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Sécurité civile - Sécurité civile : "le payeur doit aussi être le décideur"

Dix ans après la départementalisation du secours, un rapport sénatorial met en lumière la faiblesse des investissements de l'Etat par rapport aux conseils généraux. Il répond à une ancienne demande des départements : qui paye commande. A court terme, le rapport alerte sur l'urgence du renouvellement de la flotte d'avions.

"Revient-il véritablement aux pompiers de jouer le rôle d'un ‘Samu social bis' auprès de sans domicile fixe par exemple ?" Après le cri d'alarme des sapeurs-pompiers face à l'augmentation du nombre d'interventions et la stagnation du nombre d'effectifs (voire la régression s'agissant des volontaires), le sénateur Dominique de Legge (UMP, Ille-et-Vilaine) enfonce le clou, dans un rapport examiné par la commission des finances le 10 octobre. Le secours à personne a augmenté de 36,2% entre 2002 et 2010, rappelle-t-il, dans ce rapport qui dresse un bilan des dix ans de la départementalisation en matière  d'investissements de la sécurité civile. L'objectif : "Gérer les risques au meilleur coût." Cette situation appelle, selon lui, "à un recentrage nécessaire des missions afin de desserrer la contrainte sur les investissements".
Les "carences ambulancières" ne sont qu'une illustration parmi d'autres du flou qui entoure le financement de la sécurité civile en France. "L'effort d'investissement en matière de sécurité civile est paradoxalement à la fois réel, important mais aussi très difficilement lisible", constate le sénateur, qui s'interroge sur la faiblesse des moyens mis en œuvre par l'Etat pour l'une de ses missions régaliennes : 45,8 millions d'euros dans le budget 2012, à comparer avec les 1,216 milliard d'euros des budgets d'investissement programmés par les Sdis en 2011 (sur un total de 5,5 milliards d'euros). Même si, précise le rapport, il faudrait ajouter les crédits de plusieurs autres ministères (Agriculture, Santé, Ecologie…), sans qu'il soit possible de connaître leur contribution exacte à la sécurité civile. 

Mutualisation

L'Etat est donc contraint au "saupoudrage", notamment à travers le fonds d'aide à l'investissement (FAI). Ce dernier a vu fondre ses crédits comme neige au soleil : 45 millions d'euros en 2003 tombés à 18,36 millions d'euros en 2012. Le FAI ne couvre qu'1,5% des dépenses d'investissement des Sdis. Si ces derniers couvre l'essentiel des investissements, la situation est très contrastée : leurs dépenses vont de 1,5 million d'euros pour l'Aube à 74,6 millions d'euros dans le Nord !
Face à ce constat, le sénateur répond à une ancienne demande des départements. "Dans un souci de préservation de la ressource budgétaire, il convient aujourd'hui de conforter au coeur de la logique d'investissement un principe simple de responsabilisation : le payeur doit aussi être (au moins en partie) le décideur", conclut-il. A condition de coordonner les investissements entre eux. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) mise en place en 2011 aurait pu jouer ce rôle. "Pour autant, au regard des moyens dont elle dispose, elle pèse peu et son rôle d'animation, de conseil ou d'orientation se trouve considérablement réduit", a fait remarquer Dominique de Legge devant la commission des finances. Il recommande de renforcer son rôle de conseil auprès des Sdis, afin d' "éviter l'inflation de prescriptions inutiles". La DGSCGC pourrait ainsi encourager un "réflexe mutualisation" auprès des Sdis pour les achats et équipements.
Le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (Sdacr), lui, est resté en "jachère". Sa consolidation "au niveau régional permettrait une meilleure mutualisation des équipements ainsi qu'une plus grande coordination des actions menées", suggère le rapport.  

"Le PPP correspond à une dette cachée"

Deux défis vont se poser à très court terme. Le financement du réseau de communication Antares est emblématique de la situation. Censé coordonner l'action de l'ensemble des acteurs concourant à la sécurité civile, y compris les forces de l'ordre, il pèse principalement sur les départements, avec une charge d'investissement de 147,5 millions d'euros, alors que police et Samu ne sont pas sollicités. Le réseau est "actuellement dans l'incapacité de fonctionner dans les avions de la sécurité civile, fait observer le sénateur, le ministère de l'Intérieur doit impérativement prendre les mesures qui s'imposent pour remédier à cette impasse opérationnelle difficilement compréhensible".
Autre sujet d'inquiétude : l'état de la flotte d'avions (douze Canadair, neuf Tracker, trois Beech et deux Dash 8) dont une partie arrivera en fin de vie en 2016. Les besoins de financements varient entre 60 et 160 millions d'euros selon les scénarios envisagés. Pour le sénateur, on ne peut "plus différer les choix". Dominique de Legge met en garde contre le rercours au partenariat public-privé (PPP) qui, s'il permet de limiter le coût initial à la charge de l'Etat, "nécessite une grande expertise dans son montage et correspond à une dette cachée".