumis par Bruxelles fin janvier.

Bénéfices du transporteur affectés au gestionnaire d'infrastructure

Le député socialiste prend soin d'interpréter la séparation entre les entités de manière souple. Les règles de stricte indépendance financière et comptable doivent être "aménagées" suggère le texte, afin que les bénéfices des entreprises de transport de la holding puissent être affectés au gestionnaire des rails pour faciliter ses investissements. Les transactions en sens inverse resteraient en revanche interdites, afin d'éviter le développement commercial déloyal du transporteur historique par rapport à ses concurrents.
La séparation physique des deux entités est aussi débattue. Pour limiter les risques de collusion, la Commission européenne souhaite que les lieux de travail des personnels de la holding soient bien distincts. Une "contradiction manifeste" avec le régime appliqué aux entreprises séparées, s'étonne Gilles Savary. Ces dernières peuvent se charger de "travaux spécifiques de développement, de renouvellement et d'entretien" des infrastructures en agissant comme sous-traitants.
Même raisonnement sur l'accès au marché. Les Etats peuvent empêcher la circulation des trains d'une compagnie rattachée à une holding si la Commission décide que le groupe ferroviaire en question ne présente pas toutes les garanties d'indépendance demandées par Bruxelles. La fermeture du marché peut même intervenir pendant l'examen des documents.

Tramways allemands

Des options que le rapporteur "récuse",  évoquant un "traitement discriminant" des entreprises intégrées. "Les procédures de contrôle, de traitement de litige ou des réclamations doivent porter sur la conformité aux principes de transparence indépendamment du statut", estiment les députés.
Sur la mise en concurrence, les élus jonglent entre la volonté d'éviter les contrôles trop tatillons de Bruxelles sur les subventions aux transports, tout en maintenant l'ouverture à la concurrence.
En clair, ils excluent l'obligation de notifier les aides aux transports - une évolution qui tente la Commission -, mais refusent d'exempter les tramways de la mise en concurrence. Un tacle à peine voilé à l'Allemagne, dont le marché des tramways n'est pas libéralisé.

Marie Herbet / EurActiv.fr

Risque de dumping social ?

Dans ses propositions, la Commission européenne n'aborde pas la réforme dans sa dimension sociale. Si la SNCF perd un contrat de service public, les nouveaux entrants pourront toutefois reprendre les personnels avec le maintien des mêmes conditions salariales. Mais le libre choix prévaut : les autorités publiques peuvent ne pas imposer cette exigence au nouveau concessionnaire.
Dans les faits, le risque de dumping social existerait non pas sur les conducteurs, mais sur "les personnels de bord". Pour les députés, l'exercice de leur métier devrait être soumis à une "certification" à l'échelle de l'UE. M.H.