Agriculture - Les Safer achèvent leur mue régionale sur fond de financiarisation des terres

Les Safer des régions Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et Pays de la Loire auront deux ans de plus pour se conformer à la nouvelle carte régionale. Ailleurs, la régionalisation du réseau est en bonne voie. Sur le terrain, les Safer constatent une augmentation importante des notifications de transactions. Ce qui pourrait être le signe de la "financiarisation" des terres.

La loi d'avenir pour l'agriculture de 2014 avait prévu de régionaliser les Safer (sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural à la réforme régionale), dont le rôle est de favoriser l'installation de jeunes agriculteurs au moment des transmissions d'exploitation. L'objectif : réorganiser le réseau pour ne retenir qu'une Safer par région, sachant qu'une région comme Midi-Pyrénées, par exemple, en comptait trois, dont une à cheval avec l'Aquitaine. Autre problème à régler : la Safer de Vendée était rattachée à la région Poitou-Charentes et non aux Pays de la Loire.
Le réseau en était là de sa réorganisation quand, patatras, la réforme de la carte régionale du 16 janvier 2015 a changé la donne en créant les treize nouvelles régions. "Remettre immédiatement le couvert aurait été un peu compliqué, explique Muriel Gozal, directrice générale de la Fédération nationale des Safer. Voilà pourquoi on nous a accordé un délai supplémentaire dans les régions où cela posait un problème." C'est le sens de l'ordonnance du 17 mars 2016 qui donne aux Safer incluses dans le périmètre de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et des Pays de la Loire, deux ans de plus pour se conformer à la nouvelle carte régionale : elles auront ainsi jusqu'au 1er juillet 2018, au lieu du 1er juillet 2016 comme prévu initialement.
Dans les autres régions, l'adaptation se fait en douceur et ne nécessite pas de report. D'ailleurs, les Safer de Bourgogne-Franche-Comté avaient décidé de fusionner avant même la nouvelle carte régionale. "Toutes les autres Safer auront déposées leurs nouveaux statuts dès cet été, ils devront ensuite être validés par les ministère de l'Agriculture et des Finances", assure Muriel Gozal. Au terme de la réorganisation, le nombre de Safer sera passé de 26 à 16 : treize dans les régions métropolitaines et trois en Outre-Mer.

Entre 30 et 50% de notifications de transactions en plus

En dehors de cette réorganisation, les Safer commencent à voir les effets de leurs nouvelles compétences issues de la loi de 2014 en matière de transmission des exploitations. Depuis le début de l'année, avec l'entrée en vigueur de la loi d'avenir, toutes les transactions, y compris les cessions de parts de sociétés, doivent leur être notifiées. Pour le législateur, il s'agissait de mieux contrôler le phénomène de "financiarisation" des terres (voir ci-contre notre article du 1er décembre 2014). "En volume, on est entre 30 et 50% de notifications en plus. On pense que cette part de marché correspond aux mutations qui passent par des cessions de parts de sociétés. Mais il faut rester prudent car on n'a pas encore exploité ces données", explique Muriel Gozal pour qui "il y a là un gros sujet". L'enjeu est de taille, car au moment de la transaction, la Safer peut faire usage de son droit de préemption. Sauf que la loi de 2014 n'est pas allée au bout de la logique et limite ce droit de préemption aux ventes totales des parts de la société. En cas de vente partielle, la Safer est donc bloquée. C'est justement ce qui vient de se passer avec le rachat de quelque 1.700 hectares de terres céréalières dans l'Indre par la société chinoise Hongyang, basée à Hongkong. Désormais, la production des cinq exploitations qui ont ainsi changé de main sera exportée en Chine…