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Les intercommunalités s'érigent en moteurs de la relance

Le plan de relance ne fonctionnera pas sans une "territorialisation", ont une nouvelle fois martelé les responsables de l'Assemblée des communauté de France, mercredi. La crise actuelle a redonné du poids aux enjeux - notamment de relocalisation - qu'ils défendaient déjà dans le cadre du pacte productif et à leur idée de "contrats globaux" de bassins de vie.

Hier aux avant-postes pour réclamer un "pacte productif", les intercommunalités se sentent aujourd’hui toute la légitimité nécessaire pour participer de plain-pied à la relance du pays. "Les intercos ont été au coeur de la crise, sont acteurs à la sortie de la crise et sont également des acteurs clés des territoires pour la relance à partir de maintenant et plutôt de cet automne", a martelé Jean-Luc Rigaut, le président de l’Assemblée des communautés de France (ADCF), mercredi 27 mai, à l’occasion d’une conférence de presse organisée en visioconférence (voir aussi notre article du 27 mai sur les volets finances locales et élections municipales). "On a toujours plaidé pour un cadre national et pour laisser ensuite les territoires libres des adaptations locales. On a vu l’efficacité de cela", a-t-il ajouté, louant le travail de la "conférence des maires", notamment pour l’achat de masques.

Le président du Grand Annecy en a profité pour adresser ce message au gouvernement : "Ce Covid aura accéléré les travaux pratiques de cette loi (3D) : laissez faire les intercos, laissez-nous animer les territoires, cadrez cet ensemble national et tout ira bien."

Relocalisations

Au-delà des nombreuses actions qu’elles ont mis en place pour soutenir leurs entreprises dans une économie à l’arrêt (commerce, artisanat, BTP…), les collectivités – en particulier les intercommunalités – disposent de deux leviers majeurs : la commande publique et le foncier qui constitue "le nerf de la guerre", a souligné Virginie Carolo, vice-présidente de l’ADCF et présidente de Caux Seine Agglo Les collectivités et leurs groupements représentent 60% de la commande publique, 4 fois la part de l’État, selon les chiffres de l’associations. Et parmi les collectivités, la part des communes s’élève à 47% et celle des intercommunalités à 22%. Alors qu’il est beaucoup question de relocalisations, ce sont aux intercommunalités d’"offrir du foncier adapté, en lien avec les règles environnementales", a souligné l’élue. "La sécurisation des approvisionnements est devenue une préoccupation première des entreprises du territoire. C’était déjà un enjeu du pacte productif", a-t-elle rappelé, soulignant le travail accompli au côté des régions dans les 148 Territoires d’industrie en dix-huit mois. "La clé, la territorialisation, passe aussi par la constitution d’écosystème" et le couple "région-interco est l’ensemble parfait pour pouvoir bâtir la politique industrielle de demain", a-t-elle insisté, prenant l’exemple du plan automobile présenté par le chef de l’Etat mardi (voir aussi notre article). "Ces territoires devront mettre en place l’accompagnement des moteurs électrique en France."

Le troisième étage du fonds de solidarité arrive "un peu tard"

L’ADCF a également rebondi sur le vif débat de la répartition des compétences économiques, alors que le gouvernement est venu sèchement rappeler aux départements, par une circulaire du 5 mai, les contours stricts de la loi Notr du 7 août 2015. "Nous avons toujours recommandé de s’inscrire dans la loi Notr", a rappelé Nicolas Portier, le délégué général de l’association. À savoir que les intercommunalités peuvent aider les entreprises par délégation de la région ou bien uniquement dans leur champ de compétence : l’immobilier d’entreprise. Les départements, eux, aimeraient desserrer le corset de cette loi, afin de soutenir les entreprises locales en période de crise sanitaire, ce qui leur a déjà été reconnu pour les catastrophes naturelles avec la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019. Car font-ils valoir, leur participation éventuelle aux fonds national de solidarité ne leur donne aucune traçabilité des aides reversées… Alors le gouvernement propose une sorte de compromis : transformer les fonds mis en place par les régions (avec l’aide de la Banque des Territoires, des métropoles et souvent des départements) en une sorte de troisième étage du fonds de solidarité État-région, ce qui permettrait de territorialiser les aides et autoriserait leur imputation en investissement. Mais "c’est un peu tard", juge Nicolas Portier. "Les fonds régionaux ont déjà été créés. On est en train de passer à une autre étape. On était sur des fonds en avances remboursables. Maintenant il faut des interventions plus en subventions et en fonds propres" pour redonner de la perspective. "Il aurait fallu l’annoncer plus tôt", estime-t-il.

Contrats globaux de bassins de vie

Pour ce qui est des modalités d’actions, alors que les régions proposent de s’appuyer sur les futurs contrats de plan État-région, l’ADCF plaide pour des "contrats globaux" à l’échelle des bassins de vie. Des "pactes territoriaux de relance et de croissance" qui devront être signés pour la fin de l’année, dans le cadre des grandes programmations pluriannuelles (CPER, fonds structurels 2021-2027). "On ne peut plus faire du saupoudrage n’importe comment et faire des décisions aveugle", a souligné Charles-Éric Lemaignen, premier vice-président de l'ADCF, rappelant que l'association préconise depuis 2014 la tenue d'assises de l'investissement.

"S’il n’y a pas une territorialisation de ces plans de relance, ça ne fonctionnera pas. L’État et les collectivités sont complètement liés pour la réussite de ces plans de relance", a prévenu l'ancien président de l'agglomération orléanaise, demandant de la "lisibilité" sur la compensation de leurs moyens (voir notre article). Et une menace tenace pèse sur elles : la baisse des impôts dits de production. "C’est un chiffon rouge", a martelé Charles-Éric Lemaignen. Mais cette demande n’émane pas que du patronat français. C’est une des recommandations pressantes de la Commission européenne.