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Fonds européens - Les fonds sociaux, réceptacles des tensions budgétaires sur la PAC

Bruxelles amorce un virage contesté, où le Fonds social européen dédié à la formation se recyclerait dans l'aide alimentaire pendant que le soutien prévu pour les salariés licenciés profiterait largement aux agriculteurs.

Déshabiller Pierre pour habiller Paul. C'est la méthode à laquelle la Commission européenne semble se livrer pour maintenir son intervention dans le champ social tout en ménageant les Etats en quête de gel budgétaire. La bataille, toujours pendante, sur l'aide alimentaire s'est fondée sur le financement contesté de ce programme par la politique agricole commune.
Or, dans ses propositions pour 2014-2020, la Commission propose de transférer cette mission au Fonds social européen (FSE), dédié à la formation et l'insertion professionnelle. Quelque 2,5 milliards d'euros seraient ponctionnés à cette fin sur les 84 milliards prévus pour le FSE. Un choix qui n'est pas du goût de tout le monde. Refusant le prélèvement opéré sur le FSE, Elizabeth Morin-Chartier, eurodéputée du PPE souhaite que ce fonds reste "l'outil d'intégration sociale par l'intégration professionnelle".
Inversement, l'utilisation faite du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation suscite des remous. D'un montant de 500 millions d'euros annuels, cet instrument créé en 2006 est jusqu'ici dédié à l'accompagnement des personnes dont le licenciement est lié aux "modifications de la structure du commerce mondial". Il est par exemple intervenu à plusieurs reprises après les restructurations intervenues chez le constructeur automobile Peugeot en France, comme pour la fermeture d'une usine d'Unilever en République tchèque ou auprès des 2.834 salariés licenciés par la branche belge de General Motors et ses fournisseurs.

Gatt et OMC

Dans ses propositions publiées début octobre, la Commission européenne propose d'étendre le dispositif aux agriculteurs, considérés comme "travailleurs indépendants". "On va demander au social de payer le prix des accords de libre échange signés par l'UE dans le secteur agricole", regrette Pervenche Berès, eurodéputée socialiste. Le fonds viendrait en effet en aide aux agriculteurs dont l'activité fait les frais d'accords commerciaux sciemment conclus par l'UE dans le cadre du Gatt (General agreement on tariffs and trade) ou de l'Organisation mondiale du commerce. Et la balance budgétaire penche fortement du côté des agriculteurs, qui pourraient percevoir un maximum de 2,5 milliards d'euros sur les 3 milliards prévus.
Une situation qui irrite la Confédération européenne des syndicats : "Les fonds dédiés au développement rural financent déjà des actions pour l'emploi", fait remarquer Claude Denagtergal, conseillère au sein de l'organisation, pour qui le fonds d'ajustement à la mondialisation devrait être compris dans le budget du FSE. "Mais il semble que la Commission redonne aux agriculteurs ce qu'elle retire de la PAC", poursuit-elle. Tant et si bien que les services de la Commission européenne en charge de l'agriculture pourraient prendre la main sur la gestion de ce fonds, jusqu'ici propriété de la direction générale à l'emploi.