Archives

Sécurité civile - Les pompiers, des bédouins dans le désert médical

Le nombre de sapeurs-pompiers volontaires s'est stabilisé en 2011 pour la première fois, selon l'enquête annuelle des Sdis présentée par l'ADF le 14 novembre. Dans un contexte d'augmentation du secours à personne, une plus grande sollicitation conduirait à leur "professionnalisation", met en garde l'enquête. Les présidents de Sdis s'inquiètent par ailleurs des conséquences des déserts médicaux sur leur action.

Pour la première fois en 2011, les volontaires, qui représentent 80% des effectifs des sapeurs-pompiers en France, ont vu leurs effectifs se stabiliser. Après des années de déperdition, leur nombre a frôlé l'équilibre, avec seulement 252 volontaires en moins (sur plus de 195.000). C'est ce que révèle le nouvel état des lieux du cabinet Lamotte présenté à l'occasion de la journée nationale des Sdis  organisée par l'Assemblée des départements de France (ADF), le 14 novembre à Paris. Par ailleurs, les volontaires semblent de plus en plus fidélisés. De l'ordre de 19%, le turn-over des effectifs est "parfaitement stable depuis trois ans", constate l'étude. "C'est certainement une mutation sociale majeure à prendre en compte au niveau local et au niveau national", souligne le cabinet. L'enquête conforte la très forte proximité des effectifs de volontaires : 73% d'entre eux vivent à moins de huit minutes de leur centre de secours. Mais paradoxalement, ils assurent de plus en plus de garde de jour en semaine, et de moins en moins le week-end. "Il faut d'abord positionner les professionnels dans les endroits et les moments où vous avez des difficultés et pas l'inverse", a mis en garde Mathieu Lamotte, consultant du cabinet Lamotte. "Une plus grande sollicitation individuelle des sapeurs-pompiers volontaires conduirait à leur 'professionnalisation' dans le sens où leur activité pourrait être considérée comme du temps de travail", alerte aussi l'enquête, en pleine révision sur la directive de 2003 sur le temps de travail.
Du côté des professionnels, c'est l'inverse. Après une forte croissance dénoncée dans des rapports parlementaires et par la Cour des comptes, l'heure est bel et bien à un tassement. Leur nombre a augmenté de 0,4% en 2011 et les projections sont d'une progression de 0,5% entre 2011 et 2013. "On assiste à une maîtrise de l'ensemble de la masse salariale" chez les professionnels, a insisté Mathieu Lamotte. En 2011, les personnels administratifs et techniques ont eux aussi augmenté de 1,3%. L'augmentation devrait être de 0,6% d'ici à 2013.
Le poids que représente la charge salariale pour les départements est de 72 euros par habitant. Cette charge incite à "s'interroger sur les conditions de son financement, pour lequel il pourrait être envisagé de faire appel à la fiscalité", propose l'ADF, dans un communiqué.

Forte progression du secours à la personne

Cette stabilisation des effectifs doit être mise en parallèle avec l'augmentation continue du nombre d'interventions depuis 2005. Celles-ci sont passées de 3.052.753 à plus de 3.637.466 en 2011, avec, certes, un ralentissement depuis trois ans. Cette forte progression tient au secours à la personne qui a enregistré 724.600 interventions de plus dans l'intervalle, quand les autres types d'intervention (incendie, secours routiers, etc.) ont diminué. Des chiffres que Claudy Lebreton le président de l'Assemblée des départements de France a mis sur le compte d'une "société individualiste". "Certains citoyens ont un comportement de consommateurs, il ne faut pas être surpris que cela nous impacte", a-t-il commenté.
Effectifs en voie de stabilisation, interventions en hausse : la profession se dit à flux tendu alors que des points noirs, comme les interventions en carence des ambulances et du Samu, ne sont toujours pas réglés malgré les référentiels de 2009. Les présidents de Sdis de plaignent en plus de l'effet des fermetures d'hôpitaux sur le coût des transports. "Les pompiers sont devenus les dromadaires de ces déserts médicaux, il va falloir s'adresser au Qatar", a amèrement plaisanté le président du Sdis de l'Hérault Michel Gaudy. Dans un contexte de restrictions budgétaires, "la seule variable qui existe sur les territoires, ce sont les sapeurs-pompiers", lui a répondu Yves Rome, le président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (Cnsis). "Je crains que les déserts médicaux continuent à prospérer." Un groupe de travail doit être mis en place au sein du ministère de l'Intérieur pour clarifier les compétences de chacun. Les départements y seront associés.
Cependant lors du dernier congrès des pompiers à Amiens, fin septembre, le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, le colonel Eric Faure avait accusé le ministère de la Santé de vouloir se lancer seul "dans la déclinaison de l'engagement présidentiel de garantir à tout citoyen des soins d'urgence en moins de trente minutes", sans concertation avec les Sdis. Depuis, la ministre de la Santé Marisol Touraine a dit vouloir ouvrir le dialogue. "C'est la première fois qu'un ministre de la Santé a décidé de participer au dialogue, on ne va pas s'en plaindre", s'est félicité Claudy Lebreton.  

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis